Kaka est beau, fort et doué, et il a déjà tout gagné avec le Brésil et l'AC Milan, il ne manquait donc plus au milieu brésilien que le Ballon d'or, lequel lui est logiquement revenu hier au terme d'une année 2007 où, à 25 ans, il a atteint la plénitude. Le Brésil est un pays qui regorge de ressources naturelles, et s'il est un filon qui n'est pas en voie d'épuisement, c'est celui des artistes balle au pied. Ricardo Izecson dos Santos Leite dit Kaka n'en est que l'énième pépite, subtil alliage d'aisance technique, de vista et d'efficacité. Mais une pépite qui brille plus que les autres. Pour cause : elle est sans aspérités. Là où ses talentueux compatriotes alimentent souvent la chronique hors des terrains — Romario se bagarre, Ronaldo défie la diététique, Ronaldinho sort —, Kaka affiche un mode et une hygiène de vie diamétralement opposés. Toujours souriant et impeccablement vêtu — il n'est pas mannequin pour le couturier Armani par hasard —, bon camarade, disponible pour la presse (à défaut d'être toujours passionnant) et les tifosi, bon mari et croyant fidèle, avec sa “gueule d'ange”, il est l'incarnation du gendre idéal. Alors que nombre de joueurs de son âge se repaissent non sans outrances des facilités que leur offre leur statut, lui, au contraire, verse quasiment dans le quiétisme. En juin, il confiait ainsi au magazine Vanity Fair n'être “jamais allé en discothèque à Milan”, mais, surtout, qu'il était “de confession évangélique” et qu'il cherchait “à vivre selon les préceptes de la Bible”. En pratique, avec son épouse Caroline, ils avaient notamment fait le choix de la chasteté avant le mariage. Fiancés en 2002, ils se sont mariés en décembre 2005. Sur le terrain, sa foi aussi s'affiche en grand : le 23 mai, alors que son équipe venait tout juste de remporter la C1, plutôt que de prendre part à la joyeuse mêlée de ses coéquipiers, il est longuement resté à genoux, les bras ouverts en direction du ciel pour prier, arborant un tee-shirt sur lequel était écrit en anglais “I belong to Jesus” (“j'appartiens à Jésus”). Plus tard, le natif de Brasilia, qui fut élevé dans un milieu privilégié (père ingénieur, mère enseignante), dit même envisager de devenir pasteur. Mais si Kaka s'est immédiatement imposé à Milan, où il est arrivé en 2003 après deux saisons à Sao Paolo — avec, entre-temps, un titre de champion du monde remporté avec la Seleçao (2002) sans beaucoup jouer —, ce n'est pas parce qu'il lève les yeux au ciel mais bien parce que ses pieds reposent sur terre. Techniquement, il est extrêmement complet, et s'exprime avec une simplicité, une agilité et une précision désarmantes. Physiquement, c'est à l'avenant, en témoignent les accélérations phénoménales dont il est coutumier. Solide et endurant, il est de surcroît épargné par les blessures. Concrètement, en plus d'être un expert de la passe décisive, il marque des buts qui comptent. Au printemps, il n'avait jamais été aussi éblouissant. Son doublé contre Manchester United en demi-finale aller de Ligue des champions à Old Trafford a fortement marqué les esprits, quelques semaines avant qu'il ne remporte l'épreuve avec, en sus, le titre de meilleur buteur (10 buts). À seulement 25 ans, Kaka a encore de nombreuses années à jouer et d'autres Ballons d'or à enlever. Le Real Madrid le sait et ne cesse de lui faire les yeux doux. Mais l'AC Milan de Silvio Berlusconi ne le laissera partir pour rien au monde, quitte à faire de lui le joueur le mieux payé de la planète : la presse italienne évoque le chiffre de 9 millions d'euros nets par an !