«La corruption, ce peu d´aptitude à goûter les avantages de la liberté, a nécessairement sa source dans une extrême inégalité.» (Machiavel). La corruption est une pratique illicite, visant à obtenir d´un personnage possédant un pouvoir un avantage moyennant un autre avantage, ou une somme d´argent. Selon une estimation de la Banque mondiale, en 2001-2002 mille milliards de dinars auraient été détournés en pots-de- vin. selon le FMI, les sommes en jeu pourraient représenter entre 2 et 5% du PIB mondial, dépassant les activités des plus grandes entreprises légalement établies. Ce montant représente environ 3% des échanges de la planète pour cette même période. L´OCDE estime que quelque 80 milliards de dollars changent de main chaque année dans le monde du fait de la corruption. L´ONG Transparency International a publié le 25 mars 2004 une liste des dix chefs d´Etat les plus corrompus. Le général Suharto aurait par exemple détourné entre 15 et 35 milliards de dollars, Ferdinand Marcos entre 5 et 10 et Mobutu Sese Seko environ 5 milliards lorsqu´il dirigeait le Zaïre. Exemple parmi d´autres, des fonctionnaires des Nations unies sont impliqués dans le programme « Pétrole contre nourriture ». On y trouve toutes les méthodes de corruption, le recrutement contre les contrats, même le secrétaire général a dû se justifier devant la commission Volker. (1). De nos jours, la corruption est un sujet qui est ouvertement évoqué dans la plupart des pays, et rares sont ceux qui prétendent ne pas en souffrir. Cependant, la définition la plus largement utilisée, à savoir «l'abus de pouvoirs conféré par une fonction publique à des fins d'enrichissement personnel», peut paraître simplificatrice. Au début des années 1990, de multiples initiatives ont été prises dans le but de lutter contre la corruption, au niveau national et régional aussi bien qu'international. Elles ont donné lieu à une coopération exceptionnellement intense au niveau mondial qui a débouché sur l'élaboration d'une panoplie d'instruments internationaux comme la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales ou la Convention pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption. (2). Phénomène mondial La raison pour laquelle la communauté internationale s'est mobilisée pour lutter contre la corruption est simple: celle-ci ne respecte aucune frontière, n'admet aucune distinction économique et s'introduit dans toutes les formes de gouvernement. Elle sape la confiance dans les institutions politiques et incite à mépriser les règles du droit ; elle fausse l'affectation des ressources et nuit à la concurrence sur les marchés; et elle a des effets néfastes sur l'investissement, la croissance et le développement. En outre, la corruption a un coût extrêmement élevé pour les classes les plus pauvres de la population dans la mesure où elle leur interdit l'accès aux services de base essentiels. Une multitude de facteurs peuvent influer la corruption. La corruption se présente sous de nombreuses formes. Corruption active, extorsion, fraude, trafic, détournement -- mais aussi népotisme et connivence -- en font partie. Les actes les plus directs n'impliquent pas toujours le versement de fonds ; d'autres «cadeaux» ou avantages, ont été utilisés comme «pots- de-vin » pour conclure des affaires. Quelle que soit sa forme, la corruption implique toujours un échange ; elle suppose qu'il y ait, d'une part, une offre (le corrupteur) et, de l'autre, une demande (le bénéficiaire). C'est la raison pour laquelle il faut mettre au point des mesures visant les deux termes de cette relation. Par ailleurs, la corruption peut exister dans de nombreux secteurs de l'économie. Un cas souvent cité, et moralement répréhensible, est celui des agents publics qui abusent de la confiance du public en se laissant corrompre par des entreprises privées. Ainsi, le scandale récemment soulevé par une affaire de corruption entre des représentants de gouvernements et des responsables du Comité international olympique pour influer sur le choix de la ville qui devait accueillir les Jeux olympiques nous rappelle que les règles valent également entre représentants des autorités et ceux d'organisations non gouvernementales. Il y a aussi différents degrés de corruption. Certains observateurs établissent une distinction entre la «petite» corruption et la «grande» corruption. La première concerne généralement le versement de sommes peu élevées à des agents publics de rang inférieur, dans le but de «faciliter les choses» ou de contourner certains obstacles bureaucratiques. A plus grande échelle, les cas des grandes entreprises multinationales versant des milliers, voire des millions de dollars à des responsables gouvernementaux ou des hommes politiques pour obtenir des contrats commerciaux lucratifs. Lorsque la corruption atteint les institutions politiques et économiques d'un pays, ce n'est plus un petit groupe d'individus malhonnêtes qui est en cause, mais