La galerie d'art Ifru-Design a inauguré ce mercredi 19 février son cycle de rencontres littéraires avec la venue de l'auteur Aïssa Kasmi, qui a feuilleté pour l'assistance son livre Toudja mon beau village (éditions Imtidad et Atfalouna). Livre-mémoire, l'œuvre reflète le vœu de l'auteur d'opérer son retour à Aghbalou, où ruisselle la source de son enfance. L'objectif est d'ensemencer dans les sillons de sa terre natale et nourricière le legs de sagesse que lui a fait l'existence. Ecrit d'un jet narratif qu'il a emprunté à l'Aïnseur et qu'il a stylisé à l'éloquence de l'enfant qu'il y a en lui, l'auteur y va à axxam aqdim (le vieux logis), qui était ce relais pour les résistants qui y trouvaient un bol de l'ben et un morceau d'aghrum aquran (galette kabyle). Elevé à la dure, sa maman l'emmaillotait de langes qu'elle taillait dans les sacs de jute… Il y va au gré de sa mémoire sur l'itinéraire des anciens de "Toudja" qu'il adulait et qu'il encensait lorsqu'il gambadait dans le pré de son école buissonnière. D'où la doucereuse similitude que Aïssa Kasmi partage avec l'écrivain Marcel Pagnol (1895-1974) sur le sentier bucolique où l'un et l'autre avaient ouvert leur cahier de souvenirs d'enfance à La Gloire de mon père (1957). À ce propos, les enfants de Toudja s'identifiaient qui à leur père, qui à leur grand-père et que l'auteur a immortalisé au "panthéon" de ses annexes, au nombre de 13 : "À 17 ans, j'ai fui le ciel de Toudja rougi au napalm et j'ai marché jusqu'à Aïn-Benian (ex- Guyotville) où j'ai été arrêté et écroué à l'ancien Casino de la Corniche de Raïs-Hamidou (ex-Pointe-Pescade) et soumis à la ‘question' à l'immeuble de triste mémoire sis à El-Biar, au 94, avenue Georges-Clémenceau, l'actuelle Ali-Khodja, où m'a précédé Harry Salem dit Henri Alleg (1921-2013) et où fut défenestré l'avocat Ali Boumendjel. J'ai été libéré à l'aide de l'optimisme béat de mon tortionnaire qui m'exhibait à la face le journal illustré de la photo des dépouilles des colonels Amirouche Aït Hamouda (1926-1959) et Ahmed Ben Abderrazak Hamouda dit Si El-Haouès (1923-1959) en criant : ‘Vos chefs sont morts ! C'est la fin de la rébellion.'" Et d'El-Biar, le destin l'a conduit à l'oasis du Papa bonheur (Bou-Sâada) de la Wilaya VI. Et puisqu'on est encore dans la Journée du chahid, l'auteur y énumère le contingent de 556 martyrs de la glorieuse Wilaya III qui ont "irrigué de leur sang la terre de Toudja et celle d'Iguelliden (rois) Syphax, Gaïa et Jugurtha", a-t-on su de l'orateur. Outre cela, l'auteur a dressé 52 illustrations à l'effigie de nos chouhada, que l'auteur a identifiés à l'index mémoriel et aux témoignages recueillis ici et là. Pour une première, l'œuvre de Aïssa Kasmi en est une et fait œuvre utile pour l'historien : "J'ai dressé 116 portraits d'anonymes petites gens qui ont fait l'actualité sociale et économique de Toudja", a conclu l'auteur. Mais pas que, du fait que l'eau n'est pas en reste, eu égard à l'historique aqueduc romain bâti en l'an 152 après J.-C. pour que l'eau ruisselle de la source de Toudja (El-Aïnser) jusqu'à Saldae (Bougie), soit une distance de près de 20 km. Mais on n'en dira pas plus, si ce n'est de lire le livre de Aïssa Kasmi, qui narre l'autre épopée qui fait la notoriété de Toudja, en l'occurrence son musée de l'eau. À noter que la rencontre littéraire a été modérée par Amel Bara Kasmi.
LOUHAL Nourreddine Toudja mon beau village de Aïssa Kasmi, éditions Imtidad et Atfalouna, 310 pages, 2020.