À vrai dire, il n'est pas nécessaire d'être clerc pour s'émouvoir des prestations et autres soins prodigués aux patients, y compris dans les structures privées les plus onéreuses, où on sollicite même les services de soi-disant spécialistes de renommée internationale. Des professionnels regrettent que le processus de déontologie de la médecine n'ait “jamais été respecté” ! “Tomber” malade dans ce bas monde est le mal que le commun des mortels voudrait certainement s'éviter. Toutefois, tout le monde aura fini par comprendre que la maladie est cette fatalité de la nature humaine souvent inévitable. De nos jours, le plus dur est de “choper” une maladie et de ne pas pouvoir bénéficier d'une prise en charge adéquate. Cette prise en charge que seul un système national de santé se portant bien pourrait assurer aux citoyens. En dehors de ce système, les moyens personnels, y compris chez les nantis, s'avèrent souvent inefficaces. Les structures de santé, publiques et/ou privées, sont les seules en mesure de répondre aux besoins des citoyens en matière de prise en charge sanitaire à condition qu'elles soient bien organisées. Or, en Algérie, l'organisation est de plus en plus décriée. C'est un mal national ! Cependant, ce mal est ressenti à plus forte dose dans le secteur de la santé tant le dysfonctionnement pénalise directement les personnes atteintes de maladies. Des personnes en danger de mort : Une situation profitable De l'avis des spécialistes, le système national de santé est aujourd'hui, “insuffisant par rapport à la demande”. Ce système qui n'a pas prévenu les phénomènes de la croissance démographique et la multiplication de nouvelles pathologies. Résultat de la gestion catastrophique : hôpitaux saturés, médicaments en rupture de stock, personnel médical et paramédical insuffisant, (parfois non qualifié), matériel obsolète… Tout un manque qui a transformé nos hôpitaux tout bonnement en… mouroirs. Hélas ! L'ouverture (en 1988) des cliniques privées et leur généralisation, (vers le début des années 1990), n'a fait que précipiter l'enterrement du déjà agonisant secteur public. Les hôpitaux publics ne cessent, depuis, de subir une véritable saignée de leur personnel qualifié. Les propriétaires, des professeurs du secteur public pour leur majorité, de ces structures privées proposant alors des salaires et des conditions de travail bien meilleures que le public. En dépit de l'interdiction, le personnel n'ayant pas encore quitté le secteur public ne se prive pas de cumuler un deuxième poste chez le privé. À cela s'ajoute la vétusté des équipements et des structures dont les grands CHU de la capitale, (Mustapha-Pacha, Bab El-Oued, ex-Maillot, Béni-Messous) datant de l'époque coloniale, en outre, la rupture des médicaments de base est constamment signalée au niveau des hôpitaux. Par conséquent, les citoyens, livrés à leur détresse, ont davantage perdu confiance en les compétences du secteur public, et encore moins, en les moyens des hôpitaux. De nombreux patients algériens, y compris les plus démunis, se trouvent de plus en plus contraints de se soigner dans des cliniques privées. Comment les citoyens atterrissent chez le privé Chahrazed, El-Qods, Al-Azhar, Rifak-Al-Fath, Essaâda, Yaker, Fériel, El-Chifa, Ennadjah, Staouéli, ou encore Bordj El-Bahri sont autant de cliniques privées implantées dans la seule ville d'Alger, qui ne désemplissent jamais ou presque. Pourquoi et comment se fait-il que des malades atterrissent chez le privé, tandis qu'il y a au moins un hôpital dans chacune des villes du pays ? La question s'impose d'autant plus que le personnel du secteur public n'est pas étranger aux cliniques privées. Aujourd'hui, il n'est un secret pour personne : de nombreux citoyens soupçonnent légitimement la complicité des personnels de certains hôpitaux publics, lesquels orienteraient volontairement des patients vers des cliniques privées. Pour les convaincre, ils leur font souvent avaler la pilule que l'hôpital n'aurait pas les moyens de les prendre convenablement en charge. D'où l'obtempération presque automatique de nombreux patients condamnés à se soigner dans les délais. Se faisant souvent