Au moment où, à Drâa Ben Khedda, une morosité ambiante gagne du terrain en matière d'activités culturelles, un groupe de jeunes garçons et filles s'est lancé, déterminé à lutter par le verbe, le geste, la mime, la rime et le rire, contre les phénomènes terrifiants pour la jeunesse. Il s'agit évidemment de la toxicomanie et autres dérivés de la drogue, de l'alcool, conséquences du chômage, etc. Ainsi, ce groupe a fait renaître de ses cendres son ancienne association Tichemlit (rassemblement), mise en veilleuse pendant une longue période faute de moyens financiers. Une quinzaine de bambins, encadrés par deux jeunes que Dame Nature a doté d'un don de création, d'improvisation et d'adaptation aux modes de vie, se muant, se transformant à toutes les circonstances, dramatiques ou joyeuses. Chez “ces gens là, monsieur”, modestes à souhait, “le rire, puis le rire, ensuite le rire” est assuré partout où ils passent, même hors cadre : chez le coiffeur, au café, à la plage, dans la rue… “Le rire est un remède efficace contre le stress”, dit-on. Kamal Ighil Mellah, Dieu l'a fait danseur né, singeant et se déhanchant, se complétant au verbe de son complice Karim Sabouni, dont la faconde et la maîtrise de son monde sont extraordinaires. Il est capable de tenir des heures son parterre accroché à sa voix, à ses répliques du tac au tac créées par lui-même dans de fulgurantes hilarités. Tantôt en duo, tantôt en monologue, en trio ou en quatuor, ces jeunes égayent, souvent par les moyens du bord, les nombreux admirateurs dans des campus universitaires, des écoles primaires et secondaires, et surtout à la Maison de jeunes et au complexe culturel et sportif de leur ville, Drâa Ben Khedda, principaux lieux réceptacles de jeunes indemnes, sinon “immunisés” du phénomène de la drogue, ainsi que dans des fêtes de particuliers où ils sont invités. Dans des parodies de circonstance, Sabouni et Ighil Mellah ont cette manie de réussir merveilleusement différents rôles sur les planches, en s'adonnant simultanément aux burlesques danses admirablement adaptées et synchronisées. Un répertoire riche Jouant avec un langage populaire (un sabir de kabyle, d'arabe et de français), la troupe Ferdja, comme son nom l'indique (spectacle), compte de belles pièces théâtrales pour adultes, comme pour enfants, telles Aïch blach, illa negh ulach (vis de rien, nanti ou pas), Ahcene wel Hocine... Cette troupe, qui renferme une quinzaine de jeunes complices, compte présenter, vers la fin de ce mois, au Festival national du théâtre de Mostaganem, auquel elle s'est qualifiée, ainsi qu'au prochain Festival international de Béjaïa, quatre autres pièces (deux pour enfants et deux pour adultes), actuellement en préparation, ont-ils précisé. Ferdja compte à son actif plusieurs participations nationales (Constantine et Oued Souf, notamment) et aux concours de wilaya. Présentement, elle opère un démarrage en force, n'était le manque de moyens, notamment une volonté de prise en charge, même occasionnelle, dans ses déplacements qui “coûtent très chers pour un chômeur, en dépit de notre volonté de bénévoles”, indique Karim Sabnouni. Décidément, c'est un véritable spectacle chez Ferdja de Drâa Ben Khedda, qui forme et compte dans ses rangs des enfants dans cette noble discipline culturelle qu'on appelle “abou el-founoune” (le père des arts). Classée première à l'échelle de daïra puis de wilaya, Ferdja s'était, rappellent ses animateurs, qualifiée en 2001/2002 au Festival international d'Espagne mais, faute de moyens, elle se contentera de jouer dans son bercail, Mirabeau. Salah Yermèche