Rien ne va plus à Algérie Télécom où la fédération du secteur de la poste et des technologies de l'information menace d'observer une grève si la ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, Houda-Imane Faraoun, continue d'ignorer les représentants des travailleurs dans l'élaboration du nouveau projet régissant le secteur des Ptic. Selon Mohamed Tchoulak, secrétaire général de la fédération, joint, hier, par téléphone, cet avant-projet, qui vise la modification de la loi 2000-03 du 5 août 2000 fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications et qui risque de remettre en cause le devenir d'Algérie Télécom et de ses travailleurs, a été élaboré unilatéralement et sans participation du partenaire social. "Non seulement cette démarche est contraire aux recommandations du Premier ministre qui a toujours insisté sur le dialogue et la consultation des représentants des travailleurs, mais nous constatons également que la ministre a renié ses engagements du 30 août 2015 faits lors d'une rencontre avec le syndicat portant sur les perspectives d'amélioration de la situation des travailleurs et le développement du secteur." Bien que la fédération se soit montrée disponible lors de cette première rencontre à apporter sa contribution pour améliorer la situation socioprofessionnelle des travailleurs et contribuer au développement du secteur, la ministre a failli à cet engagement, explique M. Tchoulak. La fédération, qui craint quant au devenir de ses 23 000 travailleurs, s'interroge sur les objectifs de certaines dispositions de cet avant-projet, notamment pour ce qui concerne le dégroupage qui permet à des opérateurs privés d'accéder à la boucle locale qui est actuellement le monopole d'Algérie Télécom et pour laquelle l'entreprise a investi des milliards de dinars pour supprimer le cuivre et le remplacer par la fibre optique. En clair, les syndicalistes craignent un début de privatisation du réseau téléphonique, alors que tout le travail du réseau a été refait par l'entreprise. En plus, ils considèrent le dégroupage contraire à l'article 17 de la Constitution qui intègre le secteur des postes et télécommunications comme un bien de la collectivité et de souveraineté nationale au même titre que le sous-sol, les mines, les sources naturelles d'énergie, les transports maritime, aérien et ferroviaire. "Nous considérons la remise en cause de ce point comme un danger car il touche à une disposition fondamentale de la Constitution d'autant plus que le syndicat n'a été nullement consulté sur ce projet qui va être déposé au niveau du Conseil des ministres", affirme M. Tchoulak, qui précise que le syndicat a toujours manifesté son désir de collaborer pour améliorer le secteur. "Ce projet de dégroupage va non seulement offrir sur un plateau d'argent le réseau fixe refait entièrement sur fonds propres d'Algérie Télécom, mais il va également permettre à d'autres opérateurs d'Internet d'utiliser les mêmes infrastructures réalisées par Algérie Télécom", explique un autre syndicaliste, qui rappelle la triste expérience avec l'Eepad. "Nous ne voulons pas faire les mêmes erreurs et nous ne voulons pas que d'autres opérateurs privés viennent nous concurrencer sur notre propre réseau", nous explique notre interlocuteur. Par ailleurs, dans la lettre adressée à la ministre et au secrétaire général de l'UGTA, la fédération du secteur met en garde la première responsable sur le danger qui pèse sur Algérie Télécom et ses travailleurs en cas de non-retrait de certaines dispositions qui vont non seulement ouvrir les réseaux appartenant à Algérie Télécom au privé, mais vont également remettre en cause les statuts d'Algérie Télécom et d'Algérie Poste. "Si aujourd'hui l'opérateur historique Algérie Télécom se retrouve en situation de monopole, ce n'est pas à cause des contraintes législatives, mais plutôt au vu des coûts que représente pour un tierce opérateur l'édification d'un réseau de télécoms. La défection des concurrents ne peut être imputée au verrouillage de la loi, encore moins à la volonté de l'Etat, et la loi 2000-03 a tout prévu", souligne la lettre des syndicalistes. Le document s'interroge sur "les finalités du présent projet notamment au sujet de la suppression dans les visas de l'article 18 de la Constitution qui fait référence à la poste et aux télécoms en tant que propriété publique, la suppression de l'article 12 de la loi 2000-03 qui consacre le statut et les activités des deux opérateurs Algérie Télécom et Algérie Poste". Enfin, la fédération demande à Mme Houda-Imane Faraoun de "clarifier la question du dégroupage en tenant compte du fait que la majorité des coûts se situe dans l'infrastructure, la rentabilisation de celle-ci ne peut se faire sans que l'opérateur qui déploie ou a déployé la fibre ne contrôle la valeur du service". M. T.