Les aubergines de plein champ ont encore pour quelques semaines de présence sur les marchés. Les produits de serres prendront ensuite le relais. Relativement peu onéreuse, l'aubergine a de multiple apprêts en plus de ses vertus bienfaitrices. Bien cuisinée, elle s'avère un délice. En conserve, elle apportera une note ensoleillée aux menus d'automne et d'hiver. conserves d'aubergine au vinaigre Préparation Coupez de belles aubergines en tranches d'un centimètre d'épaisseur, saupoudrez les deux faces de sel. Laissez les dégorger dans une passoire puis au moins 8 heures sous la pression d'un poids. Secouez et essuyez les tranches d'aubergine pour enlever l'excédent de sel et d'eau.Faites un mélange moitié eau et moitié vinaigre blanc et porter à ébullition. Préparez les aromates : ail, laurier, poivre et coriandre en grain. Dans un bocal, disposez les rondelles, bien tasser au fur et à mesure, en ajoutant les aromates entre les couches d'aubergines. À la fin, remplir le bocal à ras bord d'huile d'olive tiède. Conservez au frais à l'abri de la lumière. Momo [email protected] LECTURE Batoule salua le marchand et prit le chemin du retour. (...) Elle alluma le feu et se mit au travail. Très vite, un délicieux parfum emplit la pièce et s'échappa par la fenêtre entrouverte. La belle reprenait goût à la vie. Piètres cuisinières, ses voisines identifièrent néanmoins les différents ingrédients : ail écrasé, coriandre, cumin, poivrons grillés. Le lendemain, elle fit mijoter un succulent tagine d'agneau aux cardons. Le surlendemain, elle prépara un couscous madfoun, celui qui cache volontairement son jeu... J'adore ce couscous, où tout est dissimulé aux regards. Dans sa cuisine, Batoule se comportait comme ces femmes qui entrent en transe au son d'une musique entraînante et défient la loi des hommes. Elle affolait les sens de voisins, qui la regardaient porter ses petits plats aux pauvres groupés devant la mosquée. Son talent pour filtrer l'eau de rose était exceptionnel et sa façon de griller les noix ravissait les papilles. Son smen était une merveille et ses dattes farcies aux amandes tout simplement sublimes. Une autre fois, elle brisa le tabou suprême en réalisant elle même la recette du bouillon de l'accouchée, d'ordinaire réservé aux femmes qui viennent d'enfanter. Stérile, Batoule savait qu'elle ne connaîtrait jamais ce bonheur, mais elle prenait sa revanche en réussissant le plus savoureux des bouillons. Batoule était comme ça, et j'admirais sa détermination à ne pas accepter son sort. La répudiation la condamnait à une vie difficile. En se révoltant, Batoule avait repris sa liberté. (...) “...lorsque ce fils de sorcière m'a répudiée, j'ai d'abord cru que le sol allait s'ouvrir sous mes pieds. Puis j'ai pensé faire une folie : sortir nue dans la rue pour l'humilier, le tuer de mes propres mains ou bien me jeter dans l'oued... Je voulais crier mon malheur au monde entier. Finalement, j'ai préféré m'enfermer dans la cuisine pour préparer tous les plats qu'il aime et ceux qu'il ne connaît pas. Chaque fois, devant ces plats délicieux, je me dis qu'il peut bien se remarier s'il veut, il ne les goûtera jamais plus et même jamais tout court!” Fatéma Hal, Fille des frontières, 2011