Ils sont tous jeunes et beaucoup ont tenté d'obtenir, à maintes reprises, des visas pour l'étranger, mais ils ont essuyé plusieurs refus sans aucune explication. Alors ils ont décidé de partir vers l'inconnu et par d'autres moyens. Décidément, le phénomène des harraga ne touche pas uniquement les populations des régions maritimes, car ce phénomène nouveau s'est installé dans les régions montagneuses de Kabylie, notamment dans la daïra de Bouzeguène où de nombreux jeunes citoyens âgés entre 17 à 35 ans fuient de plus en plus le pays en affrontant même les dangers de la mer sur des embarcations de fortune. Ils ont payé cher, l'équivalent de 1000 à 2000 euros, pour partir loin de leur pays et des leurs à la recherche d'une vie meilleure. Et si nous étions habitués à voir, sur les chaînes de télévision, des immigrants subsahariens sur des canots gonflables, secourus par des gardes-côtes italiens, voilà que, de nos jours, ces nouveaux harraga sont bien des nôtres. D'ailleurs, sur les nombreuses vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, on reconnaît aisément ces jeunes originaires des villages de Bouzeguène s'agrippant aux cordes de leurs embarcations insécurisées, en pleine mer, tout souriants malgré le danger qui les menace. Ils sont tous jeunes, et beaucoup ont tenté d'obtenir, à maintes reprises, des visas pour l'étranger, mais ils ont essuyé plusieurs refus sans aucune explication. Alors ils ont décidé de partir vers l'inconnu et par d'autres moyens. C'est ainsi qu'une trentaine de jeunes aventuriers au moins ont quitté la région de Bouzeguène pour rejoindre l'Europe en empruntant des itinéraires divers, vers les côtes de Sardaigne et rejoindre ainsi l'Italie, la Grèce ou la Turquie, et le phénomène s'est largement amplifié ces derniers mois avec des départs en série pour rallier l'autre bord de la Méditerranée et vivre finalement l'enfer, une fois arrivés sur les terres qu'ils croyaient être l'Eldorado tant rêvé. Pourtant, la plupart n'était pas nécessairement dans le besoin de fuir le pays, car certains ne manquaient pratiquement de rien et vivaient même dans l'opulence la plus totale. Depuis le début des années 2000, les jeunes de la région, garçons et filles, étaient obsédés par l'Europe qu'ils voulaient rejoindre à tout prix, et le gouvernement, qui tentait de surveiller l'espace maritime et tenter de jeter en prison ceux qui n'avaient pas la chance de passer à travers les mailles des gardes-côtes, n'a jamais cherché à connaître les véritables raisons de cet exil massif et dangereux à travers les océans. Pas de travail, pas d'assurances, pas de logement, pas de mariage et pas d'avenir pour les malheureux aventuriers. "Nous sommes déjà morts dans ce pays qui ne veut pas de nous ! Pourquoi alors avoir peur de la mort en mer ?", se contentent de clamer les harraga pour expliquer leur tentative de suicide. De nombreux jeunes préparent leur périlleux voyage pendant de longs mois, très souvent sans informer leurs familles, toujours opposées à de telles folies. Comment rester insensible face à ce phénomène qui met en péril nos jeunes alors que de nombreuses familles sont contraintes de brader leurs biens pour tenter de retenir ou de retrouver leurs enfants soudainement partis vers l'inconnu. Il est vrai qu'à l'instar de toute la jeunesse algérienne, les jeunes de Kabylie caressent le rêve fou d'une vie meilleure pour aspirer à un minimum de vie, autrement dit un boulot, une maison et un foyer, soit une trilogie qui, apparemment, n'est plus à leur portée dans leur propre pays, mais jusqu'à quand ? KAMEL NATH OUKACI