Une question de temps et de grands moyens pour se conformer. Nos maîtres d'oeuvre, en l'occurrence les chefs d'entreprise, se doivent aussi de donner à César ce qui appartient à César. Cela pour dire qu'il est temps d'appréhender à leur juste valeur nos jeunes diplômés, qui, eux seuls, seront en mesure de digérer le savoir-faire technique et scientifique et par la suite diriger les entreprises dans la voie des nouvelles réglementations pour la mise à niveau de nos installations industrielles. Les déboires de nos entreprises face aux nouvelles exigences liées aux aspects environnementaux, à la sécurité industrielle et la performance de nos produits sont certes, pour une grande partie, une affaire de grands moyens, mais le facteur humain y est pour beaucoup aussi. Les industriels des pays du sud de la Méditerranée vont devoir, à défaut d'une certification de leurs produits, s'inscrire dans une nouvelle perspective économique et environnementale caractérisée par une rude concurrence dans le Bassin méditerranéen. La certification, dans le cadre des nouvelles normes internationales en vigueur, des entreprises constitue un passage inévitable. Le cas échéant, c'est la faillite au bout du tunnel qui menace l'infrastructure industrielle. D'ici à 2010, la Méditerranée deviendra une zone de libre-échange, ce qui a pour effet d'intensifier les échanges Nord-Sud. Une conjoncture économique qui sera caractérisée par une croissance exponentielle de l'activité industrielle de part et d'autre des deux rives de la grande bleue. Les retombées socio-économiques et environnementales sont majeures. La poursuite des objectifs concurrentiels de nos entreprises ne sera possible que dans le cadre du respect de l'environnement, des exigences de qualité, de l'hygiène et de la sécurité industrielle. Cette dernière se doit d'être repensée dans une politique de lutte plus globale et cohérente sur le long terme. Le handicap de la communication L'Algérie, à l'image des pays du Sud, affiche un déficit flagrant en matière de politique industrielle s'inscrivant dans l'esprit des nouvelles exigences découlant de cette nouvelle conjoncture. L'absence de communication, d'informations dans ce domaine et des structures de bases pour répondre à ces nouvelles tendances explique le retard que connaît le pays par rapport à nos voisins marocains et tunisiens dans cette nouvelle optique. Dans un monde en perpétuelle quête de performance, de qualité et de bien-être, l'entreprise algérienne, si elle ne veut pas rester à la traîne, se doit de consentir les efforts nécessaires qui soient à la mesure des enjeux à venir. Le principe d'ecoresponsabilité, ou d'entreprise responsable, lancé en Europe voilà déjà quelques décennies, n'est pas un choix optionnel. C'est une exigence réglementaire émanant de la pression de l'opinion publique locale et internationale. Quelques industriels, à court d'horizon, n'envisagent dans leur politique économique que les aspects lucratifs, ce qui serait immanquablement compromettant dans les tout prochaines années et pour leurs marchandises non certifiées dans les normes des exigences de la qualité requise (proscription ou dévaluation en chute libre), ainsi les retombées sociaux-environnementales seront des plus préjudiciables. Il est vrai que les pays du Sud manquent énormément de moyens techniques scientifiques, financiers et humains pour suivre la même cadence adoptée par les Européens dans cette nouvelle voie de la certification, mais une réflexion, et de la pratique surtout, dans le cadre des nouvelles exigences liées à la mise à niveau de nos entreprises, doit commencer déjà et préparer les champs de la pratique. La problématique des émissions gazeuses est planétaire. Une réflexion des plus prometteuses prévoit pour les pays les plus industrialisés (la France) la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Aucune entreprise algérienne, en l'état actuel des choses, n'est en mesure de séquestrer une infime partie de son CO2. En effet les procédés conventionnels de captage du CO2 coûtent entre 50 et 60 euros par tonne de CO2 évité et ce n'est qu'en 2006 qu'un projet pilote, entamé au Danemark, a permis de réduire par deux le coût de captage de ce gaz. C'est dire à quel point une telle technologie, encore à l'échelle de l'essai, est coûteuse et inaccessible. Mais quand bien même cela supposerait des moyens. Aussi, l'entreprise algérienne se doit d'ouvrir des brèches lui permettant d'être sur le starting-block pour pousser à pleins gaz le processus de mise à niveau de ses activités industrielles, une fois la conjoncture favorable. S'agissant de la problématique posée par le rejet des effluents liquides, l'entrepôt