convaincre de cette urgence, certains citoyens dépourvus de moyens, recourent même à la vente de leurs biens pour se permettre une prise en charge dans une clinique privée. Mais, est-ce là la solution la plus efficace ? Autrement dit, les cliniques privées répondent-elles réellement aux normes requises pour recevoir et traiter les malades dans différentes spécialités ? “Non, pas forcément”, selon un citoyen qui déclare avoir été arnaqué par les responsables d'une clinique privée. “Ils ne voient devant eux que la cagnotte à empocher, ils font du commerce avec la santé des humains, ce sont des sangsues !” dénonce ce père de famille, qui a épuisé ses économies de plus d'une vingtaine d'années, pour aider sa femme à se soigner dans une clinique privée, avant qu'elle soit réorientée vers… un hôpital public ! Pire, dans certains cas, la voracité des propriétaires et autres responsables des cliniques privées dépasse l'imaginaire. Les sangsues ! C'est le cas notamment de ces parents d'une famille qui ont été priés de payer la facture des soins de leur fille, hospitalisée dans une clinique privée à l'ouest du pays, même après le décès de la malade ! Pour les convaincre à payer, les responsables de ces structures privées avaient alors inventé le mensonge que la malade, morte, “était en consultation et que personne ne pourra donc la voir”. Il a fallu que ses parents déboursent la sommes exigée pour enfin récupérer le… cadavre de leur fille ! À vrai dire, il n'est pas nécessaire d'être clerc pour s'offusquer des prestations et autres soins prodigués aux patients, y compris dans les structures les plus onéreuses, où on sollicite même les services de ces soi-disant spécialistes de renommée internationale. Des professionnels regrettent que le processus de déontologie de la médecine n'y soit “jamais respecté”. “C'est devenu une pratique courante dans certaines cliniques privées ; des médecins généralistes se font souvent passer pour des spécialistes et arnaquent des malades. C'est immoral !”, dénonce un praticien spécialiste, sous le couvert de l'anonymat. En outre, notre interlocuteur remet en cause, “l'indisponibilité pluridisciplinaire” dans les cliniques privées. “Comment se fait-il qu'on mette en place plusieurs spécialités alors que la structure ne s'y prête pas ?”, s'interroge-t-il. “Beaucoup de cliniques privées n'ont pas les moyens de leur politique”, déplore notre source, pour qui la plupart de ses structures ne respectent pas les cahiers des charges définis par le ministère de tutelle. Sur les 300 cliniques privées agréées par l'Etat, rares sont celles qui répondent aux dispositions requises par la loi régissant ce secteur. Si l'on fait une comparaison avec d'autres pays, parler de 300 structures privées en Algérie, est déjà en soi un nombre très élevé ! Exemple, la Turquie compte seulement 120 établissements privés sur ses 1 200 hôpitaux nationaux, pour une population de près de 76 millions. Ouvrir une clinique privée en Algérie est plus une affaire commerciale qu'un investissement dans le domaine de la santé, c'est-à-dire un investissement visant le développement de la structure et l'amélioration des prestations. Loin s'en faut. Toutefois, les dysfonctionnements ne semblent pas inquiéter, outre mesure, le département de Djamel Ould-Abbès, selon lequel les règles du jeu seraient bien claires. Pourtant le ménage s'impose aujourd'hui dans ces pseudos cliniques privées où l'argent prime sur le patient. Serment d'Hippocrate, dites-vous ? En quelques chiffres 300 est le nombre total des structures privées de santé en Algérie : 138 cliniques médicochirurgicales avec hospitalisation ; 60 centres d'hémodialyse ; 45 cliniques chirurgicales en ambulatoire ; 28 Chap, centres d'hémodialyse ; 13 cliniques médicales de jour ; 10 centres de procréation médicalement assistée (CPMA) ; 2 cliniques de jour de diabétologie ; 1 centre de rééducation fonctionnelle ; 1 clinique de diagnostic ; 1 clinique médicale de chimiothérapie en ambulatoire ; l 1 clinique médicale de neurologie en ambulatoire ; Vingt-cinq établissements hospitaliers dont 9 cliniques privées bénéficient des services de praticiens étrangers.