Une moyenne de 40 suicides est enregistrée annuellement dans la wilaya de Béjaïa. Beaucoup ou peu, c'est selon, mais indéniablement, le désespoir s'installe. Si la fatalité n'épargne aucune couche sociale, les jeunes, visiblement, sont ceux qui en souffrent le plus. Chaque semaine qui passe apporte, en effet, son lot de tragédies et de drames sans pour autant suggérer la moindre explication. Désespoir, détresse, failles, faiblesses, chacun y va de son diagnostic. Mais peu renseignent sur ce phénomène qui, il y a encore quelques années, demeurait presque inconnu. Aucune étude sociologique n'est ébauchée afin de mettre en relief les états d'âme des populations de la région. Les raisons de leur malheur ou de leur désenchantement sont vécues comme autant de sujets de chaumière mais rarement comme thèmes d'analyse susceptibles de renseigner sur la fréquence des suicides. En 1999, il y a eu 44 cas, en 2000, 55, en 2001, 44 et l'année actuelle, avant d'arriver à terme, on en a enregistré 37. Depuis 1995, ce sont pas moins de 325 personnes qui ont mis fin à leurs jours. Jeunes filles éperdues, fonctionnaires désenchantés, ouvriers mécontents ou retraités désespérés, le spectacle qui s'offre est celui d'une collectivité désemparée. Il n'est pas fortuit, en effet, de rencontrer des jeunes, à l'apparence “normale” pour qui “la vie ne vaut pas la peine d'être vécue”. Enoncé à la légère, le message est néanmoins “porteur de soucis accablants, d'un accès de tristesse, d'un doute de la vie”, affirme R. Fatima, sociologue à l'université Abderrahmane-Mira, qui souligne que “les jeunes sont plus exigeants dans l'appréciation de leur état”. En vérité, selon les spécialistes, réunis, hier, à Béjaïa, les facteurs de suicide sont multiples, mais d'aucuns ont souligné le désarroi lié au déterminant culturel. La destruction de la cellule familiale traditionnelle et le système de solidarité y afférent y sont pour beaucoup. Le Dr Timizar, psychiatre de son état, a mis l'accent sur la perte de repères, notamment l'abandon des valeurs ancestrales et le cheminement vers une société plus individualiste et plus matérialiste. Son confrère du CHU de Brest, qui a abondé dans ce sens, n'a pas manqué de mettre en relief l'aspect identitaire qui, selon ses propos, peut provoquer de véritables traumatismes. Sans parler spécialement de la région de Kabylie, elle a souligné les dégâts causés en Bretagne par le déni opposé par la loi française aux particularismes locaux (langue, religion, organisation sociale, etc.). “Il y a des troubles d'identification”, a-t-elle souligné. À l'évidence, ce ne sont là que des éléments d'approche et d'appréhension du phénomène. Pour mieux le circonscrire, des responsables de la direction de la santé ont décidé de mieux le prendre en main, en ouvrant, désormais, des états de situation dans chaque secteur sanitaire. Des fiches techniques seront établies sur chaque suicide ou candidat au suicide, relayées par des enquêtes épidémiologiques en milieu scolaire. Des unités de soin, signale-t-on, seront mises sur pied afin de prévenir tôt les troubles psychiques, voire psychiatriques des enfants. Car pour l'heure, en dépit des traumatismes subis (terrorisme, évènements de Kabylie, etc.), le tâtonnement est de rigueur. L. D. Incidents de Rouiba Il n'y aurait pas eu de victime • À la suite de la publication de notre dossier intitulé Ce foot qui tue (voir Liberté du 22 octobre), où nous faisions état de deux victimes dans le saccage du train Rouiba-Alger, nous avons reçu un démenti de la Direction générale de la sûreté nationale. Jusqu'à l'heure actuelle, aucun élément nouveau ne nous permet de récuser nos sources auprès de la direction de la SNTF et des cheminots.