Qualifiés par certains de Don Quichottes des temps modernes, les lanceurs d'alertes subissent de fortes pressions politiques et surtout judiciaires de la part des Etats et des grandes multinationales aux pratiques douteuses. L'Union européenne vient d'enregistrer un pas en avant dans la protection des lanceurs d'alerte en concluant un accord dans la nuit de lundi à hier, une première, ont rapporté les agences de presse. Même si l'accord est provisoire, il constitue une victoire pour les lanceurs d'alerte qui dénoncent les infractions liées à l'évasion fiscale, à l'exploitation illégale ou abusive des données personnelles, aux violations des règles de la concurrence commerciales, etc. "Nous avons obtenu un champ d'application large pour protéger ces personnes", s'est réjouie l'eurodéputée française Virginie Rozière (Socialists and Democrats -S&D, gauche) lors d'une conférence de presse à Strasbourg. La rapporteure du texte y a vu "une avancée majeure pour notre démocratie". Avec ce texte, encore provisoire, doivent être mis en place des "canaux sûrs" pour que des individus puissent signaler, en interne ou publiquement, des infractions au sein d'une entreprise ou de l'administration, sans craindre des représailles. Il s'agissait de l'un des principaux points de blocage. Certains pays, dont la France, voulaient que la révélation d'informations se fasse d'abord en interne au sein de l'organisme en cause, puis, si nécessaire, publiquement. L'ONG Transparency International a salué "un jour historique pour les lanceurs d'alerte". Pour l'heure, les lanceurs d'alerte, qui révèlent de manière désintéressée un délit ou une menace pour l'intérêt général, sont très inégalement protégés selon les pays. Ils seront désormais préservés des procédures judiciaires, mais aussi des rétrogradations, intimidations ou suspensions de leur contrat de travail. "Ces règles contribueront ainsi à la lutte contre la fraude, la corruption, l'évasion fiscale des entreprises et les atteintes à la santé publique et à l'environnement", a réagi Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne. Les nouvelles règles concernent notamment la fraude fiscale, le blanchiment de capitaux, les marchés publics, la sécurité des produits et du transport, la protection environnementale, celle des consommateurs, des données à caractère personnel et la santé publique, selon le Parlement européen. Les Etats membres pourront étendre ces règles à d'autres domaines. Les domaines de la défense et la sécurité de l'Etat, ainsi que les informations classifiées, restent exclus des possibilités de signalement, a précisé Virginie Rozière. En avril 2018, la Commission européenne, qui a dans l'UE le pouvoir de proposer des lois, avait présenté un projet de directive visant à protéger les lanceurs d'alerte après une série de scandales, Dieselgate, LuxLeaks, Panama Papers ou encore Cambridge Analytica. Ce texte a ensuite fait l'objet de négociations avec les deux colégislateurs, le Parlement européen et le Conseil représentant les Etats membres. Cet accord provisoire doit désormais être voté à la fois par le Conseil et par le Parlement européen, ce qui devrait avoir lieu avant les prochaines élections de fin mai. Une fois le texte adopté, chaque Etat membre devra alors le transposer en droit national. L. M./Agences