La coïncidence n'a rien de fortuit, suggérant même que les deux sorties simultanées semblent avoir été inspirées, voire instiguées. Alors que le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, s'est exprimé dans les colonnes du très prestigieux quotidien français du soir, Le Monde, propos visiblement destinés à la consommation extérieure, le chef de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, lui, était l'invité d'une émission de la chaîne de télévision privée, Dzaïr-News, appartenant au patron du FCE, Ali Haddad. L'un comme l'autre devaient répondre au même souci : convaincre l'opinion que le président Bouteflika — contrairement aux affirmations de certains et aux rumeurs colportées par d'autres — "va bien" et que c'est bel et bien lui qui "décide" et qui "tient la baraque". On aurait tort de ne pas voir dans ces deux sorties une volonté de répondre au groupe des "19-4" dont la démarche semble avoir mis dans l'embarras les décideurs et jeté encore le trouble sur le fonctionnement institutionnel, ce qui n'est pas de nature à rassurer nos partenaires étrangers, d'autant que les signataires sont, pour la plupart, des proches du président Bouteflika, ce qui leur confère une certaine crédibilité. "Je suis en liaison tous les jours avec lui. Il n'a pas quitté le pays. Son état de santé est toujours le même. Le chef de l'Etat suit les affaires du pays et donne ses instructions au jour le jour", a affirmé Abdelmalek Sellal. "Le pays est dirigé par le président de la République et les grandes décisions ne sont prises que par lui-même ou avec son assentiment", a-t-il assuré. Même s'il a été invité en qualité du secrétaire général par intérim du RND, c'est en sa qualité de chef de cabinet du président de la République qu'Ahmed Ouyahia s'est essentiellement exprimé, reprenant à quelques nuances près les mêmes propos que le Premier ministre. "C'est le président Bouteflika qui dirige le pays. Il jouit de toutes ses facultés pour assumer ses fonctions. Le Président se porte bien et c'est lui qui dirige le pays, à la tête du gouvernement sur le plan politique, en tant que chef suprême des forces armées au volet militaire, mais aussi en veillant à la souveraineté de l'Algérie à l'étranger sur le plan diplomatique", soutient Ouyahia. Et l'un comme l'autre ont démenti l'existence, chez le gouvernement, d'une volonté de renoncer à la souveraineté économique comme pointé du doigt par les "19-4". "Les mesures que nous prenons pour encourager la relance économique, notamment dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et des TIC, sont et seront toujours encadrées par des fondamentaux, tels que le droit de préemption, la règle du 51/49, ainsi que les engagements sociaux des pouvoirs publics", a indiqué Sellal, mais cette fois dans une interview accordée à l'APS. Pour sa part, Ahmed Ouyahia a souligné la "nécessité de protéger le droit de préemption qui permet à l'Algérie de préserver ses biens". "Il convient également de maintenir la règle 51/49", a-t-il dit. Et comme pour suggérer que l'exécutif est homogène, histoire de balayer les affirmations selon lesquelles certains ministres n'en font qu'à leur guise, Sellal soutient que "chaque ministre, sous la coordination du Premier ministre et l'autorité directe du chef de l'Etat, s'attelle à la mise en œuvre de cette feuille de route (plan d'action, ndlr) dans les limites de ses prérogatives sectorielles, et ce, dans le cadre d'une vision globale et cohérente contrairement à ce qui peut se dire". Nous sommes donc dans une situation d'une contre-attaque décidée pour rassurer l'opinion et les chancelleries, d'une part, et détruire les arguments, d'autre part. Il reste maintenant à savoir s'ils ont convaincu, car l'un et l'autre, au-delà de leur impopularité, se livrent une bataille feutrée en perspective de la présidentielle. K. K.