L'avocat d e la défense, Boudjema Ghechir, a plaidé, au cours de l'audience, l'autosaisine du parquet contre l'ancienne ministre de la Culture pour "corruption" et "trafic d'influence". Le procès pour diffamation opposant l'ancienne ministre de la Culture Nadia Labidi au cadre du Parti des travailleurs Djelloul Djoudi s'est ouvert ce jeudi au tribunal d'El-Harrach. L'action judiciaire est fondée sur une déclaration de l'ex-député, publiée dans le quotidien Liberté le 8 mai 2019. Il avait commenté une plainte déposée par Mme Labidi contre la secrétaire générale du parti, Louisa Hanoune, pour des faits remontant à 2015. Cette année-là, le groupe parlementaire du PT avait accusé, en plénière, celle qui avait en charge l'administration du département de la Culture de "mauvaise gestion" et surtout d'être coupable de "conflit d'intérêts". Il lui a été reproché d'avoir usé de son influence pour accorder des marchés juteux à l'entreprise familiale Procom international. Lors de son audition, Djelloul Djoudi s'est enquis auprès de la présidente de l'audience : "Pourquoi suis-je là ? J'étais membre de l'Assemblée populaire nationale. C'était mon rôle de critiquer la gestion des ministres. J'ai parlé du conflit d'intérêts dans le cas de Nadia Labidi, avec laquelle je n'ai aucun problème personnel. Je suis en mesure de présenter les preuves qui confirment ce que nous avons soulevé dans l'enceinte du Parlement. Ma présence à ce procès est une criminalisation de l'action parlementaire." Prenant la parole à son tour, Mme Labidi a répliqué : "Djoudi parle encore avec impertinence de conflit d'intérêts et dit que j'ai donné 12 milliards de centimes à la société audiovisuelle Procom. Il prétend aussi que j'avais une accointance avec l'ambassade des Etats-Unis, qui aurait accordé une bourse à mon fils en contrepartie du théâtre national... C'est un mensonge." La juge lui a demandé de préciser l'identité des propriétaires de ladite entreprise. Contrainte de répondre, la plaignante a reconnu : "La société appartient à mon père et à mon fils... Mais je n'ai aucun lien organique avec elle puisque j'ai cédé mes actions." Me Boudjema Ghechir, avocat de la défense, a affirmé que "Mme Labidi n'aurait jamais dû formaliser la plainte contre son mandant dès lors que le conflit d'intérêts est flagrant". Il a souligné que 38 documents le prouvant ont été déposés dans le dossier. Lui et ses collègues ont évoqué, en outre, un proche de l'ancienne ministre, un chef d'orchestre ayant perçu, un salaire de 500 000 DA versé par le ministère ; des contrats douteux signés pour l'événement Constantine, capitale de la culture arabe ; l'écriture du scénario d'un film sur l'Emir Abdelkader confiée à un actionnaire dans l'entreprise familiale ; la réalisation du film Le Patio conférée à son fils Mehdi... Me Ghechir a aussitôt demandé au parquet de s'autosaisir contre Mme Labidi pour faits de corruption. L'avocat de la ministre, Me Bitam, a tenté de déconstruire les preuves de la défense. "Même s'il existe des soupçons à ce propos, il n'a pas le droit (M. Djoudi, ndlr) de les porter à la connaissance de l'opinion publique dans le but d'attenter à la dignité. Le fils de Mme Labidi est un citoyen algérien. Doit-on le priver de travailler parce que sa mère est ministre ?" La défense de Djelloul Djoudi a récusé le chef d'inculpation afférent à la diffamation. "Une personne est sanctionnée pour diffamation quand elle attribue à une autre un acte qu'elle n'a pas commis. Si le fait est prouvé, le délit tombe", a asséné Me Ghechir dans sa plaidoirie. Le parquet a requis 6 mois de prison ferme assortie d'une amende de 50 000 DA contre le prévenu. L'affaire est mise en délibéré pour le 22 octobre 2020.