Les perturbations touchant le secteur de la santé, ces dernières années, interpellent tout un chacun à mieux penser le système de santé actuellement en vigueur. Face à une société de plus en plus exigeante, s'oppose un système obsolète qui ne répond pas aux exigences socio-économiques et politiques du pays en général et du citoyen en particulier. Le système de santé, basé depuis 1974 sur la gratuité des soins pour tous les citoyens dans les structures publiques, a montré ses limites. La réforme du système de santé est nécessaire, voire urgente, mais elle ne doit pas se faire au détriment des plus démunis et devra prendre en charge les aspirations du citoyen. Le système de santé en vigueur vit une impasse, marquée par la mauvaise organisation, la mauvaise gestion des structures de la santé, des dilapidations du patrimoine et des deniers du secteur, la détérioration du pouvoir d'achat du personnel de la santé. Ces incohérences se répercutent indéniablement sur la bonne prise en charge du malade. Après 40 ans d'indépendance, la santé des Algériens est gérée d'une manière approximative et obsolète. Il ne se passe pas une année sans qu'un projet de réforme ne soit proposé, mais malheureusement sans que celui-ci ne puisse arriver à bon port. Des contraintes démographiques, politiques et économiques imposent aux pouvoirs publics des réformes. Cependant, les contradictions du système et le manque de courage politique poussent ces derniers à amorcer des réformes à contours flous et sans préavis. La réaction de rejet émanant des partenaires sociaux et des usagers est compréhensible. Ceci légitimise l'urgence d'un plan de refondation du système de santé en Algérie. Le plan de refondation du système de la santé se fixe pour objectif la mise en place d'un mécanisme qui permettra de mieux concevoir notre système de santé avec la participation de tous les acteurs de la santé, qu'ils soient professionnels ou usagers, en prenant en considération les contraintes politiques et socioéconomiques du pays. Il s'agit donc de jeter les fondements d'un système de santé fiable et répondant aux aspirations du citoyen à travers une période de transition. Cette transition, pour plus d'efficacité, ne doit en aucun cas dépasser les 18 mois. Elle sera elle-même divisée en deux périodes, l'une d'audit et de concertation d'une durée de 6 mois, l'autre de transition et de suivi des réformes d'une durée d'une année. Cette transition nécessite une définition stricte des missions et du fonctionnement des organes de transition. Cette transition sera amorcée par l'installation d'une commission nationale des réformes de la santé. Celle-ci sera présidée par une personnalité neutre désignée par le président de la République. À son tour, le président de la Cnrss choisira parmi les personnalités, les compétences, les partenaires sociaux et les associations d'usagers, les membres de la Cnrss. Cette procédure d'installation nous évitera à coup sûr les doubles commissions parallèles que la presse et les professionnels de la santé ne cessent de dénoncer. Une fois la Cnrss constituée, une conférence nationale sur la réforme du système de santé sera organisée. Elle aura pour but de canaliser les bonnes volontés, de dissiper les malentendus et d'asseoir une atmosphère sereine entre tous les intervenants. Cette conférence permettra de faire une première approche de la situation et des perceptions des uns et des autres du système de la santé. Elle permettra de recueillir les avis de tous les intervenants dans le secteur de la santé et, par là même, installer les commissions spécialisées des réformes. Les commissions spécialisées des réformes auront pour tâche de penser les réformes dans un domaine spécialisé. Ces commissions auront à faire l'audit du système de santé et de faire des propositions à remettre au président de la Cnrss dans un délai de 5 mois après son installation officielle. Ce dernier remettra les recommandations finales de la Cnrss au président de la République. Les commissions spécialisées seront au moins au nombre de six : • commission de la réforme de la politique de santé ; • commission de la réforme du système de financement de la santé ; • commission de la réforme du statut des établissements ; • commission de la réforme du statut des personnels de la santé ; • commission de la réforme de la politique du médicament ; • commission de la réforme des structures d'accompagnement. Une fois les recommandations remises au président de la République, un conseil de suivi de la transition sera installé. Il doit être composé de syndicalistes, des associations d'usagers et de cadres de l'administration. Ce conseil sera présidé par le ministre de la Santé. Ce conseil aura pour tâche de suivre sur le terrain l'application des recommandations de la Cnrss. Ce conseil représentera l'organe central de la concertation et du suivi de la transition et de la réforme. L'urgence de ce plan de refondation du système de santé est plus que jamais d'actualité. Les derniers évènements rapportés par la presse et le mécontentement de la société civile concernant l'opacité qui entoure ces réformes ne font que renforcer notre vision des réformes et de l'urgence de la refondation du système de santé. Depuis maintenant une décennie, les pouvoirs publics tentent d'adapter une stratégie de réformes touchant la santé, sans y parvenir. Le travail accompli depuis 1991 reflète l'hésitation et le manque de courage politique des décideurs à entamer des réformes si ce n'est faire du bricolage selon le vent qui souffle. N'ayant pas réalisé le rêve de faire passer les réformes en grappe en 2002, les pouvoirs publics tentent de les faire passer à doses modulables. La santé du citoyen, si elle n'a pas de prix, a au demeurant un coût. Ceci pose le problème du financement du système de la santé et des pourvoyeurs de fonds. Cette réforme ne pourra se faire sans ces derniers, sans les partenaires sociaux et sans les usagers, que les réformateurs (?) ignorent délibérément. Il est vrai que les réformes de la santé sont inévitables, voire vitales, mais ceci ne justifie en aucun cas l'opacité et le huis clos qui entourent ces réformes. La commission nationale des réformes de la santé, les regroupements régionaux en cours, tenus en l'absence des partenaires sociaux, ne sont que des alibis et une manière de noyer les réformes dans un déluge de propositions dont la finalité est une réforme ficelée au préalable. T. B. (*) Syndicaliste