Les islamistes d'Egypte, dopés par une victoire écrasante au premier tour des législatives, étaient engagés hier dans la bataille du second tour contre les libéraux, mais aussi au sein de leur propre camp, avec un duel entre les Frères musulmans et les nouveaux venus salafistes. Si l'ensemble des mouvements islamistes a été crédité officiellement de 65% des voix, l'influente confrérie des Frères musulmans (36,6%) tente de se démarquer des fondamentalistes qui ont créé la véritable surprise du premier tour en raflant 24,3%. Les deux mouvements s'affrontent pour une vingtaine de sièges dans un tiers des gouvernorats d'Egypte concernés par ce second tour, dont les deux plus grandes villes du pays, Le Caire et Alexandrie. Ce deuxième tour, qui se poursuit aujourd'hui, est destiné à pourvoir les sièges attribués au scrutin uninominal (un tiers du Parlement). Le taux de participation du premier tour la semaine dernière, initialement annoncé à 62%, a été ramené à 52% par la commission électorale «après contrôle du dépouillement». La France a salué lundi «un scrutin libre et transparent» et la forte participation des Egyptiens, tout en restant muette sur le score des partis islamistes. A Alexandrie (nord), un duel particulièrement serré est prévu entre les Frères musulmans et les salafistes. Cette ville côtière a vu naître le parti salafiste Al Nour, peu après la chute de M. Moubarak, mais la confrérie y est également implantée depuis longtemps. «Cela ne fait que dix mois qu'on est là et on est déjà en deuxième position», s'est félicité Jihane, une mère de quatre enfants qui porte le niqab, devant un bureau de vote dans le quartier Al Montazah, sur le front de mer à Alexandrie. «Je vais voter pour Al Nour, car je suis très pieuse et ce sont eux qui représentent le mieux mes idées», a-t-elle ajouté. «C'est un vote vraiment serré, je pense que pour le moment nous sommes à 50/50», dit une jeune militante de la confrérie. Lutte fratricide à Alexandrie Devant les bureaux de vote et dans les rues d'Alexandrie, les partisanes des salafistes sont reconnaissables à leur niqab noir, alors que celles de la confrérie ne portent que le voile. Les législatives égyptiennes sont organisées sur trois zones géographiques qui se prononcent l'une après l'autre. L'élection des députés se déroule jusqu'en janvier, puis viendra celle des sénateurs jusqu'en mars. Un tiers des sièges de l'Assemblée du peuple seront pourvus via un scrutin uninominal à deux tours, les deux tiers restants étant attribués à des listes élues à la proportionnelle. Dans cette première étape du scrutin, les libéraux, qui apparaissent comme les grands perdants, vont tenter de compenser leurs pertes, en particulier au Caire. Le Bloc égyptien, principale coalition libérale, a ainsi obtenu 13,3% au premier tour. L'ensemble des libéraux, répartis sur six listes atteignent 29,3%, mais ils restent toutefois trop divisés pour représenter un groupe homogène face au raz-de-marée islamiste. Dans le quartier huppé de Zamalek au Caire, les espoirs reposent sur le candidat libéral Mohamed Abou Hammad, qui fait face à un candidat des Frères musulmans. «J'ai voté pour Hammad. S'il ne gagne pas ici, je ne sais pas où les libéraux vont gagner», a affirmé Amr Al Gidawi, un avocat. Les deux prochaines étapes des législatives se tiendront en effet dans l'Egypte profonde et laisseront peu de chances au camp laïc. «Les forces révolutionnaires ne se sont pas occupées des élections», explique Moustapha Hussein, médecin et blogueur actif durant la révolte contre Moubarak.