La corruption a atteint des seuils alarmants et l'Etat, conscients de la montée en puissance de ce péril, a décidé de mettre en œuvre de nouvelles mesures pour lutter contre ce fléau. Le Conseil des ministres a décidé le 25 août de créer un nouveau bureau central chargé d'enquêter et de mettre à jour les délits liés à la corruption. La Cour des comptes, actuellement chargée de traiter les cas de fraude et d'évasion fiscale dont souffre le Trésor, se verra également chargée de missions supplémentaires. Le Conseil des ministres a aussi approuvé une ordonnance modifiant et complétant la loi n°06-01 du 20 février 2006, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption ainsi que le projet de loi portant ordonnance, modifiant et complétant l'ordonnance numéro 96-22 du mois de juillet 1996 relative à la répression de l'infraction à la législation et à la réglementation de change et des mouvements des capitaux de et vers l'étranger. Selon les chiffres du ministère de la Justice, le crime lié à l'attribution d'avantages injustifiés dans les marchés publics est de 11,37% alors que la corruption des fonctionnaires publics a atteint 10,98%. Pour combattre ce crime, la nouvelle législation exige pour toute personne physique ou morale, nationale ou étrangère, soumissionnant pour l'obtention d'un marché public, de signer une déclaration de probité, par laquelle elle s'interdira de commettre ou d'accepter tout acte de corruption, et précisant que dans le cas contraire, elle s'expose aux sanctions prévues par la loi. Cette nouvelle disposition est censé renforcer l'engagement de la responsabilité des contrevenants et asseoir les poursuites et les sanctions auxquels ils s'exposent. À travers cet arsenal juridique, qui viendra s'ajouter aux dispositions et aux mécanismes déjà en vigueur, les pouvoirs publics comptent juguler ce fléau de la corruption qui gangrène l'ensemble du corps social et qui engendre d'incommensurables préjudices à l'économie nationale. Les rectificatifs et les ajustements apportés par le gouvernement seront-ils efficaces pour mette un terme à cette véritable saignée ? Surtout quand on sait qu'aucune des mesures mises en place ces dernières années dans le cadre de la lutte contre la corruption n'a eu les effets escomptés. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que l'Algérie promulgue de telles dispositions. En 2006, une loi avait été adoptée dans le but de créer une instance nationale pour la prévention de la corruption, mais l'objectif n'a pas encore été atteint. Le décret présidentiel n°06/413 du 22 novembre 2006 avait pourtant fixé la composition cette l'organe de prévention et de lutte contre la corruption, son organisation et son fonctionnement, mais ses membres n'ont toujours pas été désignés. Cette désignation est pourtant une condition sine qua non pour l'installation de l'organe. Par ailleurs, l'Assemblée populaire nationale (APN) qui est appelée à adopter tous ces nouveaux projets de loi, se trouve dans une posture ne lui permettant guère de jouir de toutes ses prérogatives constitutionnelles, notamment celles relatives aux missions de contrôle des dépenses publiques. En effet, le gouvernement n'a pas encore élaboré et soumis le projet de loi portant règlement budgétaire aux députés. Les députés, qui ont longtemps revendiqué ce projet de loi qui leur donne le droit de passer au peigne fin les dépenses effectuées sur le budget de l'Etat durant une année d'exercice, doivent patienter encore. Le gouvernement a du pain sur la planche. L'opinion publique après les scandales impliquant le géant public de l'énergie, Sonatrach, le projet d'autoroute Est-Ouest et d'autres projets de travaux publics doutent de l'efficacité de ce programme. Malgré toute cet arsenal institutionnel, le pari est ainsi loin d'être gagné. Car, sur le terrain, la corruption continue d'être une pratique courante et l'évocation de l'échec des expériences passées relatives aux multiples campagnes lancées contre la corruption suscite du scepticisme chez le simple citoyen.