L'Assemblée Nationale Populaire qui sortira des urnes lors des élections du 10 mai prochain aura un agenda politique inédit celui d'amender substantiellement la Constitution. Le texte qu'elle adoptera sera marqué par des enjeux et des alternatives politiques que certains partis qualifient d'ors et déjà de mise en place d'une «Seconde République». Ce n'est pas mon propos aujourd'hui d'en examiner les contenus attendus ou souhaitables et les faisabilités politiques. Ma réflexion portera sur la question de savoir si cette institution de la République disposera des mêmes latitudes pour peser sur les enjeux économiques nationaux, en modifier les tendances ou voire même proposer de nouvelles alternatives. Car en économie il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Aussi pour traiter correctement cette question je propose d'analyser trois éléments déterminants pouvant rendre possible un changement du trend économique en vigueur : d'abord le poids des contraintes internationales, ensuite le contenu des scénarios, s'ils existent, des courants politiques dominants en Algérie et enfin les marges de manoeuvres disponibles. Commençons par les contraintes internationales. En d'autres cieux, les alternances législatives ou présidentielles impliquent des changements de politiques économiques et sociales qui font l'objet de réactions anticipées, notamment celles des marchés financiers et des investisseurs. Ce sera probablement le cas en France si le candidat socialiste François Hollande venait à être élu. Ce dernier s'y prépare; il l'a déjà dit. Chez nous, ce n'est certainement pas le résultat de nos élections législatives qui va peser sur les deux variables clés de nos équilibres financiers : le prix du baril et le taux de change du dollar. Les taux d'intérêts de nos réserves de change n'en seront pas également affectés. Ne disposons pas non plus de bourses ouvertes aux investissements non résidents nous ne pouvons mesurer l'impact des résultats des législatives sur le monde des affaires. Quant à la variation algébrique des flux des IDE elle sera peu significative si ce n'est le report de signature de quelques contrats. Mais il est probable que les milieux économique et financiers internationaux attendront pour juger sur pièce par exemple sur les amendements de la loi sur les hydrocarbures, sur l'évolution de la règlementation des changes ou bien sur le maintien ou la suppression de la disposition 51 %. Dernier point la résilience de nos équilibres macro économiques et financiers est malgré tout, à moyen terme, de caractère structurelle. Ensuite les scénarios proposés. En vérité, nonobstant les surenchères électorales de type populiste, il n'y a pas de véritables alternatives économiques en compétition, surtout si l'on se réfère aux contenus d'une campagne dont le niveau est historiquement bas. Des débats publics contradictoires, ouverts aux élites et à la société civile, auraient été l'occasion pour les partis en compétition de mettre à l'épreuve et le cas échéant de valider leurs options. Une des rares initiatives dans ce sens a été le débat avec les partis du Forum des chefs d'entreprises. En arrière fond, c'est le temps des surenchères. Des lobbies s'agitent pour sauvegarder leurs rentes, même en contribuant à désorganiser les marchés. Des syndicats essaient d'arracher,à partir cette fenêtre de tir exceptionnelle que sont ces élections, de nouveaux avantages peut-être légitimes mais quelquefois au détriment des usagers et des citoyens de façon plus générale. Dernier point les marges de manœuvre. Elles sont étroites parce que beaucoup a été donné en 2011, par le canal budgétaire, pour sauvegarder la cohésion sociale. Le déficit budgétaire à deux chiffres n'est résorbé que par le recours au fonds de régulation des recettes, censé pourtant ne servir que de cagnotte de sûreté financière pour les années difficiles. L'inflation contenue au dessous de 5% ces dernières années est entrain de monter dangereusement en 2012. Un recours plus massif au financement budgétaire dans la loi des finances 2013 engendrerait inévitablement une inflation à deux chiffres. Cette dernière remettrait en cause tous les efforts de stabilisation du front social faits les années précédentes. Enfin l'architecture institutionnelle existante, jusqu'à preuve du contraire, balise en partie le terrain économique et social : le programme présidentiel et le plan quinquennal en cours d'exécution. Aussi, nonobstant le projet de la nouvelle Constitution, il y aura forcément un consensus à construire autour des grands enjeux économiques et sociaux. Ce consensus, pour pouvoir tenir durablement, devra intégrer des forces qui vont au-delà de la prochaine majorité parlementaire. Il s'agit des partenaires sociaux et de la société civile Cela impliquera des ajustements de trajectoire dans plusieurs domaines: celui du degré d'ouverture de l'économie, y compris pour les investissements étrangers dans les hydrocarbures et hors hydrocarbures, celui du niveau acceptable des transferts sociaux, celui de l'émergence d'une économie hors hydrocarbures, celui de l'emploi, celui de la résorption du secteur informel et enfin celui de la lutte contre la corruption. M. M.