“Où est-ce que j'en étais déjà ?” s'est interrogé le Président en plein milieu de son allocution d'avant-hier, à Sidi Bel-Abbès. Depuis le temps qu'il intervient sans discontinuer, passant du chaud au froid, changeant perpétuellement de repères, il était normal que le discours finisse par se brouiller. Malgré une campagne soutenue, le Président s'est donné, jusqu'à la veille du scrutin, les occasions de monopoliser la parole. Convaincu du résultat, le chef de l'Etat promet “de nouvelles méthodes de gestion” après le 29 septembre auxquelles “la société doit s'adapter”. Faisait-il la simple annonce d'un changement ou menaçait-il de sévir, désormais ? Il y a quelque chose de rassurant, tout de même, dans la régression politique qu'on inflige au pays depuis 1999 : il sera laborieux de faire pire en matière d'arbitraire politique, de terreur judiciaire, de stagnation économique, de décadence morale, de désintégration sociale et d'opacité institutionnelle. Comme la question islamiste est d'avance réputée résolue, ce sont les victimes du terrorisme qui donc sont appelées à se tenir hors de portée de la rigueur de la charte et de l'ordre qui s'ensuivra. Réconciliation pour les uns, terreur pour les autres. Parvenu en fin de campagne, le Président semble avoir pris son parti : il veut les islamistes, les vrais sans leurs chefs. “Vous serez comptables de vos voix devant Dieu”, nous a-t-il averti à partir de la coupole du 5-Juillet. Si après une telle sentence, déjà entendue en 1991, reste-t-il quelque chose à dire à Abassi Madani ? La campagne n'était point utile aux 98% d'aujourd'hui, mais elle aura servi à dessiner les contours du régime de demain. “Ni islamiste ni laïque”, martelait inlassablement le chef de l'Etat. Il sera donc idéologiquement non identifié, personnel. Si six ans de régression politique n'ont pas convaincu, ce n'est pas un renoncement de plus qui viendra à bout de la convoitise qui, en ces temps d'excédent financier, hypothèque toute perspective démocratique. Nous sommes donc supposés oublier à compter d'aujourd'hui. Ce jour commence une ère dans laquelle nous ne devrions nous rappeler de rien qui se soit passé avant ce 29 septembre 2005. Premier jour de l'an I de l'ère de paix. Les donneurs de leçons de paix à leurs “amis démocrates” reviendront déplorer le sort qui n'en finit pas d'accabler le pays, comme l'ont fait les “amis de la presse” avant eux. Autant que la campagne fut superflue contre le fait accompli, la résistance l'était aussi. Alea jacta est, une de fois de plus. Si l'oubli n'était pas leur credo, on aurait dit que la balle est dans le camp de ceux qui attendent quelque chose de leur reniement. Ceux qui ont osé oublier juste par peur de se faire oublier. Il n'était pas pourtant nécessaire de lire “entre les lignes” pour s'en apercevoir : l'ère de la paix est bien partie pour être l'ère du pire. Pour tous. M. H.