une corruption institutionnelle ou systémique. Ce phénomène se développe particulièrement lorsque les institutions sont en position de faiblesse ou inexistantes. Il est étroitement lié à une mauvaise gestion des affaires publiques. La corruption systémique est particulièrement répandue en l'absence de moyens de contrôle législatifs adéquats, ou eux-mêmes sujets à caution, d'instances judiciaires ou d'instances de contrôle autonomes, de moyens d'information professionnels et de représentants de la société civile indépendants. Face à cette forme de corruption, des réformes visant à assurer plus de transparence et de responsabilité dans les institutions publiques et les activités des administrations doivent être mises en oeuvre sans retard. Pour cela les institutions ne peuvent pas à être juge et partie. Comment en effet demander de veiller à la transparence des opérations quant eux-mêmes ne veulent pas se soumettre à la transparence en déclarant leur patrimoine à l'entrée et à la sortie de leur mandat? Cela nous rappelle à titre de contre-exemple, le cas du président iranien qui a fait sa déclaration de patrimoine en déclarant une voiture de vingt ans d'âge - C'était un enseignant... Transparency International (TI) l'Organisation mondiale de lutte contre la corruption a publié le 26 octobre 1999 un nouvel Indice de corruption des pays exportateurs (ICPE) qui présente une liste des 19 principaux pays exportateurs en fonction du degré selon lequel leurs sociétés sont perçues comme versant des pots-de-vin à l'étranger. Cet indice permet de classer les grands pays exportateurs en fonction du niveau de perception du degré de corruption de leurs entreprises. Sur une échelle de 0 à 10 - 10 représentant une corruption négligeable et 0 un niveau très élevé -, la Chine (y compris Hong Kong) est la moins bien classée, avec un score de 3,1. Elle est suivie par la Corée du Sud, Taïwan, l´Italie et la Malaisie. Le Japon, la France et l´Espagne leur emboîtent le pas, suivis par Singapour, les Etats-Unis, l´Allemagne et la Belgique. Le Royaume-Uni est plutôt bien placé, avec un score de 7,2, et les Pays-Bas, la Suisse et l´Autriche font mieux avec un indice proche de 8. La corruption est apparemment un phénomène vieux comme le monde; elle remonte au moins au moment où une société organisée a pour la première fois créé des institutions publiques pour se préserver et se développer. en parlait déjà longuement en son temps. La corruption - que l´on pourrait définir aussi, comme étant «l´utilisation et l´abus du pouvoir public à des fins privées» - doit enfin être reconnue pour ce qu´elle est : un cancer qui ronge le corps social (3). «La corruption, la «politique du ventre» pour reprendre une expression d´origine camerounaise est une pratique généralisée et répartie sur toutes les surfaces du globe. Qu´elle prenne pour nom pot-de-vin, la tchipa, dessous-de-table, escroquerie, détournement de fonds, ou encore narcotrafic. Qu´elle soit active ou passive. Qu´elle soit seulement électorale. juteuse affaire contractée contre promesse de commission ou fortune colossale détournée via société écran sa nature se veut multiple. Etats présumés corrompus de l´intérieur, hommes forts mêlant habilement enrichissement personnel et gestion publique ou malversation à la petite semaine banalisée, presque érigée en moeurs locales... Mais quelle qu´elle soit, et outre d´être contraire à la morale, la corruption est néfaste pour un pays. Et certainement pour un pays en développement.». (4). «La situation actuelle au regard de la corruption pose deux questions en particulier. Premièrement, utiliser une fonction publique à des fins privées signifie-t-elle toujours qu´il y a corruption? [...] tel est le cas, car si les gouvernants ne gouvernent pas exclusivement dans l´intérêt du bien public, la confiance des citoyens dans ses gouvernants, et dans la démocratie elle-même, en pâtira. Deuxièmement, la corruption peut-elle être «fonctionnelle» en ce sens qu´elle favoriserait le développement? [... Non] car le développement économique dépend de manière cruciale d´un contrat social de confiance entre les divers acteurs économiques, y compris le grand public. Dans une société libre de toute corruption, les citoyens peuvent s´occuper de leurs intérêts en sachant qu´ils contribuent à l´enrichissement de tous. En revanche, lorsqu´une telle confiance n´existe pas, chacun devient méfiant. L´avidité et l´égoïsme remplacent les efforts légitimes de chacun en vue d´améliorer sa situation. (5). «Sous la pression de la mondialisation, les diverses définitions de la corruption devront s´harmoniser, tout comme les sanctions prévues pour leurs différentes expressions concrètes. De manière générale, [...] la corruption semble prospérer lorsque les institutions étatiques sont faibles, lorsqu´il existe des échappatoires dans les politiques gouvernementales ou les régimes de réglementation qui le lui permettent, et lorsque les institutions qui servent de garde-fous - le Parlement, le pouvoir judiciaire ou la société civile, notamment la presse - sont marginalisées ou elles-mêmes touchées par la corruption. La corruption ne peut être mise en échec que si les libertés civiles sont fermement garanties (notamment la liberté de la presse et le droit d´association, qui permettent au grand public d´être informé). On peut dire que la corruption est inversement corrélée au degré de libertés civiles dans un pays. En d´autres termes, plus la société civile est bien développée, plus les gens seront nombreux à pouvoir faire entendre leur voix et influer sur le gouvernement, moins il y aura de place pour la corruption. (5).