Le think tank pointe un déficit budgétaire "incontrôlable", anticipé à -1 932 milliards de dinars dans le PLFC, en hausse de 26% par rapport à la prévision initiale de la LF 2020. Dans leur fine analyse du projet de loi de finances 2020 (PLFC), les experts du Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), ont situé le contexte dans lequel a été élaboré le texte de loi, disséqué le profil budgétaire et formulé des critiques plutôt sévères au sujet de certains impôts et taxes. Ils ont ainsi rappelé que le projet de loi de finances complémentaire a été établi dans un contexte économique "extrêmement préoccupant ", marqué par un choc encore "vivace" du prix du baril en 2014, par "l'effondrement" pétrolier en début 2020 et par la pandémie de Covid-19 dont l'effet a été de ‘bloquer sévèrement" l'activité économique. Au chapitre budgétaire, le Care met en relief "l'extrême complexité" de l'équation, soulignant qu'au plan des recettes, la LFC 2020 "ajuste" le niveau attendu des recettes de la fiscalité pétrolière, prenant ainsi en ligne de compte les évolutions du marché pétrolier international. Du côté des dépenses, le think tank relève que malgré quelques déclarations "verbales fortes" sur la nécessité de réductions "substantielles", l'économie réalisée par rapport aux prévisions initiales de la LF 2020 est de "6,3%", ce qui est loin de compenser la baisse des recettes fiscales. Il estime en outre que la baisse des dépenses de fonctionnement de l'Etat demeure, pour sa part, "tout à fait limitée", au niveau surtout "symbolique de -3,8%". De même, il souligne que la réduction d'un niveau de -10,6% des dépenses d'équipement est également "plus modeste" que ce qui était attendu. Et de nuancer : "Tout cela reflète néanmoins l'option plutôt raisonnée des autorités de préserver au mieux le processus de croissance dans une conjoncture mondiale fortement perturbée et en se prémunissant autant que possible contre les conséquences dommageables sur les revenus et sur les emplois des plus larges couches de la population". Le Care juge par ailleurs "incontrôlable", le déficit budgétaire, notant que, pour l'année 2020, celui-ci est projeté à un niveau de 1 932 milliards de dinars, en hausse de 26% par rapport à la prévision du début d'année. "Ce déficit de plus en plus lourd représente tout même quelque 35,8% des recettes fiscales totales attendues et 9,7% du PIB, ce qui est à tous points de vue considérable. Voilà plusieurs années que le budget de l'Etat algérien est voté régulièrement avec un niveau très élevé de déficits, y compris pendant la période d'abondance de ressources", lit-on dans une étude du Care consacrée à l'analyse du PLFC 2020. Secteur stratégique, une notion mal définie Toutefois, comme c'était le cas au début des années 2000, ce déficit, souligne le Care, n'était qu'une forme d'artifice comptable, "une grande part de la fiscalité pétrolière, au-delà du prix de référence fixé à 37 dollars/baril, étant en réalité transférée au FRR (Fonds de régulation des recettes) puis restituée plus tard au Trésor public pour couvrir les déficits effectifs du budget". En ce qui se rapporte à la révision de la législation sur les IDE, le think tank a rappelé que le changement en la matière était déjà intervenu avec l'article 109 de la loi de finances pour l'année 2020 qui avait limité l'exigence d'un actionnariat national majoritaire aux seules "activités de production de biens et de services revêtant un caractère stratégique pour l'économie nationale". Il a toutefois souligné que le secteur stratégique reste une "notion mal définie", faisant constater qu'en dehors du secteur des hydrocarbures qui a toujours été encadré par des lois spécifiques et dont on peut comprendre que le caractère stratégique est lié à son poids majeur dans l'économie nationale et dans les relations économiques et commerciales avec le reste du monde, la question reste posée pour l'ensemble des autres secteurs retenus. Le Care a par ailleurs pointé du doigt la taxe appliquée à l'importation des services, une disposition découlant d'une modification de l'article 150 du code des impôts directs et taxes assimilées, dont l'objet est de faire passer de "24% à 30% le taux de la retenue à la source applicable au bénéfice des sociétés et en particulier sur les sommes perçues par les entreprises étrangères n'ayant pas en Algérie d'installation professionnelle permanente dans le cadre de marchés de prestations de service…" Pression fiscale sur les services "Dans le contexte de détresse budgétaire qui affecte actuellement les finances publiques du pays, cette mesure qui vise clairement à accroître le niveau des recettes fiscales paraît à première vue tout à fait justifiée et compréhensible", estime le think tank qui estime, néanmoins, que cette taxation, excessive et tout à fait antiéconomique, pénalise donc clairement le développement économique interne et s'analyse à ce titre comme un "avantage indirect" conféré à l'importation. L'organisation explique que pour compléter l'image de cette pression fiscale "exorbitante" exercée sur des investisseurs et des producteurs nationaux, il faut ajouter la taxe de domiciliation bancaire des importations de services que la loi de finances pour 2020 (article 67) avait portée à 4% du montant de la facture à domicilier. Au total, fait-elle observer, on aboutit à une taxation totale à hauteur de 47% pour des importations de services qui s'analysent, d'un point de vue économique, comme un des leviers majeurs de tout processus de développement économique et qui devraient être logiquement exonérées de toute forme de prélèvement préalable. Le think tank relève dans un autre chapitre que la situation de crise sanitaire a fait exploser les déficits des budgets publics partout dans le monde ; tous les pays, ou quasiment, ayant été contraints de prendre des mesures budgétaires "fortes pour amortir" le choc de l'arrêt imposé à leur activité économique et, pour ce faire, de laisser filer les déficits de leurs comptes publics. Cependant, ajoute-t-il, dans le cas de l'Algérie, les éléments d'information communiqués par le gouvernement ne laissent pas apparaître un quelconque chapitre de dépenses orienté vers la prise en charge des conséquences économiques et financières de la Covid-19, en dehors sans doute de celles liées à la revalorisation du soutien au secteur de la santé.