Avoir 21 ans et offrir sa vie au nationalisme, à l'amour de la patrie et à la liberté est un fait qui mérite bien que l'on s'y arrête pour en parler, car Zeboudji Mohamed est un chahid qui demeure méconnu par la population de Bordj Menaïel, la ville qui l'a vu naître durant l'année 1938. C'était un brillant élève à l'école, très aimé par ses camarades, mais, selon le témoignage de son frère Ali Zeboudji, ancien footballeur de la JS Bordj Menaïel, son frère avait quitté les bancs de la classe à cause de son instituteur de mathématiques, un certain M. Blatte, qui lui reprochait de n'avoir pas acheté un livre de calculs qui coûtait à l'époque 250 francs que son père Zeboudji Said, plus connu par Rabah, employé communal, n'avait pas les moyens ni la possibilité de lui procurer. Zeboudji Mohamed fut exclu de l'école. Il n'a jamais supporté cet état de fait et l'injustice auxquels il était confronté pour la simple et bonne raison qu'il désirait s'instruire. Se faire renvoyer définitivement de l'école à cause d'un minable manque d'un livre de mathématiques et de la sévérité haineuse d'un enseignant colon (M. Blatte) très réputé pour ses positions racistes à l'égard des Algériens. La psychologie universelle propose que cet état de fait relevait d'un sens et d'une conscience élevés qui prennent racine dans le milieu familial d'abord et leur prolongement ensuite dans celui de l'environnement social immédiat dans lequel l'individu se meut, vit et grandit. C'est le cas du jeune Zeboudji Mohamed, né en 1938 à Bordj Menaïel, qui n'a jamais digéré son éviction prématurée de l'école, lui qui désirait tellement s'instruire. C'est pour cela qu'il devint un dur rebelle à tout contact des colons jusqu'au point de déclencher des bagarres avec les Grazzani qui à chaque fois lui menaient la vie dure. Zeboudji répondait du tac au tac, sans jamais baisser l'échine, mais ce qui l'avait marqué, c'était l'injustice et l'emprisonnement de son père qui, en allant se plaindre, fut incarcéré. Mohamed Zeboudji avait pour habitude d'acheter le journal pour le vieux Alem Ali, plus connu par Bouriche, qui lui faisait lire chaque jour. Il a été un exemple de nationalisme, de patriotisme et de militantisme pour la cause algérienne. Il a répondu favorablement à l'appel du devoir. Zeboudji Ali a tenu à nous donner d'utiles précisions sur la dernière nuit qu'il avait passée au domicile parental. Mohamed Zeboudji était stressé mais heureux de pouvoir monter au maquis. Je croyais qu'il avait peur, affirmait son frère Ali, mais ce ne fut pas le cas. Il avait une mission à effectuer et il se devait de l'accomplir afin de mériter la confiance du Front de libération nationale. Il avait à peine 18 ans lorsqu'en 1956, il rejoignit les maquis de la région de Bordj Menaïel, il avait pour chef le grand stratège Said Khoudi sous la direction de Krim Belkacem et du colonel Ouamrane. Il participa à plusieurs accrochages contre l'armée coloniale française au point de devenir un exemple de bravoure et de courage pour ses fidèles compagnons de lutte. Mourir à 21 ans, c'était quelque chose d'irréel, mais il savait ce qu'il faisait. Il est mort les armes à la main dans la grande bataille de Boukemoune (village situé entre Naciria et Bordj Menaïel) avec cinq de ses compagnons. Une bataille qui a mobilisé toutes les troupes de l'armée coloniale. Les pertes étaient énormes parmi les soldats français. Ils sont enterrés actuellement au cimetière de Lalla Aïcha. Ali Zeboudji a tenu à nous faire savoir que son défunt père avait lutté corps et âme afin que l'hôpital civil de Bordj Menaïel soit baptisé du nom de son fils. Malheureusement, ce ne fut pas le cas, Zeboudji Rabah est décédé sans que son rêve soit réalisé. Il est à noter que jusqu'à ce jour, le secteur sanitaire demeure toujours sans baptisation. Par contre, une école du domaine Jacques porte son nom. Un autre 1er Novembre et toujours pas de monument pour les martyrs ! Il faudra un jour mettre un terme à ce problème ! Des centaines et des centaines de martyrs qui avaient donné leur vie pour que Tahia El-Djazaïr sont toujours méconnus à Bordj Ménaïel, une commune qui a été l'un des bastions de la guerre de Libération nationale et dont les martyrs n'ont encore ni un carré ni un monument. 