Le système de corruption a pourri une partie de l‘élite algérienne, voire nombre de cadres de la nation. Major de promotion d'une grande école en Algérie, A. S. est recruté par une institution de l'Etat pour faire partie de son élite aux commandes de son administration. Il gravit vite les échelons. En peu de temps, il devient responsable d'une structure sensible. Commencent alors les ennuis avec la justice. En exécutant à la lettre, en bon commis de l'Etat, les instructions reçues, il est accusé d'avoir ordonné à ses subordonnés la falsification de documents commerciaux. Dix ans de démêlés judiciaires et de stress. Sans encore obtenir de jugement définitif. Une victime d'un milieu pourri ? Dans un environnement plus favorable, il aurait sans doute contribué à une plus grande efficacité de son administration. Et non à noircir l'image de son institution. De façon plus précise, deux affaires montrent comment le système de corruption en Algérie parvient à ses fins de détournement et de dilapidation de deniers publics en laminant au passage maints et maints cadres de la nation, une partie de l'élite du pays. Le premier cas révèle un procédé courant au cours de la décennie 2000 : le faux et usage de faux en écritures publiques, en clair de documents commerciaux et administratifs. La première affaire remonte au début des années 2000. Elle concerne l'exportation illégale de déchets ferreux et non ferreux. Une enquête des services de sécurité découvre le pot aux roses, indique une source sûre. Les premiers documents douaniers attestent l'exportation à partir du port d'Alger de 16 conteneurs, soit 132 tonnes de déchets ferreux et non ferreux. Les investigations des services de sécurité constatent la présence de 264 tonnes de déchets ferreux et non ferreux dans 19 conteneurs. Pour masquer cette présumée complicité en vue d'un transfert illégal de devises, des cadres de la douane auraient falsifié le P.-V. de constat initial en produisant un nouveau P.-V. antidaté corrigeant le premier document, attestant cette fois-ci de la présence de 264 tonnes dans les 19 conteneurs. Au total, douze douaniers sont inculpés dans cette affaire. Le préjudice au Trésor est estimé à 10 milliards de centimes. Seconde affaire encore pendante à la Cour suprême. Un opérateur importe une imprimerie d'une valeur de 16 milliards de centimes à la fin des années 1990. Faisant valoir les avantages Apsi, il paiera 700 millions de centimes à titre de droits de douane. Au moment de l'enlèvement de la marchandise, les services douaniers du port d'Alger lui apprennent que son imprimerie a été mise aux enchères. Un faux placard publicitaire est inséré selon les pièces du dossier. En fait, l'imprimerie a été vendue pour une bouchée de pain : 900 millions de centimes. L'opérateur dépose plainte. Le jugement prononcé en 2006 déboute la douane. Cette dernière devait lui verser 20 milliards de centimes au titre des dédommagements. Trois douaniers mis en cause ont été inculpés. Ils attendent toujours le jugement définitif. Le préjudice au titre des droits et taxes est estimé à 6 milliards de centimes. En fait, les douaniers avaient agi sur ordre d'en haut. Un clan de décideurs ne voulait pas de cette imprimerie en Algérie, raconte la même source. Les deux affaires montrent comment le système de corruption en Algérie pourrit une partie de l'élite, voire des cadres de la nation, use du faux et usage de faux pour parvenir à ses fins : des détournements et des dilapidations de deniers publics ou des transferts massifs de devises vers l'étranger pour alimenter les comptes offshore, notamment à Monaco, Dubaï ou des places financières en Espagne ou en Turquie.