La marée humaine, qui a déferlé sur cette contrée de la Vallée de la Soummam, a tenu à célébrer ce double anniversaire (20 Août 1955-20 Août 1956) dans l'union, la communion et la dignité. Plusieurs milliers de personnes, venues de différentes régions du pays, notamment de Kabylie, des Aurès, de la Vallée du M'zab, de l'Algérois et même de l'Oranie, se sont retrouvées, hier, au village historique d'Ifri, situé sur les hauteurs de la commune d'Ouzellagen (wilaya de Béjaïa), à l'occasion de la commémoration du 63e anniversaire de la tenue du Congrès de la Soummam, qui intervient cette année dans un contexte politique national très particulier. La marée humaine, qui a déferlé sur cette contrée de la Vallée de la Soummam, a tenu à célébrer, cette année, ce double anniversaire (20 Août 1955-20 Août 1956), dans l'union, la communion et la dignité. Au-delà de l'hommage particulier rendu aux martyrs de la Révolution (1954-1962), tout particulièrement aux architectes du Congrès de la Soummam, tenu le 20 Août 1956, dans ce même village situé au piémont d'une zone montagneuse séparant les deux wilayas de Béjaïa et de Tizi Ouzou, les hôtes d'Ifri-Ouzellaguen réaffirment leur attachement au serment de Novembre, mais aussi au projet de la Charte de la Soummam. En témoigne, d'ailleurs, le message politique que transmettent les slogans portés sur des banderoles accrochées à l'entrée du Musée d'Ifri. "La primauté du politique sur le militaire", "Nous marcherons sur les pas du Congrès de la Soummam jusqu'à l'obtention d'une indépendance effective", "Dawla madania, Machi âaskaria" sont les principaux mots d'ordre de cette journée commémorative. Vers 10h, le village d'Ifri grouille déjà de monde. Les deux côtés de la route, menant vers ce lieu hautement historique, étaient bondés de véhicules et de bus immatriculés de plusieurs wilayas du pays. Des jeunes bénévoles, membres du collectif des citoyens d'Ouzellaguen, s'attellent à assurer l'accueil des invités et la bonne organisation de cet événement. Outre des citernes d'eau potable stationnées devant l'entrée principale du Musée d'Ifri, des boissons fraîches et même des sandwichs étaient offerts aux citoyens présents sur les lieux. Sur l'esplanade attenant au mémorial érigé à la mémoire des six chefs historiques et acteurs du Congrès de la Soummam, la scène est parée de drapeaux nationaux et amazighs, sur laquelle sont déployées des banderoles où l'on pouvait lire "Libérez les détenus", "Primauté du politique sur le militaire"… En filigrane, les photos de certains prisonniers politiques, telles que celles du moudjahid Lakhdar Bouregâa, de la SG du parti des travailleurs (PT), Mme Louisa Hanoune, de la jeune Samira Messouci, élue RCD à l'APW de Tizi Ouzou, ainsi que des deux jeunes manifestants originaires d'Ouzellaguen, Tahar Oudihat et Yazid Kasmi. Pour rappel, ces trois derniers détenus, qui croupissent toujours à la prison d'El-Harrach, ont été arrêtés par la police à Alger, après avoir brandi l'emblème amazigh. Un lieu de ressourcement et de convergence politique Comme prévu, le village d'Ifri a été également, hier, un lieu de ressourcement et de convergence politique pour de nombreux militants et responsables de parti, tout particulièrement ceux de l'opposition démocratique qui se réclament du projet d'Abane Ramdane et de Larbi Ben M'hidi. Ainsi donc, plusieurs membres de l'alliance des forces de l'alternative démocratique ont pris part au grand rassemblement tenu, hier matin, devant le mémorial d'Ifri. Parmi les personnalités politiques présentes, l'on peut citer Youcef Taâzibt et Rachid Bedjaoui du PT, Ali Laskri, Hakim Belahcel et Ahmed Djeddaï du FFS, Fethi Gheras du MDS, Ouamar Saoudi, Atmane Mazouz, Nora Ouali et Rachid Saou du RCD, l'avocat Mokrane Aït Larbi. Il y avait aussi le président du RAJ, Abdelwahab Fersaoui, le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, et son camarade Hocine Boumedjane. Le député démissionnaire Khaled Tazaghart et le porte-parole de l'UDS, Karim Tabbou, étaient également au rendez-vous. Lors d'une prise de parole organisée devant le mémorial d'Ifri, le président du bureau régional du RCD de Béjaïa, Moumouh Labdouci, rappellera