Le président du Sénat minimise, pour sa part, l'ampleur du phénomène. Le phénomène de la corruption prend des proportions alarmantes, mais les parlementaires ne bronchent toujours pas. Pis encore, ils considèrent « exagérée » la médiatisation du fléau. Ce sont malheureusement des responsables du Parlement, une institution législative chargée du contrôle de la gestion des deniers publics, qui le pensent. « Il y a une instrumentalisation de ce phénomène condamnable pour porter atteinte à l'image de tout un pays et à la crédibilité de ses cadres », lance le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah. Dans une allocution prononcée hier, à l'occasion de l'ouverture officielle de la session de printemps du Sénat, il estime que « cette instrumentalisation est une grande injustice ». Le deuxième homme de l'Etat réduit la corruption, qui gangrène même les plus importantes sociétés du pays, à un fait ordinaire sur lequel il ne faut pas faire un tapage. « La corruption est un phénomène qui existe dans tous les pays du monde et l'Algérie n'en est pas exempte, mais il existe, comme partout dans le monde, des lois qui traitent de tels actes et sanctionnent leurs auteurs », dit-il. M. Bensalah lance, dans ce sens, un appel « à laisser la justice jouer son rôle, celui de mener des investigations, de punir le coupable et d'acquitter l'innocent ». Il reconnaît, toutefois, que « la dilapidation des deniers publics est un acte criminel que la justice doit combattre en appliquant la loi dans toute sa rigueur ». Et il ne manque pas dans ce sens de faire référence aux instructions du chef de l'Etat. « L'autorité politique suprême du pays a, à maintes fois, donné des instructions fermes pour combattre le phénomène de la corruption sous toutes ses formes », souligne-t-il. Et le rôle du Parlement ? Abdelkader Bensalah ne souffle pas un mot sur les prérogatives, non exercées, des parlementaires d'enquêter sur des questions relatives à la gestion de l'argent public. Son collègue, le président de l'Assemblée populaire nationale, Abdelaziz Ziari ne fait pas mieux. Dans une allocution lue en son nom par Mohamed Bourayou, vice-président de l'APN, il précise seulement que l'Assemblée est disposée à aider les structures chargées de la lutte contre la corruption. « L'APN est prête, dans le cadre de ses prérogatives, à aider les structures légales de lutte contre la corruption en mettant en place, dans le cas où il est nécessaire, des commissions d'enquête parlementaires », dit-il. Ahmed Ouyahia observe le silence Les députés n'estiment-ils donc pas nécessaire d'enquêter sur ce phénomène ? Décidément, ils ne se sont pas encore inquiétés. Abdelaziz Ziari se contente alors de saluer la création d'un Observatoire national de lutte contre la corruption. Sans dire un mot sur la loi de règlement budgétaire qui doit accompagner chaque loi de finances, il s'est limité uniquement à l'énumération des quelques prérogatives exercées par les députés, mais qui ne renforcent pas le contrôle sur l'Exécutif, comme les questions orales et écrites. L'Exécutif est, semble-t-il, satisfait de cette situation. Approché par les journalistes à l'issue des deux cérémonies, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, n'a pas souhaité s'exprimer. Du coup, toutes les questions posées n'ont pas trouvé de réponse. « Je n'ai pas parlé à l'APN, je ne parlerai pas ici (au Sénat) », a-t-il déclaré.