57 ans après le 1er Novembre 1954 et 49 ans après l'indépendance, l'Organisation des anciens moudjahidine, l'Association des enfants de chouhada, la Fédération des fils de chahid, les moudjahidine, les autorités locales ne se sont jamais mis d'accord pour trouver une solution à ce problème. Ils ne se sont jamais entendus, ils disent toujours qu'ils ont commencé le travail et qu'un budget a été élaboré pour commencer le travail par la construction d'une stèle commémorative mais ce n'est que du tape-à-l'œil car cette dernière a une nouvelle fois buté sur des problèmes. Mais pour la population de Bordj Ménaïel, c'est toujours un débat incompréhensible autour de ce litige, et chacun rejette la balle à l'autre. « Nous n'avons pas encore un lieu précis où l'on pourrait voir les noms de nos valeureux martyrs. Pourtant, selon les dires de certaines personnes, le site existe au niveau du jardin de l'APC, tout près de la Sûreté de daïra, mais pour des raisons obscures, il a été dévié de son projet initial. On a réalisé des jets d'eau, un beau jardin mais point de stèle. Il faudrait mettre un terme à ce désordre », a affirmé un ancien moudjahid. Il faudrait tirer au clair cette situation qui perdure depuis de nombreuses années. Pourquoi cette absence de reconnaissance à l'égard de ses hommes braves et courageux ? Tout le monde accuse tout le monde, l'APC affirme qu'elle n'a jamais été contre et que le problème se situe au niveau de la direction des anciens moudjahidine. Pour ces derniers le litige se trouve au niveau des élus locaux alors que l'Organisation des enfants de chouhada pointe du doigt la Kasma des moudjahidine de Bordj Ménaïel qui ne se sont pas mis d'accord entre eux pour l'établissement de la liste des chouhada de la région, ce qui a quelque peu freiné cette opération. Et dire que le nachid « Ikhoini la tansaw el chouhada » résonne dans nos têtes. Il est inconcevable que les Abaziz Ahcène, Abaziz Louanès, Abaziz Slimane, Abbas Abdelkader, Aberkane Rabah, Achtiouane Saïd, Aïssaoui Abdellah, Aïssaoui Mohamed, Aït Omar Mustapha, Aït Kacem Mohamed, Akroun Abdelkader, Alouane Ahmed, Amraoui Mohamed, Arif Med, Bechla Rabah, Belaouche Benmansour Saddek, Benmeliche, Benmechiche Med Seghir, Bessami Ali, Boubagha Saïd, Bouchourak Ali, Bouderba Mohamed, Bouhamadouche Djelloul, Bouhraoua Mohamed soient méconnus et oubliés de l'histoire. La liste est encore longue et nos lecteurs trouveront la suite de cette liste à la fin de cet article. L'histoire ne pardonne pas ! Depuis 1962, des présidents d'APC se sont succédé, des coordinateurs de Kasma se sont relayés, des secrétaires généraux de l'Organisation des anciens moudjahidine ont occupé cette responsabilité et aucun d'eux n'a pu réaliser le mémorial tant attendu pour l'inscription des noms et prénoms de tous les chouhada de la région de Bordj Ménaïel. Les années sont passées et lors de la célébration des événements nationaux - le 1er Novembre, le 5 Juillet, le 19 Mars, le 17 Octobre 1961, la population de Bordj Ménaïel est désemparée à l'idée que le projet en question reste encore au stade des discussions. L'histoire ne pardonnera jamais à ces personnes irresponsables d'avoir failli à leur mission. A qui la faute ? Pourquoi cet oubli à l'égard de ces hommes qui ont offert ce qu'ils avaient de plus précieux - leur vie - pour la patrie, des hommes courageux, à la bravoure légendaire qui demeurent la fierté de toute la population de Bordj Ménaïel. Le seul fait de les nommer me donne la chair de poule : Bouiri Boualem, Boussa Mohamed, Boussaâdi Rabah, Boussalah Moussa, Bouzène Belkacem, Bouzbidi Mohamed, Chendri Boualem, Cheradi Menaouar, Cherifi Aïssa, Cherifi Med, Dali Ali, Dekkar Ali, Djelfi Ali, Djerroud Laïd, Djoumi Ahmed, Dourari Mohamed, Dridi Louanès, Dridi Med, Dridi Rezki, Ghalem Boualem, Ghalem Saïd, Hachemi Hamoud, Hamzaoui (frères) Kaddour Achour, Kentour Saïd, Khouri Saïd, Meftah Ahmed, Mokhfi Amar, Tahanouti Saïd, Takdjerad Salah, les frères Toumi. Des chouhada toujours vivants dans nos cœurs.