L'image la plus répandue de la corruption dans le tiers-monde est celle d'une bureaucratie à la recherche de pots-de-vin pour permettre à des individus, sans pouvoir et sans défense, d'obtenir ce qu'ils devraient obtenir normalement sans interventions en l'absence de cette bureaucratie. C'est une petite corruption qui s'appuie sur l'application des lois, l'argent va vers les bureaucrates et les petits fonctionnaires. De quoi se nourrit la petite corruption ? Les sources de petite corruption les plus répandues sont : (I) Les restrictions sur le commerce extérieur : lorsque l'importation de certains biens et services est soumise à un contrôle quantitatif, les autorisations d'importations prennent de la valeur et les importateurs trouvent là, une occasion d'offrir des pots-de-vin aux fonctionnaires responsables de la délivrance de ces autorisations. D'une manière générale, la protection tarifaire crée une situation favorable au lobbying et à la corruption. De ce point de vue, l'ouverture économique pourrait être associée à moins de corruption. Mais lorsque cette ouverture se situe en période de double transition vers l'économie de marché sur le plan économique et vers la démocratie sur le plan politique, il y a le danger de l'autre forme de corruption : “L'accaparement de l'Etat.” Parce que pendant ces transitions, les rapports de force et les institutions sont encore en formation et par conséquent instables. (II) Le contrôle des prix, les subventions, les taux de change multiples, le taux de change parallèle et le système d'allocation discrétionnaire des devises sont d'autres facteurs de propagation de la corruption. (III) Les niveaux bas des salaires dans la Fonction publique jouent en faveur de la corruption. (IV) La nature de la dotation en ressources naturelles (hydrocarbures par exemple) peut créer une situation favorable à la corruption dans la redistribution de la rente. (V) Certains facteurs sociologiques : divisions dans la société pour des raisons culturelles, ethniques, tribales, corporatistes etc., poussent vers la corruption. De même que le clientélisme et la cooptation. La stratégie de lutte contre la corruption commence par une analyse approfondie des systèmes législatif et judiciaire du pays considéré. Il y a deux aspects complémentaires qu'il faut prendre en considération : (I) Un ensemble de règles et de normes de bonne conduite, en amont, qui militent vers une société libérée du drame de la corruption. Il s'agit de codes de bonne conduite, de manifestes et de déclarations qui préviennent contre les abus de la corruption. C'est l'approche préventive. “Il vaut mieux prévenir que guérir”. (II) Certes, la prévention est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante, d'où le besoin d'une approche curative qui se manifeste par des lois spécifiques de lutte contre la corruption. Ici, l'objectif est d'apporter des remèdes appropriés aux fauteurs par des sanctions criminelles et pénales, des règles de procédures claires, des mécanismes institutionnels qui combattent les actes de corruption qui ont eu lieu. Les gouvernements doivent initier des processus politiques qui culminent avec des programmes anticorruption, à savoir : les réformes du système de régulation, de la Fonction publique et des administrations, des finances publiques, du système judiciaire. Un effort doit être fourni pour promouvoir la participation de la société civile dans ce processus de lutte contre la corruption. Comment évaluer l'engagement politique dans la lutte contre la corruption ? La tentation naturelle d'un leader politique est de lancer un programme par un appel aux démissions des cadres supérieurs qui gèrent les organisations où il y a le plus de corruption. Mais dans beaucoup de pays, celle-ci est tellement répandue et systématique qu'elle ne peut être traitée en individualisant le problème, uniquement. En dernier ressort, les efforts de lutte contre la corruption doivent mettre l'accent sur les réformes des institutions et les politiques publiques, avec un engagement et un leadership explicite du premier responsable de l'Etat. Le défi est d'implanter et de mettre en œuvre des réformes crédibles dans chaque secteur. Il faut bien noter que l'engagement politique est, nulle part, plus important et nécessaire que dans la mise en œuvre des réformes de lutte contre la corruption. Plus que dans toute autre réforme du secteur public, la lutte contre la corruption menace les coalitions politiques et gouvernementales, de même que la survie politique des chefs les plus déterminés. Il y a deux méthodes pour évaluer l'engagement politique. La première consiste à identifier les décideurs-clés, leurs soutiens et alliés, ainsi que les pertes potentielles qu'ils peuvent encourir au double plan politique et financier. La deuxième approche met l'accent sur les évènements, tels que les déclarations d'opposition à la corruption ou le limogeage des ministres corrompus qui peuvent donner un signal fort quant à l'engagement dans la lutte contre la corruption. Quelle méthode de mise en œuvre? Une fois la nature des réformes connue, il faut identifier les décideurs qui ont l'autorité de les proposer et de les approuver. Il n'y a pas de gouvernement totalement unifié sur de telles questions. Les acteurs principaux dans un programme de réforme sont ceux des agences gouvernementales, du pouvoir législatif, des ministères et de la Fonction publique. Les agents de ces institutions ont souvent des intérêts conflictuels et en compétition. Il faut bien cerner ces intérêts conflictuels. Le premier risque que la réforme anticorruption créée pour les décideurs est la possibilité de miner leur position politique. Il ne faut pas se faire d'illusion : les décideurs qui profitent de leurs positions vont s'opposer aux réformes. Les informations anecdotiques sont usuellement abondantes et utiles. On les trouve chez les responsables politiques, les fonctionnaires, les acteurs du secteur privé et les journalistes. Elles peuvent fournir des indications utiles pour concevoir et mettre en œuvre des programmes. Comme il est facile de le constater, ni le pouvoir exécutif, ni le pouvoir législatif, tels qu'ils sont configurés aujourd'hui en Algérie, ne peuvent recueillir la crédibilité pour mener avec succès un programme anticorruption. Les scandales de comportements de responsables importants rapportés presque quotidiennement par la presse l'attestent. Si l'argent n'a pas d'odeur, la société algérienne dans son ensemble a perdu sa faculté d'odorat bien avant l'aisance financière. A jeudi prochain pour la suite de la réponse à notre question, entre-temps, travaillons tous et toutes à élargir la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.