À l'issue de l'adoption par l'Assemblée nationale du plan d'action du gouvernement, le ministre de la Justice a précisé que “l'entreprise algérienne doit être performante et animée par des gestionnaires audacieux et l'audace fait parfois prendre des risques. Aux magistrats de mesurer la part du risque et la part de négligence". Il ajoute que “le gestionnaire doit être à la fois responsabilisé et sécurisé. Il faut distinguer entre l'acte de gestion et la prise de risque légitime et nécessaire". Cette volonté sera-t-elle réellement consacrée dans les textes de loi en préparation ? Les plaidoyers pour la dépénalisation de l'acte de gestion ne datent pas d'aujourd'hui. Avocats, économistes, chefs de parti politique n'ont cessé depuis des années de dénoncer la menace de prison qui pèse sur les gestionnaires et qui relève, selon eux, beaucoup plus du règlement de comptes que de la lutte contre la corruption. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait, rappelons-le, chargé le gouvernement, lors d'un Conseil des ministres tenu début février 2011, de préparer les dispositions législatives appropriées en vue de la dépénalisation de l'acte de gestion. Cet engagement du chef de l'Etat a suscité chez les avocats et les cadres eux-mêmes un immense espoir avant de déchanter en se rendant compte que cette promesse a été vidée de sa substance par les législateurs. Car dépénaliser, c'est surtout abroger. Or, les articles 26 et 29 de la loi du 20 février 2006 sur la corruption n'ont subi que des remodelages qui n'ont entraîné aucune conséquence positive pour les gestionnaires. S'agissant du code pénal, le législateur s'est contenté de procéder à quelques changements dans la rédaction de certains textes. En somme, la loi du 2 août 2011 censée concrétiser l'engagement du chef de l'Etat a consacré plutôt la pénalisation de l'acte de gestion. Me Miloud Brahimi a été sollicité comme d'autres personnalités pour faire partie de la commission qui devait plancher sur l'abrogation des articles contenus dans le code pénal et renvoyant à la pénalisation de l'acte de gestion. Après une première réunion, il claque la porte. “Les gens ou les structures qui ont été chargés d'appliquer la décision du président de la République ont failli complètement. Et le résultat des courses, c'est que, contrairement à ce qui a été annoncé, demandé et exigé par la Président, l'acte de gestion n'a pas été dépénalisé", a déclaré Me Brahimi à l'époque sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale. Il poursuit : “Les articles 26 et 119 bis n'ont pas d'équivalents dans les législations du monde moderne. Ils doivent être abrogés, quant à l'article 29, il faut faire très attention : il sanctionne, et c'est très juste, le détournement de deniers publics, mais en même temps, sa rédaction est telle qu'elle entraîne vers des applications totalement surréalistes." Tétanisés par la peur des poursuites pénales, les gestionnaires ne prennent plus d'initiatives et évitent de recourir à des procédures de passations de marchés telles que le gré à gré. La même psychose est observée, même chez les membres des commissions d'évaluation technique et commerciale des marchés. Le nouveau ministre de la Justice a, à l'occasion de l'ouverture de la session ordinaire du Conseil supérieur de la magistrature, déclaré que la dépénalisation de l'acte de gestion sera accompagnée par une amélioration du fonctionnement du système judiciaire dans le sens d'une spécialisation des magistrats dans le traitement de l'acte de gestion qui reste un acte d'administration complexe aux multiples aspects de haute technicité. Mais surtout, la poursuite pénale ne doit être engagée que sur la base des résultats des organes de contrôle. Or, l'on a assisté, ces derniers mois à de multiples procès où les expertises favorables de la commission nationale des marchés n'ont pas été prises en compte par le juge. N H