Crédités de 65% lors du premier tour, les islamistes égyptiens, notamment les Frères musulmans et les salafistes, se livrent depuis hier à une véritable bataille pour arracher la vingtaine de sièges encore en jeu dans ce second tour de la première partie de ce scrutin uninominal, qui en comporte trois. Entre Frères musulmans et salafistes, le duel est serré dans ce deuxième tour des élections législatives égyptiennes, où chaque camp veut conforter son acquis pour se retrouver en position de force lors des négociations pour la formation du futur gouvernement. Dopés par les résultats inattendus de la semaine écoulée, les islamistes se livrent à une bataille sans merci entre eux pour conforter leurs positions respectives. La confrérie des Frères musulmans, créditée de 36,6% des voix au premier tour, tente de se démarquer des fondamentalistes, qui ont créé la véritable surprise du premier tour en raflant 24,3%. Les deux mouvements vont se battre pour une vingtaine de sièges dans un tiers des gouvernorats d'Egypte concerné par ce second tour, dont les deux plus grandes villes du pays, le Caire et Alexandrie. C'est à Alexandrie que le duel sera particulièrement serré entre les Frères musulmans et les salafistes, car c'est dans cette ville côtière que le parti salafiste Al-Nour est né peu après la chute de Hosni Moubarak, même si la confrérie des Frères musulmans y est également implantée depuis longtemps. Il faut croire que le score de ce parti extrémiste a surpris même ses militants, à l'image de Jihane, une mère de quatre enfants qui porte le niqab, devant un bureau de vote dans le quartier Al-Montazah, sur le Front de mer à Alexandrie, laquelle s'est félicitée en déclarant : “Cela ne fait que dix mois qu'on est là et on est déjà en deuxième position.” Elle expliquera son choix en affirmant : “Je vais voter pour Al-Nour car je suis très pieuse et ce sont eux qui représentent le mieux mes idées”, avant d'ajouter : “Celui qui a espoir en Dieu est le vainqueur.” Dans cette première étape du scrutin, les libéraux, qui apparaissent comme les grands perdants, vont tenter de compenser leurs pertes, en particulier au Caire. Le Bloc égyptien, principale coalition libérale, n'a obtenu que 13,3% au premier tour. L'ensemble des libéraux, répartis sur six listes, atteignent 29,3%, mais ils restent toutefois trop divisés pour représenter un groupe homogène face au raz-de-marée islamiste. Dans le quartier huppé de Zamalek au Caire, les espoirs reposent sur le candidat libéral Mohamed Abou Hammad, qui fait face à un candidat des Frères musulmans. Les deux prochaines étapes des législatives se tiendront dans l'Egypte profonde, où le camp laïc a peu de chances de gagner. La percée des salafistes, plus intransigeants que les Frères musulmans, qui se présentent comme “modérés”, a pris la confrérie au dépourvu et semé la crainte dans les milieux laïques et coptes (chrétiens d'Egypte). Calmant le jeu, le porte-parole des Frères musulmans, Mahmoud Ghozlane, a appelé “à ne pas mettre tous les islamistes dans le même panier”, en référence à Al-Nour. Forts de leur succès, les responsables de ce parti ont multiplié les déclarations en faveur d'un islam rigoriste, identique à celui en vigueur dans le royaume wahhabite. Merzak Tigrine