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Les lobbies du consommable et des équipements imposent leur diktat
Transplantation rénale : ce qui bloque
Publié dans Liberté le 26 - 03 - 2014

Trois cents millions d'euros ont été affectés pour la seule hémodialyse en 2013. Le marché des consommables et équipements d'hémodialyse, évalué actuellement à 80 millions de dollars, est lui aussi en nette croissance depuis 2004, avec une évolution de vente annuelle de 10%. L'argent se dresse ainsi comme le principal obstacle contre le développement de l'activité de la greffe rénale dans notre pays. Le constat est dramatique : seul 1% du nombre de patients en liste d'attente bénéficie d'une transplantation rénale en Algérie.
En l'absence d'une offre de soins conséquente localement, certains malades s'adressent directement à des équipes étrangères en : France, Jordanie, Pakistan, Arabie saoudite et Cuba essentiellement. C'est ainsi que chaque année, entre 20 et 30 dialysés chroniques vont être greffés dans ces différents pays, sur leurs fonds propres, à partir d'un donneur vivant et exceptionnellement avec un donneur cadavérique. Ces "exilés thérapeutiques" qui reviennent au pays, seulement avec un compte rendu opératoire concis, vont bénéficier d'un suivi médical et l'entière gratuité de médicaments immunosuppresseurs. Le coût de la prise en charge d'un greffé par an est de l'ordre de 4 400 euros. Mais pour les autres infortunés, le destin médical va se jouer en Algérie, dans des conditions d'accès à la greffe très limité. Ils resteront enfermés dans le "ghetto de la dialyse" durant de longues années. Situation qui entraîne inéluctablement une démotivation de leurs éventuels donneurs et des complications susceptibles de mettre un terme à leurs projets de greffe rénale.
Les transfusions sanguines non contrôlées sont, en effet, légion dans nos centres de dialyse. Elles sont à l'origine de la plus importante des barrières immunologiques à la greffe rénale et directement responsables de nombreux échecs post-greffes. L'alternative à cette méthode agressive et préjudiciable existe pourtant, en l'occurrence l'Erythropoïétine et du fer injectable, deux médicaments disponibles en Algérie, remboursés par notre pays depuis 2007.
Depuis ses débuts en 1986 et jusqu'en 2006, très peu de greffes rénales ont été réalisées, par seulement 2 centres de transplantation.
En 2013, la barre des 100 greffes rénales annuelles escomptée, à partir de donneurs vivants, n'a pas été dépassée. Pour les greffes rénales à partir de donneurs en état de mort encéphalique, trois expériences ont été menées avec succès. La première en 2002 à Constantine et la seconde et troisième en 2011 puis 2012 à Blida. Elles totalisent toutes les deux, cinq donneurs cadavériques. Soit, 10 greffons rénaux.
À titre de comparaison, voici quelques chiffres concernant des greffes rénales déclarées pour l'année 2012 dans la région de la méditerranée et au Moyen-Orient : Tunisie : 127 greffes,
Syrie : 366 greffes, Palestine : 34 greffes, Egypte : 985 greffes, Jordanie : 138 greffes, Arabie saoudite : 706 greffes, Turquie : 2 416 greffes, Iran : 2 279 greffes.
L'Algérie est à la traîne dans le domaine et pourtant la demande locale est très importante. 19 400 insuffisants rénaux ont été recensés au terme de l'année 2013, selon la Société algérienne de néphrologie et de transplantation rénale présidée par le professeur Haddoum, dont 18 000 traités par dialyse. Un tiers d'entre eux sont candidats à une transplantation rénale, soit plus de 5 000 dialysés chroniques sont des receveurs potentiels. Du point de vue financier, tous les arguments sont en faveur du développement de l'activité de la transplantation rénale. L'hémodialyse en centre coûte, en Algérie, 3 fois plus cher que la dialyse péritonéale et 5 fois plus cher que la transplantation rénale.
Un patient traité par dialyse péritonéale coûte à l'Etat 6 500 euros par an et celui pris en charge dans un centre d'hémodialyse 19 000 euros par an. 300 millions d'euros ont été affectés pour la seule hémodialyse en 2013.
Une greffe de rein est estimée à 1,5 million de dinars (10 000 euros). Alors, pourquoi n'arrive-t-on pas à sortir de ce cercle vicieux ? Pour des raisons de gains en premier lieu. Le marché de l'importation massive des consommables et équipements d'hémodialyse, estimé actuellement à 80 millions de dollars, est, depuis 2004, en nette croissance avec une évolution de vente annuelle de 10%. À cela, il faut ajouter le coût exorbitant de maintenance des équipements.
Avec plus de 5 000 générateurs d'hémodialyse, près de 400 stations de traitement de l'eau de ville et autant de groupes électrogène, notre capacité est de 30 000 places de dialyse. Soit un générateur pour six personnes. Le prix d'un générateur oscille entre 140 et 180 millions de centimes, sans frais de fonctionnement.
Les consommables ont atteint les 3 millions de kits d'hémodialyse comprenant 6 millions d'aiguille à fistule, 6 millions de lignes et 3 millions de cartouches de bicarbonates et de bidons de concentré acide, 6 millions de sets de branchement-débranchement, 6 millions d'unités de sérum salé et 6 millions de seringues jetables et bien entendu zéro million pour la prévention.
En second lieu, se dresse comme obstacle au développement d'activité de transplantation rénale, la frilosité du pays vis-à-vis de l'élargissement du cercle légalement autorisé des donneurs vivants, aux conjoints ou la famille par alliance par exemple. Et pourtant, la pénurie croissante d'organes remet en cause totalement la légitimité de ce choix. Enfin, l'offre de soins est actuellement insuffisante car elle est totalement désorganisée, dépendante de quelques équipes qui travaillent dans des conditions souvent difficiles et qui peuvent arrêter, du jour au lendemain, l'activité de greffe sans devoir en rendre compte. La politique de la greffe rénale en Algérie souffre, en fait, d'une absence de conviction et d'un manque de détermination des pouvoirs publics à mettre en place l'environnement indispensable au succès de cette entreprise. Le caractère prioritaire et obligatoire n'est évoqué ni dans les lois sanitaires 85-05 et 90-17 ni dans les dispositions réglementaires fixées par le décret exécutif 12-167. Bien que l'obstacle religieux ait été franchi, depuis longtemps, les hautes autorités religieuses de notre pays ayant déclaré licites les prélèvements d'organes sur donneur vivant au sein de la famille d'un patient, ainsi que les prélèvements d'organes sur personnes décédées, à des seules fins thérapeutiques.
L'opinion publique n'est pas assez préparée à l'option du prélèvement d'organes à partir de cadavres. Les négligences en série et le mauvais accueil au niveau des services d'urgence n'ont fait qu'accentuer cette méfiance vis-à-vis du don d'organes. Comment arracher le consentement des proches, quand tout n'est souvent pas entrepris pour sauver le malade de la mort dans nos hôpitaux en état de déliquescence croissant ? C'est la question qui torture, en effet, tous nos spécialistes de la transplantation qui réclament depuis des années la création d'une véritable unité d'urgence.
Une unité permettant d'identifier le patient en état de mort cérébrale, de faire intervenir des religieux et des psychologues pour sensibiliser les proches accablés par le deuil et des spécialistes pour effectuer les examens attestant du caractère irréversible de la destruction de l'encéphale, procéder au prélèvement et enfin la transplantation dans un laps de temps court.
N. H.
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