La propriété intellectuelle et industrielle est au cœur de tout processus d'innovation, et donc de développement, et cela est encore plus vrai pour un pays comme l'Algérie dont l'économie rentière basée sur les hydrocarbures est désormais du passé. C'est en filigrane que l'état des lieux a été évoqué lors du séminaire qui s'est tenu à l'école polytechnique Maurice-Audin d'Oran (Enpo) qui a eu pour thème "Les nouvelles frontières de la propriété industrielle : état des lieux et perspective". Organisée par le centre d'appui à la technologie et à l'innovation de l'Enpo — il en existe 44 à l'échelle nationale —, cette manifestation dédiée aux étudiants et professeurs a enregistré la participation de deux experts de l'Organisation mondiale de la propriété industrielle (Ompi), de représentants du ministère de l'Industrie et de celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ainsi que les organismes liés à la propriété industrielle et intellectuelle. Alors que le séminaire avait pour but d'informer et d'orienter les jeunes créateurs de startup sur les étapes et la nécessité absolue d'enregistrement de brevets en Algérie et à l'international, Mme Charfaoui Maya du département de la Recherche scientifique au ministère de l'Enseignement supérieur évoquera le nombre de brevets enregistrés depuis 2011 par son département, regrettant que la majorité des brevets, sur les 900 répertoriés, 237 sont des brevets dormants. "En 2017, on est à 237 brevets et la majorité est dormante, c'est-à-dire qu'ils n'ont été exploités ni par l'octroi de licence ni par la création d'entreprise innovante." L'intervenante donnera plusieurs explications à cette situation comme l'absence "en amont d'orientation de la recherche scientifique, des indices sur les besoins socioéconomiques de l'entreprise et l'absence de demande de la part des entreprises". L'expert de l'Ompi, Emir Ali Jazaïry, lors de sa communication sur les avantages pour les jeunes créateurs innovants d'utiliser et d'accéder au traité de coopération en matière de brevets PCT, dira, pour sa part, qu'"il faut une recherche et des brevets orientés vers l'utile". Et de poursuivre : "Le PCT permet aux chercheurs algériens de pouvoir internationaliser leurs brevets. En inscrivant un brevet à l'Inapi, il n'est valable qu'en Algérie, alors qu'en ayant recours au PCT, le brevet est enregistré dans 152 pays contractants." Ce dernier soulignera avec satisfaction qu'au sein de l'Enpo, des startup ont créé des produits innovants dans le domaine de l'intelligence artificielle avec un gant et une canne connectés. Cette recherche utile, applicable dans le quotidien, peut avoir des développements, y compris à l'étranger, grâce au soutien du PCT qui permet de breveter et d'exploiter son invention même à l'international avec des réductions des taxes de dépôt de 90% pour les pays émergents comme l'Algérie. L'expert de l'Ompi évoquera aussi les perspectives d'innovation et de transfert de technologie effectif dans notre pays qui compte "63 000 doctorants, 27 000 chercheurs, des lois adaptées au fur et à mesure". Et d'évoquer dans la foulée l'installation prochaine d'un bureau extérieur et d'une académie de l'Ompi. Mais pour Emir Ali Jazaïry, l'Algérie est à un carrefour : "On est face à une crise, il ne faut pas voir que le côté négatif ; elle est salutaire car c'est un moment propice pour s'interroger sur notre devenir. Il faut se tourner vers une économie de la connaissance, et donc investir dans l'humain, dans la connaissance." Et de citer en exemple Singapour, devenu en 30 ans la troisième économie du monde "parce qu'il a investi dans la matière grise". D. LOUKIL