(6). La Convention pénale sur la corruption a été adoptée par le Comité des ministres européens en novembre 1998 et ouverte à la signature en janvier 1999. Elle a pour objectif de pénaliser (qualifier en délit), de manière coordonnée, tout un ensemble de pratiques corrompues, afin de faciliter les poursuites à l´encontre de quiconque propose ou accepte des pots-de-vin ou d´accélérer les procédures. La Convention érige en délit toute offre, promesse ou versement de pots-de-vin à un agent public étranger en vue d´obtenir ou de conserver des contrats commerciaux internationaux. Bien que personne ne soit à l'abri de la corruption passive ou active, les représentants censés être une boussole pour la société refusent de rendre compte. A. Merad résume assez bien le refus de l'article 7 qui concerne la déclaration de patrimoine, aussi bien des députés que des sénateurs. Il écrit: «..Peut-on mener la lutte contre la corruption en se passant de l'impérative obligation de la transparence? Nos parlementaires, en se montrant dans leur grande majorité hostiles à la déclaration du patrimoine, ont apporté une réponse à leur manière à cette question qui revient à chaque fois sur le tapis, mais sans résultat.. Ils ont surtout démontré qu'entre l'intention et le passage à l'acte, il existe une sorte de limite rouge dans notre système de gouvernance que les dirigeants politiques n'ont ni la volonté ni le courage de franchir pour être en concordance avec leurs propres engagements. Servir ou se servir? Si fortune il y a, car c'est la clé du mystère, il faut la rendre publique quand elle est honnêtement et normalement acquise. ... On se rappelle d'ailleurs fort bien les critiques acerbes qui avaient suivi, à l'époque, l'annonce des salaires et rémunérations des députés jugés par les Algériens trop excessifs, voire démesurés. Un tollé de dénonciations avait été dirigé pour leur signifier qu'ils étaient là pour servir le peuple et non pour se servir.... On ne sait pas si en refusant de faire étalage des biens appartenant aux députés et aux sénateurs, elles prennent conscience qu'elles sont en train de défendre et renforcer ce système rentier qui transcende toutes les motivations politiques. L'Algérie est peut-être le seul pays au monde où des Assemblées élues n'ont aucune influence sur l'évolution des affaires de l'Etat, sinon celle de dire oui à tout ce qu'on lui propose». (7). Peut-on demander en définitive, en toute logique aux élus -ce terme à une assonance biblique- de veiller à ce qu'il n'y ait pas de corruption quand eux mêmes ne se sentent pas concernés. Il est dommage que cet article 7 soit écarté, des suspicions légitimes ne sont pas à écarter. On sait le drame vécu par les enseignants à titre d'exemple, après un parcours du combattant de 30 ans ou plus, le professeur d'université se retrouve avec un salaire 4 fois moins important qu'un élu. Pourquoi? Sous d'autres cieux le député ou le sénateur n'a pas de traitement spécifique, il garde celui de son corps d'origine, il a droit à une indemnité de représentation en terme de secrétariat, de prise en charge durant les sessions. Chez nous, une mandature de 5 ans, et c'est la sécurité à vie. Ce n'est pas moral. Il ne faut pas s'étonner des conséquences : la démonétisation de l'enseignant, la malvie de l'université et le manque de confiance dans les institutions. Ceci fragilise encore plus cette Algérie qui ne veut pas toujours se mettre au travail et mettre à l'honneur la seule légitimité qui lui permettrait de s'en sortir: la formation des hommes et la considération à la science, la culture. Il nous faut choisir entre le népotisme, le clanisme et l'intelligence, les trajectoires fulgurantes bâties sur du vent et l'effort et la sueur. Toute la problématique est là. 1. C.E. Chitour. Pétrole sans nourriture : La responsabilité de l'ONU. Journal l'Expression. 20 août 2005. 2. http: //www. observateurocde. org/news/fullstory.php/aid/142/ Qu´est-ce que la corruption? htm 3. Assemblée parlementaire du Conseil de l´Europe. Doc. 8652, 18 février 2000. 4. http//europa.eu.int/com.development/ body publications. Le Courrier ACP-UE, 177, oct.nov. 1999. 5. Doc. 8652, 18 février 2000. 6. Pierre Abramovici, Le Monde diplomatique, novembre 2000. 7. Opacité: Journal El Watan