Après une désastreuse double campagne éliminatoire Mondial-CAN 2010, le Maroc semble redresser la barre sous le récent règne d'Eric Gerets. N'ayant visiblement guère supporté d'avoir été la risée de l'Afrique, laquelle riait sous cape, au moment où leur voisin de l'Est fréquentait le gratin de ce monde au sud du continent, les sujets de Sa Majesté ont confié leur destin au technicien belge — pas vraiment fan de blagues, surtout quand celles-ci riment avec faillite footballistique. Et entre Lions, on se comprend. Forcément. Alors, lorsqu'il avait pris officiellement en main les Lions de l'Atlas, le 15 novembre dernier, le Lion de Rekem n'avait qu'une idée en tête : leur réapprendre à rugir. Et il faut dire que pour une première à Belfast, dans l'antre même d'un Irish team dont le voisin et frère ennemi du sud avait terrassé les Verts d'Algérie quelques mois auparavant, c'était beaucoup mieux que le miaulement auquel les coéquipiers de Merouane Chamakh avaient habitué leur public tout au long de l'infructueuse campagne de 2010. Le 1-1 décroché en terre rebelle sonnait comme le début d'une résurrection pour ce Maroc renaissant. Gerets, en bon spécialiste des débuts en trombe, avait réussi son pari, le démarrage. Les éventuels problèmes à l'allumage, Gerets ne connaît point. Tout Marseille se souvient d'ailleurs du premier match de l'ex-Diable rouge sur le banc phocéen lorsqu'il conduit l'OM à un succès historique à Anfield Road face à Liverpool en Champions League, devenant au passage le premier entraîneur d'une équipe française à réussir un tel exploit. Un trophée de meilleur entraîneur de Ligue en France et un titre de champion en Arabie saoudite avec Al-Hilal plus tard, l'ancien robuste défenseur du grand PSV Eindhoven de la fin des années 1980 débarque alors au royaume chérifien avec des certitudes plein la tête, au moment même où un certain doute s'installait chez les voisins algériens après que le cheikh Rabah Saâdane eut quitté ses fonctions de sélectionneur des Verts. Gerets vs Benchikha : 16 titres contre 1 seul ! Mais alors que la Fédération royale a confié ses vedettes marocaines qui sévissent aux quatre coins de la vieille Europe à un technicien fort d'un CV en béton armé (en tant que joueur : deux titres de champion de Belgique avec le Standard de Liège, six titres de champion, une coupe des Pays-Bas et une Ligue des champions d'Europe avec le PSV Eindhoven, ainsi que 86 sélections avec la Belgique, et en tant qu'entraîneur : deux fois champion de Belgique avec deux clubs différents (Lierse SK et FC Bruges), deux fois champion des Pays-Bas avec le PSV, champion de Turquie avec Galatasaray puis champion d'Arabie saoudite avec Al-Hilal), la FAF a troqué Saâdane contre Abdelhak Benchikha. Outre sa stature et sa renommée internationale qui imposent et forcent le respect, c'est surtout son côté relationnel, loué d'ailleurs par tous les joueurs qu'il avait drivés sur la Cannebière ou à Riyad, qui a fini par transcender les coéquipiers de Kharja, au point de se défoncer même en son absence, comme en atteste cette surprenante victoire arrachée le 9 octobre dernier à Dar Es-Salem, dans la lointaine Tanzanie, sous la coupe de son fidèle adjoint, Dominique Cuperly. Presque au même moment, même en présence de leur nouveau driver, les poulains d'Abdelhak Benchikha sombrent et se ridiculisent à Bangui face à l'inconnue sélection centrafricaine. L'effet Gerets, confirmé du reste face à l'Irlande du Nord (1-1) puis face au Niger (3-0), contraste parfaitement avec la baisse de régime de la troupe à Benchikha, si impuissant et tellement sans effet au gouvernail des Verts. C'est donc tout naturellement que la montée en puissance des Lions de l'Atlas conjuguée à la forme décroissante des Fennecs inquiètent même les plus optimistes des supporters des Verts. D'autant plus que dans le même contexte, les internationaux algériens, à l'image des Karim Matmour, Abdelkader Ghezzal, Rafik Halliche et autres Mourad Meghni et Amri Chadli confirmaient leurs difficultés à s'imposer dans leurs clubs respectifs, le vice-capitaine Karim Ziani ayant même été contraint de s'engager avec la microscopique formation turque de Kayserispor pour gagner du temps de jeu. En parallèle, presque un signe, le capitaine marocain Houssine Kharja s'engageait, jouait et marquait même avec l'Inter de Milan !Au plein de confiance engrangé par la sélection élargie d'Eric Gerets, l'EN n'aura donc d'autre alternative que d'y opposer sa hargne et sa légendaire grinta, tout en espérant être dans un bon jour le 27 du mois en cours à Annaba à même de faire face à la déferlante offensive chérifienne et ses gâchettes reconnues internationalement : Merouane Chamakh, Mounir El-Hamdaoui, Youssef El-Arabi, Youssouf Hadji et autre Adel Taârabt, et éviter, ainsi, de revivre le même cauchemar vécu par leurs aînés le 4 mai 2001 au stade du 5-juillet, battus qu'ils ont été par le même Maroc dans la course au Mondial asiatique de 2002. Avec quatre points au compteur contre un seul pour leurs hôtes, les Marocains comptent d'ailleurs bien mettre à profit cet avantage mental, mais aussi stratégique au niveau jeu, symbolisé par la science tactique d'Eric Gerets pour enterrer, dans leur propre berceau d'Annaba, les derniers espoirs de qualification des Verts algériens. Car, avec des attaquants qui crachent le feu et un Gerets qui ne renie jamais son passé de Diable rouge, ce Maroc transcendé et ressuscité paraît bien armé pour envoyer nos Verts en... enfer. R. B