Les civils continuent de payer le prix fort des luttes politiques entre les parties signataires de l'accord de paix, de l'incapacité de Bamako à revenir à imposer son autorité et de la persistance du terrorisme. La situation des droits de l'homme au Mali inquiète au plus haut point l'Organisation des Nations unies (ONU) qui, une nouvelle fois, tire la sonnette d'alarme sur les abus dont sont victimes les populations du nord du pays, lit-on dans un rapport rendu public par deux organismes onusiens. Selon ce rapport, "plus de 600 cas de violations et abus des droits de l'homme ont été commis entre janvier 2016 et juin 2017". Réalisé par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma) et le Haut-Commissariat des droits de l'homme, le document de 55 pages a détaillé le travail d'une enquête qui s'est étalée entre janvier 2016 et juin 2017. "Plus de 800 incidents impliquant des hommes armés non identifiés et mettant en danger la vie de civils ont également eu lieu. Au total, cette violence a fait plus de 2700 victimes parmi lesquelles 441 ont été tuées. La grande majorité des victimes sont des hommes et des enfants", lit-on encore. "Pour le premier semestre de l'année 2017, 202 cas de violations et d'abus ont été documentés, ayant occasionné plus de 569 victimes dont au moins 44 personnes tuées, 48 victimes de disparition forcée, et 156 victimes de torture ou de mauvais traitement. L'essentiel des victimes demeure des hommes (543 soit 95%), toujours suivis des enfants (23 soit 4%) et des femmes (3 soit 1%)", lit-on dans ce rapport qui met en cause tous les acteurs impliqués dans la crise malienne, y compris les forces de maintien de la paix de l'ONU. Durant cette même période, "une augmentation des violations par les autorités maliennes est de nouveau enregistrée au cours des mois d'avril et de mai", à l'ombre de la lutte antiterroriste. "Les groupes armés signataires de l'Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d'Alger, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, ex-rébellion) et la Plateforme, ont été impliqués dans 174 cas d'abus en 2016 et 72 pour le premier semestre de l'année 2017. Au cours des mêmes périodes, les groupes armés dissidents ou non signataires de l'Accord, dont le Mouvement pour le salut de l'Azawad, le Congrès pour la justice dans l'Azawad, et la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de l'Azawad II (CMFPRII) ont été impliqués, respectivement, dans cinq et sept cas", ont souligné les auteurs de ce rapport. Profitant de l'instabilité politique et du retard pris dans la mise en œuvre de l'accord de paix, les groupes terroristes islamistes ont réoccupé le terrain et semé la terreur au sein des populations du Nord, souvent isolées dans des villages abandonnés à leur sort par les autorités au milieu du désert sahélien. "Quant aux groupes tels que Al Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), Ansar Eddine, le Front de Libération du Macina, Jama'at nusrat al-Islam wal Muslimeen (JNIM), Al Mourabitoun et autres groupes similaires (ci-après AQMI et autres groupes similaires), ces derniers ont été impliqués dans 32 cas d'abus documentés en 2016 et sept pour le premier semestre de l'année 2017", a précisé ce rapport. Evoquant les arrestations arbitraires et les détentions illégales, les enquêteurs de l'ONU affirment que "la typologie de ces violations indique que les détentions illégales ont été les plus nombreuses (40%), suivies du défaut d'enquête ou d'instruction (33%), de la torture et des mauvais traitements (15%) et des exécutions sommaires/extra-judiciaires (5%)". Mais qui sont les mis en cause dans ces abus concernant ce volet ? "Les forces de sécurité arrivent en tête avec 37% des violations documentées, suivies des autorités judiciaires, avec 21%, puis les forces de défense avec 20% et la sécurité d'Etat avec 15%. Les forces internationales (Barkhane et Minusma) ont été impliquées dans 4% pour le premier semestre 2017, en grande majorité des détentions que l'on pourrait considérer comme illégales. Au cours du premier semestre 2017, le MOC, nouvellement établi à Gao, a été impliqué dans au moins 3% des cas de violations", a indiqué le rapport onusien qui vient rappeler qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour ramener la paix au Mali, mais surtout pour aboutir à une véritable réconciliation dans ce pays. Lyès Menacer