La plupart des cinéastes en compétition à Cannes sont des habitués, pour ne pas dire des abonnés. Mais la Palme du record de la participation revient au réalisateur britannique Ken Loach qui revient avec Moi, Daniel Blake pour la treizième fois en compétition au Festival de Cannes qui se déroulera jusqu'au 22 mai. Sa première fois remontre à 1970, à la Semaine de la Critique où il a présenté Kes, sur l'amitié entre un jeune garçon et son faucon. Avec ce nouveau film qui a secoué la Croisette, le cinéaste se veut, encore une fois de plus, engagé en donnant la parole aux exclus du système. Le film raconte l'histoire de Daniel et de Rachel qui tentent de s'entraider pour sortir de la marginalisation sociale qui a tendance à les pousser au désespoir. Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l'aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Malgré sa maladie, il est obligé de chercher un emploi. Dans ses démarches, il rencontre Rachel, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d'accepter un logement à 450 km de sa ville natale pour ne pas être placée en foyer d'accueil. À travers cette histoire touchante, c'est les "aberrations administratives de la Grande-Bretagne d'aujourd'hui" que le réalisateur veut battre en brèche. En d'autres termes, il s'agit de dénoncer "l'attitude délibérément cruelle consistant à maintenir les gens dans la pauvreté et l'instrumentalisation de l'administration – l'inefficacité volontaire de l'administration", pour reprendre ses propres mots. Et il le fait tellement bien que l'on en sort secoué. Moi, Daniel Blake s'inscrit dans la lignée de la vision du réalisme social que le Britannique affectionne très bien. D'ailleurs, plusieurs journalistes le donnent comme un sérieux prétendant une fois de plus pour la Palme d'or. Ce serait sa deuxième Palme puisque, il y a 10 ans, il l'obtient avec Le Vent se lève abordant les guerres d'indépendance et civile irlandaises. L'histoire de l'Anglais avec le Festival de Cannes est très longue. Depuis ses débuts en 1970, il s'est engagé résolument dans un cinéma politique et engagé à donner existence aux invisibles et présence aux voix inaudibles. Parmi les titres illustrant cette tendance et qui ont été sélectionnés sur la Croisette, figurent Looking for Eric, La Part des anges et Jimmy's Hall. Il avait pourtant annoncé sa retraite, mais la passion du cinéma et la jouissance de filmer ont fait autrement. À 80 ans, il ne trouve de paix qu'en défendant les faibles et en soutenant les victimes des machines impitoyables. Ken Loach est aussi engagé dans la vie, notamment dans le boycott d'Israël. Si la Palme devait échapper, le jury est susceptible de lui donner une distinction pour l'ensemble de sa carrière, comme on l'a fait symboliquement, l'an dernier, à Godard. T. H.