Dimanche, pendant que les parlementaires et le gouvernement étaient réunis dans un grand cérémonial au Palais des nations, à Club-des- Pins, à l'occasion du vote du projet de révision de la Constitution, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, recevait en audience l'ancien ministre des Affaires étrangères, Lakhdar Brahimi. Une audience qui n'est pas la première du genre, tant est que les entrevues entre les deux hommes ont été fréquentes, pour ne pas dire quasi régulières ces derniers mois. Au point, d'ailleurs, de soulever des interrogations, même si, au sortir de chacune d'elles, le diplomate, qui se serait déjà prêté à la séance photo et à la séquence télé à diffuser dans le 20 heures, prend le soin hautement précautionneux de déclarer à la presse, conviée donc à couvrir l'événement, que sa visite était "personnelle et privée" et qu'il a abordé avec le président Bouteflika "plusieurs questions liées aux affaires internes du pays et à l'ensemble de la région", notamment la situation en Syrie, en Libye et en Palestine ainsi que l'élection d'un nouveau secrétaire général de l'ONU et d'un nouveau président de la Commission de l'Union africaine (UA). Cette déclaration, invariablement déclamée au demeurant, suggère bien un rôle de conseiller, voire de diplomate officieux pour Lakhdar Brahimi. Il y a tout lieu de le supposer, en tout cas. Car, sinon, pourquoi une visite "personnelle et privée" bénéficierait-elle d'un traitement médiatique spécifique, pour ne pas dire privilégié ? Une première hypothèse avait déjà été avancée. Elle est plausible, à plus d'un titre. C'est celle qui soutient que ces audiences accordées à Brahimi, et à d'autres personnalités de passage en Algérie, étaient organisées pour satisfaire à une stratégie de communication consistant à diffuser des images télévisées du chef de l'Etat en possession de ses capacités à assumer ses charges. Surtout que les premières audiences sont intervenues à un moment où l'opposition politique supposait que, suite à son AVC, le chef de l'Etat ne pouvait assumer pleinement ses fonctions et réclamait, conséquemment, l'application de l'article 88 de la Constitution. La nature répétitive des audiences a fait germer une autre hypothèse, tout aussi plausible que la première. Nombre d'observateurs estiment que Brahimi, qui a, assurément, un carnet d'adresses bien étoffé pour avoir été durant de longues années diplomate onusien, jouerait le "Go-between" en faveur du chef de l'Etat, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Son rôle, à l'image de celui joué par Messaoud Zeghar, dit Rachid Casa, dans les années 70, sous la présidence du président Houari Boumediene, et à une époque où le président Bouteflika était ministre des Affaires étrangères, serait de venir en appoint à l'action de la diplomatie officielle. Une mise à contribution du diplomate au long cours qui laisserait déduire que le chef de l'Etat, amoindri physiquement par la maladie, n'est pas véritablement satisfait par l'accomplissement diplomatique officiel. Par le passé, les milieux médiatiques ont soulevé la question d'une mésentente entre Abdelaziz Bouteflika et Ramtane Lamamra. L'assertion a vu son crédit renforcé lorsque, remaniant l'Exécutif, le chef de l'Etat a créé une diplomatie bicéphale, dans un premier temps, en décrétant un même statut pour Messahel et Lamamra, avant de se raviser quatre jours plus tard pour améliorer le statut du dernier. Mais le message était là : Bouteflika peut s'appuyer sur d'autres disponibilités pour des missions diplomatiques, Lakhdar Brahimi, entre autres. Sofiane AIt Iflis