Les Tunisiens se sont rendus, hier, aux urnes pour élire leurs représentants à la 13e Assemblée nationale depuis la proclamation de la République, le 25 juillet 1957. Le taux de participation au vote pour les élections législatives en Tunisie a atteint 50,84 %, à 16h, a déclaré hier le président de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), Chafik Sarsar. Les circonscriptions de Ben Arous et Beja ont enregistré les taux d'affluence les plus élevés, soit respectivement 60,65% et 52%, a affirmé le président de l'Isie, lors d'une conférence de presse tenue au centre de presse au Palais des congrès à Tunis. À 15h, le taux de participation — faible dans le sud du pays — était estimé, à l'échelle nationale, à 42%. Bien que l'ambiance fut "bon enfant", l'affluence des électeurs, durant la matinée, n'était pas aussi importante qu'au cours des élections d'octobre 2011. Le scrutin (à la proportionnelle) d'hier avait une couleur et un sens particuliers, du fait qu'il s'agissait du premier scrutin libre et transparent, après celui de la Constituante d'octobre 2011. "L'assemblée des représentants du peuple" à mettre en place est élue au suffrage universel, libre et direct pour 5 ans par tous les Tunisiens, y compris ceux de la colonie tunisienne à l'étranger, une nouveauté introduite après la révolution de janvier 2011. La proclamation des résultats préliminaires est prévue pour le 30 octobre, alors que le dernier délai de la proclamation des résultats définitifs est fixé pour le 24 novembre, soit le lendemain du scrutin présidentiel. Ces élections se sont déroulées dans 33 circonscriptions dont 6 à l'étranger. Les listes étaient au nombre de 1 326 et les femmes têtes de liste représentaient 11,2%. Y ont participé 87 partis dont 4 seulement (Nidaa Tounes, Ennahdha, Congrès pour la république et l'Union patriotique libre) étaient présents dans toutes les circonscriptions. Quant aux listes des indépendants, elles avaient atteint le nombre de 368 et étaient issues, particulièrement, des régions de l'ouest du pays, c'est-à-dire les plus déshéritées. Outre l'intérêt évident et justifié des Tunisiens à ces élections, on a noté la présence de plus de 500 journalistes étrangers et de 600 observateurs venus de divers pays. Les missions diplomatiques avaient, aussi, toute latitude de se rendre dans les 11 000 bureaux de vote. En outre, 60 000 représentants des listes en course avaient obtenu leur accréditation comme observateurs. Grande nouveauté pour ces élections, jamais vue auparavant, le déploiement d'un grand nombre d'unités des forces de sécurité et de l'armée. Ils étaient 80 000 à surveiller les entrées des villes et à protéger de près les bureaux de vote. Menace terroriste oblige, menace qui a obligé les forces de sécurité à ajourner de quelques heures l'ouverture de 5 bureaux de vote, en particulier dans la région de Kasserine connue pour être la plus "chaude" du pays. Ainsi, tout n'était pas parfait. L'Isie a même annoncé que de nombreux cas de violation des règles du silence électoral ont été soumis au parquet. L'organisation des élections n'avait jamais échappé au ministère de l'Intérieur qui, de l'aveu de ministres de l'époque, faisait ce qu'il voulait ou, plutôt, ce que voulait le président de la République qui détenait tous les pouvoirs. Ainsi, la falsification des résultats était la règle. Aujourd'hui, on n'est plus là. Le chef de l'Etat n'a plus droit de regard sur les élections, encore moins l'administration dont l'intervention ne se justifie que par l'apport financier qu'elle consent et la mise en place de la logistique. Le reste de l'opération électorale, soit l'organisation, le dépouillement et le contrôle sont du ressort d'une instance élue (Isie). Elle est indépendante et n'a de compte à rendre qu'à la justice. Aussi, le gouvernement a-t-il mis à la disposition de cette instance 4 535 établissements scolaires et 80 000 agents chargés d'assurer la sécurité des bureaux de vote. L'impression des documents a coûté à l'Etat 6 millions de dinars ajoutés à 2,5 millions de dinars octroyés à la Télévision nationale au titre des séances d'expression directe des diverses listes. Quant au contrôle du financement des listes électorales, il sera assuré, conjointement, par le ministère des Finances, la Banque centrale et la Cour des comptes. Les services des douanes sont, également, impliqués dans le contrôle d'éventuels financements extérieurs. Il reste les chances de chacun. Les partis islamistes (Ennahdha) de Ghannouchi et démocrate (Nidaa Tounes) de Caïd Essebsi semblent sur la bonne voie pour rafler la mise. Leurs meetings dans lesquels beaucoup d'argent a été investi ne laissent pas de doute quant à l'issue de ce scrutin. Sauf surprise, qui, des deux, aura le privilège et la charge de conduire le prochain gouvernement ? Les résultats définitifs attendus pour le 30 octobre décideront de la couleur de la Tunisie de demain.