Maquignons, rémouleurs, vendeurs à la sauvette et autres spéculateurs, la fête de l'Aïd el-Adha fait beaucoup d'heureux. Mais elle éprouve aussi les pères de famille qui, vu les prix qui flambent, sont appelés à puiser dans leurs maigres économies. À deux jours de la célébration de la fête de l'Aïd el-Adha, la bulle spéculative s'élargit. Les petites et moyennes bourses peinent à faire face aux obligations propres à cette célébration. Certains ont dû casser leur tirelire pour fêter l'Aïd el-Adha. Nous sommes au marché de Birtouta, dédié par l'Etat à la vente directe du cheptel. La colère des acheteurs est grandissante. "Il y a trois jours, le même mouton était cédé à 27 000 DA et ce matin le maquignon l'affiche à 39 000 DA", tempête un père de famille. Le maquignon, lui, avance un argument en béton. "La botte de foin est cédée entre 1 500 et 2 000 DA, alors que l'orge est à 800 DA le kilo. Au départ, quand je suis arrivé de Ksar El-Boukhari, les gens m'ont accueilli avec joie. Deux jours plus tard, trois personnes se sont présentées et m'ont invité à payer le stationnement de mon camion à 400 DA/jour et la parcelle de terrain à 3 000 DA/jour. Vous voulez que je vende à perte ? Je paye toutes les charges et, du coup, je vends un peu plus cher que prévu." Aux alentours de ces espaces occupés par les éleveurs et les transhumants venus des Hauts-Plateaux, des spéculateurs parquent, eux aussi, leur cheptel, affichant des prix exorbitants. L'agneau est cédé à partir de 38 000 DA, le mouton moyen à partir de 56 000 DA et un mouton bien garni a la cote, puisque son prix oscille entre 75 000 et 95 000 DA. L'offre est importante, mais la demande enregistre une tendance baissière à cause de la cherté du mouton. Un éleveur de Médéa, qui n'arrive pas à écouler ses ovins, avoue que "par rapport aux années précédentes, la vente a sensiblement baissé. Je vendais jusqu'à 150 têtes par semaine. Depuis 30 jours, je n'en ai écoulé qu'une quarantaine". Ali, la trentaine, occupe l'allée principale attenante à l'autoroute. "L'homme à tout vendre", comme il se fait appeler, étale tous les produits et accessoires pour "rendre la vie facile pendant les deux jours de l'Aïd". Enfin, c'est sa façon à lui de parler de son commerce ! "Je vends toutes les armes blanches spéciales pour s'occuper des moutons. Tous ce que vous cherchez est sur ma table. Si vous trouvez moins cher que chez moi, je vous donne tout gratuitement." En effet, et contrairement aux autres marchés où nous nous sommes rendus, comme celui d'El-Biar et d'Oued Tarfa (Draria), ce commerçant saisonnier affiche des tarifs défiant toute concurrence. Y compris le charbon qu'il affiche à 50 DA/kilo. Au rendez-vous, comme chaque année, les rémouleurs, trop nombreux à aiguiser couteaux et haches, installent leurs meules. À 50 et 100 DA pour lisser un couteau et jusqu'à 250 DA pour une hache, les aiguiseurs tirent tant bien que mal leur épingle de jeu. "Je gagne bien ma vie pendant les fêtes de l'Aïd. Durant l'année, je diversifie mon activité pour m'en sortir. De toutes les personnes que vous voyez ici, il n'y a qu'un seul rémouleur de métier. Le reste, tout comme moi d'ailleurs, sont des opportunistes. Que voulez-vous faire face au chômage ?", nous explique un rémouleur de circonstance. Autour de cette ambiance festive, les marchands de légumes et de fruits investissent les lieux, mais ne proposent que la pomme de terre à 40 DA et l'oignon à 35 DA. C'est aux marchés d'El-Biar et d'Oued Tarfa, à l'instar d'autres marchés connus dans le Grand-Alger, que les familles s'approvisionnent. Ici, les prix ont flambé. À titre illustratif, la pomme de terre et l'oignon sont à 50 DA, la tomate à 80 DA, la salade, le concombre à 120 DA, la carotte à 100 DA, les haricots verts à 180 DA, les œufs à 400 DA le plateau et la courgette à 120 DA. En revanche, les fruits ont enregistré une baisse sensible. Ainsi, les raisins de bonne qualité sont à 150 et 180 DA contre 250 et 400 DA il y a quatre jours, la nectarine à 120 DA, la poire à 80 DA, la pomme à 160 DA et la pastèque à 25 DA. Très attendue, la fermeture des boulangeries a déjà débuté avec une pénurie qui s'annonce dès demain matin. Et si le ministère du Commerce avait tablé sur 33 000 commerçants pour assurer la permanence, il est évident que les réfractaires seront nombreux à faire fi de la réglementation. Dernière virée, les stations-service. Alors que le carburant est disponible, ce que nous avons constaté de visu, les automobilistes ont formé des chaînes interminables allant jusqu'à créer des bouchons monstres sur l'autoroute. Comme d'habitude... F. B.