des déchets solides, le gaspillage de la matière première, de l'énergie, des ressources naturelles et de l'irrationalité de la gestion du temps des gens et des événement, est-ce là un problème de gros sous qui se pose pour l'entreprise!? Si la question des grands moyens se pose crûment, le comportement des agents sociaux et économiques et de ceux donnant assise aux efforts consentis ne tient qu'à l'initiative, de la bonne volonté et aux qualités intrinsèques de tout un chacun. Le critère de qualité Depuis les années 70, les installations industrielles en Europe sont dotées d'outils d'analyses, de méthodologies de constitution de bases de données (ô combien utiles dans la prise des décisions) ayant trait aux questions d'hygiène, d'environnement de l'entreprise et de la sécurité industrielle... Des postes d'ingénieurs en sécurité, des délégués à l'environnement trouvent ainsi leur place dans la toile du tissu industriel de la communauté européenne. Le jeune diplômé algérien, quant à lui, ne se reconnaît parfois même pas dans la nomenclature nationale pour une éventuelle délivrance d'équivalence. Ce problème, à titre d'exemple, s'est notoirement posé pour les premières promotions en environnement, maîtrise et économie de l'eau, issues de l'Institut national pour la formation professionnelle en technologie de l'agroalimentaire (SEK Blida). Pour rappel, l'établissement de la formation professionnelle pour les niveaux techniciens supérieurs se trouve au coeur de la zone industrielle, donnant aux propriétaires des PME d'être en contact avec les stagiaires en phase de projet de fin d'étude. Paradoxalement, aucune opportunité, ou du moins actions significatives (atteignant un seuil d'intégration plus au moins à la mesure des efforts consentis) n'ont été saisies en conséquence par rapport à cette proximité. Pourtant les entreprises ne se découvrent pas responsables au vue des nouvelles législations par fait de charité, elles y sont contraintes. Un délégué en hygiène, sécurité et environnement (HSE) formé à quelques pas de son entreprise est une opportunité, certes à saisir, et de surcroît répond aux besoins pressants exigés dans le cadre de la nouvelle réglementation en vigueur! La certification passe inéluctablement par le respect des critères de qualité. La qualité n'est que le résultat d'un savoir-faire et d'un savoir être des hommes. Cet acteur principal de l'entreprise, qu'est l'homme cadre (le jeune diplômé) dépositaire de ces acquis, a droit de considération et dans les normes de l'art. Les enjeux sont majeurs et il y va de l'intérêt même de l'entreprise et par voie de conséquence du devenir de la société toute entière. Depuis plusieurs années, l'Algérie est membre du réseau Delta (developing environmental leadership towards action), initié par l'organisation non gouvernementale Suisse SBA (Sustainable Business Associates), pour le compte de 11 pays du sud de la Méditerranée. Les actions entreprises dans ce cadre (réseau Delta) permettent aux entreprises de toutes tailles, d'évaluer leur situation managériale vis-à-vis de l'environnement physique et humain dans l'entreprise ainsi que dans l'environnement attenant à l'activité industrielle. Un engagement de taille à sommer le bon entendeur à se mettre, au plus vite, au diapason des nouvelles donnes régionales et internationales. D'autant plus que la diversité des manoeuvres dans le secteur de l'industrie, l'aggravation des problèmes écologiques, de même que les débats publics à l'échelle planétaire montrent le besoin pressant d'intégration des systèmes de management environnementaux (SME) dans les entreprises et une réelle révision des anciens procédés de gestion (faillibilité, gaspillage...). Par ailleurs, et selon Didier Gaston, directeur adjoint risques accidentels (France) et collaborateur de la célèbre revue des Techniques de l'ingénieur, en termes d'accidents liés au secteur industriel, tout porte à croire que la tendance, relativement à la hausse, observée ces 20 dernières années, va se poursuivre. Il est d'usage de penser que le déphasage entre le Sud et le Nord constitue le résultat exclusif des siècles de labeur. L'appréhension est tout à fait légitime, mais à elle seule l'approche est quand même réductrice de la réalité et de l'ordre des choses. Jusqu'à preuve du contraire, avant toute prospérité, il y avait en premier lieu l'effort de l'homme. L'Algérie, en optant pour les critères de la qualité, a déjà entamé le processus de la mise à niveau de ses entreprises. Celles-ci ne relèveront jamais le défi, si dans les politiques de développement à venir, le facteur «homme» n'occuperait pas la place et la dimension qui lui reviennent de fait.