que "le RCD, comme chaque année, revient à l'occasion de la célébration du 20 Août pour réaffirmer son attachement au message de la Soummam. Cette année, ce 63e anniversaire intervient dans un moment historique, où des millions d'Algériennes et Algériens sont sortis dans la rue pour rappeler l'attachement de tout un peuple à l'édification d'un Etat démocratique et social et la primauté du civil sur le militaire". Pour le responsable régional de la formation de Mohcine Belabbas, la mobilisation extraordinaire d'aujourd'hui vient en prolongement aux revendications qu'exprime le peuple algérien dans sa volonté de l'instauration d'un changement radical dans le pays. "Ce rendez-vous historique est pour nous aussi une occasion de réitérer notre appel à une alternative démocratique qui doit impérativement passer par une transition. Nous avons, également, tenu aujourd'hui à l'exigence de la libération des détenus d'opinion et au départ du système et de tous ses symboles", a-t-il soutenu. De son côté, le premier secrétaire national du FFS, le Dr Hakim Belahcel, dira que "le Congrès de la Soummam a a permis d'unifier le front de la libération du pays de l'oppression coloniale et d'inscrire la primauté du civil sur le militaire. Aujourd'hui, le mouvement révolutionnaire du 22 février a ouvert la voie à l'impossible, à savoir libérer le pays de la dictature, unifier le pays autour de la nécessité d'un Etat civil, démocratique et non militaire, le respect strict des libertés et des droits humains". L'orateur estimera que "cela doit passer par une transition démocratique négociée, sincère et transparente pour recouvrer tous nos droits, dont le premier est notre droit à l'autodétermination". Pour le Dr Belahcel, l'une des recommandations majeures de la plateforme historique du Congrès de la Soummam, à savoir "La primauté du politique sur le militaire", demeure "une exigence historique qui trouve toute sa pertinence et son importance dans un contexte national délicat et préoccupant". Pour le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi, "le message de la Soummam est plus que d'actualité", affirmant qu'"après avoir réussi à unifier toutes les forces patriotiques en un Front de libération nationale, le congrès a réussi à poser les jalons de la nouvelle République démocratique, sociale et civile, un message, un combat encore d'actualité ressuscité par la révolution du 22 février". Par ailleurs, ce défenseur des droits humains a réitéré la revendication de son organisation, à savoir "la libération de tous les détenus politiques et d'opinion". Prenant la parole, le premier responsable du RAJ, Abdelwahab Fersaoui, a appelé les Algériens à poursuivre leur combat pacifique jusqu'à la chute définitive du régime. "Aucun despote ne pourra faire face au tsunami populaire. La souveraineté doit revenir au peuple. Restons mobilisés et unis", a-t-il martelé. Les officiels aux abonnés absents La célébration de la date anniversaire de cet événement historique aura été purement populaire. Aucun officiel, ni le wali de Béjaïa ni le ministre des Moudjahidine n'ont pu se déplacer, cette année, à Ifri. Pas de cortège officiel, pas de fanfare, ni de cérémonie protocolaire, encore moins de festivités folkloriques ou de discours démagogiques propres aux dignitaires du régime. Même la rituelle cérémonie de recueillement et de dépôt de gerbes de fleurs aux carrés des martyrs, à laquelle assistaient habituellement les représentants des autorités locales, s'est vue réduite à la présence seulement de quelques membres de la famille révolutionnaire, notamment des moudjahidine et des enfants de chouhada natifs de la commune d'Ouzellaguen. Le chef de daïra d'Ifri-Ouzellaguen, le président de l'APC et les responsables locaux des services de sécurité (police et gendarmerie) ont, en effet, brillé par leur absence lors de cette cérémonie tenue, hier matin, au cimetière des Chouhada, sis en plein centre-ville d'Ighzer-Amokrane. Grâce à la révolution pacifique du 22 février, le peuple algérien a finalement pu se réapproprier ses dates historiques, dont celle du 20 Août 1956, qui étaient, il y a quelques années, la chasse gardée du pouvoir en place.