Même si des emprunts externes peuvent être envisagés, le recours à la planche à billets restera inévitable dans l'état actuel des finances et de l'économie du pays. L'arrêt projeté par le gouvernement du financement monétaire par la planche à billets est-il réellement envisageable dans l'état actuel des finances publiques et au vu des dépenses prévues dans l'avant-projet de loi de finances pour 2020 ? Déjà gelé depuis quelques mois, le financement non conventionnel fait, en effet, partie des nombreux dogmes économiques instaurés par le président déchu Abdelaziz Bouteflika et que le régime actuel s'attelle à vouloir démanteler, comme pour donner l'illusion d'une nouvelle gouvernance en rupture avec les politiques économiques des deux dernières décennies. C'est ainsi que le gouvernement prévoit désormais de lever la sacro-sainte interdiction de recourir à l'endettement exterieur, imposée par l'ex-président de la République depuis la moitié des années 2000 ; tout en laissant entendre que l'option des financements conventionnels externes pourrait, dès l'année prochaine, être substituée définitivement à celle des financements non conventionnels internes, c'est-à-dire à la planche à billets. Pourtant, quand bien même les pléthoriques créations monétaires opérées précédemment pourraient suffire à monétiser les déficits publics en présence, et que le train des dépenses globales de l'Etat pour l'exercice prochain s'inscrit à la baisse à travers l'avant-projet de loi de finances 2020, il n'en demeure pas moins évident que ni l'option d'un arrêt définitif du recours à la planche à billets ni celle de son éventuel remplacement par l'endettement international, ne peuvent être concrètement mises en œuvre dans l'état actuel d'aggravation des déséquilibres financiers internes et externes du pays. Au sens du communiqué du Premier ministère, rendu public à l'issue de la présentation, mercredi dernier, de l'avant-projet de loi des finances pour 2020, il est expliqué ainsi que l'Exécutif a donné des orientations à l'effet d'élaborer le prochain budget de l'Etat à la lumière du recours au financement "conventionnel" et aux recettes publiques ordinaires. Il y est également annoncé la proposition "de recourir, de manière sélective, au financement extérieur auprès des institutions financières mondiales de développement en vue de financer les projets économiques structurels et rentables avec des montants et des délais en rapport avec le rendement de ces projets et leur solvabilité". À bien analyser ces orientations, le gouvernement envisagerait ainsi — du moins selon ce qu'il annonce — de rompre tout simplement avec le financement non conventionnel et de réactiver en même temps le recours aux emprunts externes ; vraisemblablement dans l'espoir de compenser les fortes coupes budgétaires qu'il prévoit d'opérer sur les dépenses d'équipements durant l'exercice à venir (-20,1%). Sauf que, comme nous l'expliquent si bien des experts en finances et économie, "même s'il est prévu des emprunts externes destinés exclusivement aux projets structurants et rentables, on recourra encore à la planche à billets quoi que l'on fasse…". Dans cet ordre d'idées, nous précise l'expert en stratégies financières internationales, Lachemi Siagh, "la mise en place de financements internationaux prend du temps et le financement non conventionnel demeurera sans doute inévitable". Un constat que corrobore également le professeur d'économie Brahim Guendouzi, pour qui "les conditions politiques, économiques et sociales qui prévalent actuellement et la fragilité institutionnelle de l'actuel gouvernement, ne militent guère pour une facilité d'accès à un quelconque financement extérieur".