La famille Ghedir avait organisé des protestations à Deb-Deb et menacé les autorités locales de s'en prendre à elles si les leurs n'étaient pas libérés. C'est une première dans les annales sécuritaires en Algérie : un wali d'une wilaya très sensible se fait enlever en plein jour par trois jeunes connus et identifiés pour être transféré le jour même en territoire libyen et libéré, quelques heures après par les rebelles libyens avant d'être remis aux autorités algériennes. Mohamed-Laïd Khelfi a été, en effet, remis aux autorités algériennes, au poste frontalier de Deb-Deb, hier. Une fin rapide et heureuse d'un kidnapping unique en son genre et qui laisse planer beaucoup de questions sur les circonstances de son enlèvement, des failles dans le dispositif de sécurité mis en place dans cette zone extrêmement sensible du pays, mais aussi des conséquences de cette opération coup d'éclat. Le wali a été enlevé lundi vers 16h, à la sortie de la localité de Deb-Deb par trois jeunes armés. Ces derniers sont vite reconnus par le président de l'APW, enfant de la région et dont le frère est vice-président de l'APC de Deb-Deb. Il s'agit d'enfants appartenant à la famille Ghedir dont est issu Mohamed, alias “Abdelhamid Abou Zeïd”, l'“émir” d'Aqmi, qui sévit dans cette large étendue désertique. Mais pas seulement. Puisqu'une dizaine d'autres membres de cette famille ont été condamnés, début janvier, à des peines de prison, dans l'“affaire Abou Zeïd”. La famille Ghedir avait organisé des protestations à Deb-Deb et menacé les autorités locales de s'en prendre à elles si les leurs n'étaient pas libérés. Le wali s'est, alors, déplacé à Deb-Deb, où il a rencontré les représentants de la famille Ghedir pour les rassurer et leur promettre de transmettre leurs doléances aux autorités centrales. C'est sur le chemin du retour que trois jeunes interceptent le véhicule du wali et l'obligent à embarquer dans une Toyota Station pour prendre la direction du territoire libyen. Même si, officiellement, on a vite écarté la piste terroriste, les ravisseurs devraient, bel et bien, remettre le wali à un groupe d'Aqmi qui les attendait sur le sol libyen. L'enlèvement d'un représentant de l'Etat, dans cette zone sensible, allait mettre en branle toute la machine sécuritaire et du renseignement en vue de parvenir, le plus rapidement possible à libérer le wali. Des notables locaux, dont certains disposent de la double nationalité (algéro-libyenne), ont entrepris des contacts avec des rebelles libyens et ont réussi à coordonner les efforts entre ces derniers et les autorités algériennes, ce qui a permis une localisation rapide du véhicule et une libération aussi rapide du wali. Cependant, les rebelles, qui ont été très coopératifs et très efficaces dans cette libération, ont gardé les trois ravisseurs à leur niveau et l'on ignore si jamais ces derniers allaient être remis aux autorités algériennes. Cet enlèvement pose de nombreuses questions, à commencer par celle qui concerne la sécurité du wali : comment se fait-il que ce dernier se déplace dans une zone aussi sensible sans protection ? On ne traverse pas 400 kilomètres entre Illizi et Deb-Deb sans escorte. Quand bien même on veut rassurer une famille en colère, on ne fait pas tout ce trajet sans la moindre précaution. Ensuite, et sachant la sensibilité de la région et le renforcement du dispositif de sécurité depuis le déclenchement du conflit libyen, comment des individus, aussi suspects, connus et identifiés pour leurs liens avec un “émir” terroriste et les réseaux de la contrebande ont continué à garder leurs armes sans être inquiétés ? En fait, ce traquenard dans lequel est tombé le wali d'Illizi renseigne sur la récurrente difficulté qu'éprouve le pouvoir central à gérer ces zones frontalières du Sud où tribus et familles imposent leurs lois, que ce soit pour les projets de développement, la désignation des commis de l'Etat, ou que ce soit dans la contrebande et même dans le terrorisme. Le président Bouteflika, lui-même, en a été victime dans la wilaya d'Illizi, au début de son règne, lorsque, dans une salle où il tenait son meeting, des jeunes se sont mis à le chahuter pour réclamer le retour d'un enfant de la région aux affaires et le départ du wali. Dehors, des jets de pierres pleuvaient sur la salle. À Tamanrasset, c'est pareil, l'épisode de Hadj Bettou est là pour rappeler que, dans ces contrées, l'Etat central reste fragile. A.B.