…La Tunisie nouvelle se réveille, ce matin, sur un autre président. Sans cravate et un visage mouillé de larmes. Les larmes d'un syndicaliste sont rares. Et je pense : il était une fois Lech Walesa ! Solidarno ! Un beau soleil brille sur les têtes des Tunisiens et une énorme question s'installe dans les têtes. Mais les Tunisiennes se demandent sur la couleur de leur demain, de leur lendemain ??? Une crainte et un sourire. Perplexe. Brouillard ! L'hôtel où je suis hébergé : Katrthago Le Palace, me paraît très froid. Sans âme. Le marbre artisanal ressemble aux pierres tombales sur les caveaux des rois oubliés après des guerres d'héritage et d'héritiers. Silence ! Le grand hall, devant la réception, est presque déserté. Cimetière ! Pas d'étranger. Neuf heures du soir, un duo, deux jeunes hommes, joue une musique hésitante qui timidement se répand, comme sur des dos-d'âne mal faits, dans cet espace sourd. Le bar est orphelin. Accablé. Quelques hommes sombres attablés devant leurs tasses de café froid. Café du deuil. La crainte. Les espaces sont déféminisés ou presque. Pas de femmes ! Tout est masculin ! Les gens ne parlent pas. Ou peu. Murmurent pour ne rien dire. Pas par peur mais par désorientation ! Et moi, pourquoi suis-je ici, pourquoi en ce moment, en ce jour, en ce premier jour du nouveau président ? Soudain, je me suis rappelé que je suis à Beyt Al-Hikma, pour participer au colloque international organisé à l'occasion du centenaire de l'écrivain rebelle Mahmoud Messaâdi : “Messaâdi, esthétiques de l'écriture et questions de l'existence.” La Tunisie intellectuelle, celle des écrivains et des universitaires, célèbre son écrivain, le plus moderne du siècle : Mahmoud Messaâdi. Je donne la conférence d'ouverture intitulée : “Messaâdi, apôtre d'une modernité handicapée.” J'ai la tête ailleurs ! Je pense aux islamistes salafistes qui, il y a quelques jours, ont envahi la faculté des lettres de Menouba. Ils ont pris en otage le doyen. Modernité et violence ! Un nouveau président, syndicaliste et ancien militant des droits de l'homme, s'installe dans le palais de Carthage et une force salafiste, doucement, menace le soleil de Tunis et s'empare de la rue et d'universités. Les gens ne parlent pas. Ou peu. Pourquoi les Tunisiens sont-ils tristes ? Peut-être parce que l'Algérie n'est pas loin, ni dans la géographie ni dans le temps ! A. Z. [email protected]