Comme fut sa vie, les funérailles de Monseigneur Henri Teissier ont réuni, hier, à la basilique de Notre-Dame d'Afrique, musulmans, juifs et chrétiens dans la communion, la fraternité et la tolérance. Comme un ultime message que nous lègue cet Algérien d'exception. "Une passion unique et éthique pour l'Algérie." Les mots dans la bouche de Chantal Vankalck, directrice du centre diocésain, à Alger, prononcés à la basilique Notre-Dame d'Afrique, en hommage à la mémoire de l'archevêque Monseigneur Henri Teissier, décédé le 1er décembre, sont forts, pleins de sens et chargés d'émotion. Ils résument, peut-être le mieux, la vie d'un homme humble qui a dédié sa vie pour sa patrie de choix, l'Algérie. Comme Chantal Vankalck, nombreux parmi ses amis algériens, français, chrétiens, musulmans, juifs ont fait le déplacement, ce matin du 9 décembre, à la basilique d'Alger pour se recueillir, une dernière fois, sur la dépouille d'Henri Teissier, avant qu'il ne rejoigne sa dernière demeure. La cérémonie officielle a été, comme l'ont souhaité les organisateurs, intime. Un moment de paix et de communion en hommage à l'une des figures emblématiques et influentes de l'Eglise catholique d'Algérie. "Aujourd'hui, Henri Teissier revient en Algérie, son pays, où il était si heureux. Il a donné sa vie, ici, gratuitement à Dieu et à l'Algérie. Il avait un amour indéfectible pour le peuple algérien, sa culture et sa langue", rappelle, lors de sa prise de parole, l'actuel archevêque d'Alger, Mgr Paul Desfarges, avant de souligner que son prédécesseur a sacrifié toute sa vie pour que triomphe la paix, même dans les pires moments, "en temps de guerre pour l'indépendance de l'Algérie ou encore durant les sombres années du terrorisme, dans les années 1990". Homme de tolérance et de dialogue interreligieux, Henri Teissier, ajoute encore l'archevêque d'Alger, a grandement contribué avec ses amis algériens à l'édification de la paix et de la fraternité en Algérie et ailleurs dans le monde, "comme en témoigne sa contribution à l'adoption par l'ONU de la date du 16 mai de chaque année comme Journée internationale du vivre-ensemble en paix". L'hommage officiel a été rendu au défunt en présence de la famille de Monseigneur Teissier. Sa sœur, Murielle Ripert, qui a fait le déplacement de France, se souvient d'un frère humble, aimant et attentionné, et dont l'amour pour l'Algérie était "infaillible et démesuré". "Il avait une passion sans pareille pour l'Algérie. Il ne sera pas enterré auprès de ses parents en France, mais je crois que sa place est ici. Il appartient à ce pays pour lequel il a tant donné. Son enterrement à Alger est la suite de sa vie. Ce sera, c'est vrai, un peu compliqué pour nous de nous recueillir sur sa tombe, mais je crois qu'on a une liaison directe avec le Bon Dieu", affirme-t-elle, émue d'avoir fait le déplacement en Algérie, après une longue absence de plusieurs décennies. Le neveu du disparu, également présent à la cérémonie, a, quant à lui, salué le concours et l'apport de Mgr Teissier au dialogue islamo-chrétien. "Tu fus un être exceptionnel. Humble et portant les valeurs qu'on t'a toujours connues. Tu as œuvré pour le dialogue entre les religions. Tu as choisi le dévouement. Tu choisis l'Algérie algérienne durant la colonisation. L'Algérie te reconnaît comme l'un des siens", dira-t-il ému. L'ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette, a tenu, pour sa part, à rappeler "le profond humanisme" du défunt qui, toute sa vie durant, "a œuvré pour la paix et le dialogue des cultures". Tout en saluant un "messager de tolérance", le diplomate a relevé que le destin du disparu s'est totalement confondu avec le destin de l'Algérie. "Il n'a jamais pensé quitter son deuxième pays, l'Algérie, même lorsque ce choix mettait sa vie en danger", a-t-il affirmé, avant d'ajouter que Mgr Henri Teissier "puisait son courage dans sa foi infaillible et dans l'amour indéfectible qu'il portait à cette terre et à ceux qui y vivent". Pour la représentante de la confrérie soufie Alawiyya de Mostaganem, Henri Teissier était le symbole même de la paix et de la tolérance. Dans un message émouvant, lu à l'intérieur de la basilique, Yasmine Bentounès, nièce du guide Cheikh Bentounès, a tenu a rappelé la "grandeur" de cet homme "unique" qui a marqué de son empreinte l'Eglise catholique d'Algérie. "Notre présence aujourd'hui est une reconnaissance à un ami de longue date", a-t-elle dit, avant de poursuivre que le disparu faisait partie des gens du Livre. "En tant que croyants musulmans, nous ne pouvons que nous incliner à la mémoire de Mgr Teissier. Il a, toute sa vie durant, milité pour un monde en paix où chacun trouve sa place, dans la fraternité", a-t-elle affirmé, tout en ajoutant : "Nous avons, aujourd'hui plus que jamais, tant besoin de perpétuer les valeurs incarnées par Monseigneur Teissier."