"Je suis là depuis 8h, j'ai le n°45 et on vient d'appeler le n°15. Je n'ai pas fini d'attendre", se plaint un quinquagénaire, dont l'épouse enceinte a, dit-il, été diagnostiquée positive au coronavirus. Lundi 13 juillet, 10h. Quelques femmes et hommes se bousculent devant la porte d'entrée du nouveau centre de tri des cas de coronavirus du centre hospitalo-universitaire d'Oran, tandis que des dizaines d'autres attendent leur tour, debout ou assis sur les bancs et chaises aménagés sous les trois petits chapiteaux installés dans la cour qui fait face à l'édifice. "Je suis là depuis 8h, j'ai le n°45 et on vient d'appeler le n°15. Je n'ai pas fini d'attendre", se plaint un quinquagénaire, dont l'épouse enceinte a, dit-il, été diagnostiquée positive au coronavirus. "C'est pour cela que je dois passer le test", explique-t-il. Un homme qui vient d'arriver hérite du n°10... de la liste suivante. L'agent hospitalier qui distribue les tickets d'attente explique : "Nous devons d'abord faire passer les 90 personnes qui composent la première liste. Ensuite, nous entamerons votre série." Il suggère au n°10 d'aller faire un tour et de revenir vers 15h ou 16h. "Et ce n'est pas tout, raille notre quinquagénaire. Stress et tension Il est possible qu'on te demande de passer un scanner chez le privé, vu que celui d'ici est en panne. Après avoir déboursé 7 000 DA minimum, tu reviens et tu reprends un autre ticket d'attente. C'est ce que ma femme et moi avons vécu." Alors que l'homme énumère ses malheurs, des éclats de voix éclatent : interpellé par un agent de sécurité sur l'interdiction de garer son véhicule à proximité du centre, un automobiliste perd patience. "Je ne vais pas prendre racine ici, je veux juste déposer cette vieille femme... un peu d'humanité !" vocifère-t-il à l'adresse de l'agent de sécurité, qui préfère ne pas répondre. L'homme aide sa passagère à sortir péniblement du véhicule, reprend le volant et s'en va, sous le regard un peu penaud de l'agent. La hausse alarmante des cas de contamination à Oran cette dernière semaine, la réputation peu reluisante que le CHUO a toujours traînée – malgré les efforts, parfois sacrificiels, déployés par les personnels médical et paramédical –, la mise à nu du système de santé algérien aggravent le stress des patients en attente d'être testés. "Je vous avoue que je n'ai pas confiance mais je n'ai pas le choix. Ici ou à l'EHU ou dans n'importe quel hôpital, c'est le même système de santé qui a montré ses limites. Quand on sait que des pays autrement plus développés ont eu les pires difficultés à vaincre la Covid-19, je crains le pire", lâche, avec beaucoup de fatalité, un homme qui attend patiemment son tour. Il dit ne pas croire avoir été contaminé mais il préfère vérifier pour faire taire la peur qui l'habite. "La majorité des citoyens font preuve d'une incroyable inconscience. J'essaie de faire attention, bavette, gestes barrières... mais on ne sait jamais", explique-t-il en observant un homme, probablement sexagénaire, qui marche péniblement, soutenu par deux jeunes, dont l'un tient un gros dossier médical à la main. En raison de l'inconscience désormais avérée mais aussi de l'insuffisance des sièges mis à disposition, la distanciation sociale n'est pas respectée. Mis à part quelques malades, notamment des femmes, qui sont assis à même le trottoir, à une distance respectable les uns des autres, la majorité des autres patients, masque de protection sur le nez, ne semble pas accorder beaucoup d'importance à la nécessaire distanciation. Il faut dire aussi que le bloc de chirurgie pour enfants, ainsi transformé en centre de tri, est situé quasiment au milieu du CHU, à proximité de plusieurs pavillons, notamment la clinique de chirurgie infantile (CCI) et la maternité, ce qui en fait un point de passage important pour le personnel hospitalier et les visiteurs. Entre 150 et 300 visites par jour Ce que des professionnels de la santé et des citoyens ordinaires ont critiqué en déplorant que le choix ne se soit pas porté sur un pavillon situé à l'écart, qui ne favorise pas la proximité entre des cas avérés, ou suspects, de coronavirus et le grand public. "Encore une décision approximative", estime un visiteur. Depuis son ouverture le 1er juillet, ce nouveau centre de tri accueille quotidiennement entre 150 et 300 patients présentant des signes inquiétants, mais la majorité repart avec une ordonnance pour un traitement contre une simple grippe, affirme une source hospitalière. La même source explique que les patients doivent être auscultés par un généraliste avant de passer, en cas de forte suspicion, par un spécialiste qui décidera de la démarche à suivre. Pour pouvoir alléger la pression des demandes de test PCR qui affluent de toute la région Ouest sur l'annexe de l'Institut Pasteur de Gambetta, le CHUO vient d'inaugurer un nouveau laboratoire. "C'est une structure qui devrait prendre en charge quotidiennement entre 40 et 50 PCR et rendre les résultats dans des délais plus courts que les 10/15 jours nécessaires à l'annexe Pasteur", explique notre source, qui affirme que de gros efforts sont consentis pour pallier les défaillances et manquements enregistrés et améliorer la lutte contre la pandémie. La gestion approximative du dossier coronavirus et l'inconscience de la population ont, en effet, eu des effets désastreux à Oran qui, après avoir été très relativement épargnée, trône désormais en tête des wilayas les plus contaminées depuis le 27 juin dernier.