Ayant eu une vie courte, Frantz Fanon a vécu densément. Son œuvre, sa pensée et son engagement pour l'accomplissement de l'homme ne cessent d'éclairer les sentiers à emprunter pour y parvenir. Apportant les réponses adéquates aux questions posées du temps de son vivant, il continue d'être présent en ces temps par les réponses adéquates que nous apporte sa pensée avec des interrogations sur l'actualité de l'heure pour mieux appréhender celle des lendemains. Les rencontres qu'abrite le complexe culturel Laâdi-Flici à Alger, sur l'«Esprit Frantz Fanon» jusqu'au 10 juillet, interviennent dans le cadre de la célébration de l'An 5O de l'indépendance algérienne. Ont pris part, hier, des personnalités de renom pour évoquer la pensée de Fanon qui demeure de mise. Tel le spécialiste international de l'économie mondiale et analyste - écrivain, l'Egyptien Samir Amin portant sa communication autour du thème «Fanon en Afrique et en Asie», le professeur de sciences politiques, Aijaz Ahmed, de l'Inde qui, lui a évoqué «Fanon, le philosophe révolutionnaire» ou bien «L'Algérie comme modèle universel de Libération, selon Fanon», thème développé par Ehsan Shariati de l'Iran. Si pour Samir Amine Frantz Fanon était «un révolutionnaire authentique», son livre «Les damnés de la terre» explicite sa vision de la révolution nécessaire pour sortir l'humanité de la barbarie capitaliste», indique S. Amine. C'est ce qui lui a valu, «le respect de tous les Africains et les Asiatiques», souligne toujours l'analyste-écrivain Samir Amine, en précisant que «ce n'est pas un hasard si c'est la Chine qui est en tête» et son modèle «rentre en conflit avec la logique capitaliste impérialiste». Aussi, au vu des bouleversements actuels, il semble que même les concepts dominants sont à revoir, il n'a pas lieu de parler donc «de pays émergents», comme le souligne Samir Amine. La Chine, l'Inde et autres, des sociétés ayant des millions d'années d'histoire accumulées alors «comment peut –on les évoquer, comme pays émergents». Pour Samir Amine «je n'ai pas connu le Fanon jeune de l'époque, mais son histoire politique personnelle m'a fait m'a fait connaître de l'intérieur la politique de «l'assimilation» mise en œuvre par la France aux Antilles, en Guyane et à La Réunion au lendemain de la Seconde Guerre mondiale». Pour rappeler plus loin que «Fanon avait parfaitement compris que l'expansion capitaliste était fondée sur la dépossession des peuples d'Asie, d'Afrique, d'Amérique Latine et des Caraïbes» et de préciser «c'est à dire de la majorité écrasante des peuples de la planète». Et par la force des choses et la nature de l'homme refusant la soumission, «les grands mouvements de Libération nationale en Asie et en Afrique, entrés en conflits ouverts avec l'ordre impérialiste se sont heurtés, comme ceux qui ont conduit des révolutions au nom du socialisme, aux exigences conflictuelles «du rattrapage» (la construction nationale) et de la transformation des rapports sociaux en faveur des classes populaires». Pour M. Samir Amine les régimes «post- révolutionnaires ont certainement été moins radicaux que les pouvoirs communistes», en raison pour laquelle Samir amine «qualifie les régimes en question en Asie e et en Afrique de «nationaux populistes». Indiquant à propos de ces régimes qui pour Samir Amine «se sont d'ailleurs parfois inspirés des formes d'organisation (parti unique, dictature non démocratique du pouvoir, gestion étatiste de l'économie, mises au point dans les expériences du socialisme réellement existant». Précisant à ce propos qu'«ils ont généralement dilué l'efficacité par leurs options idéologiques floues et les compromis avec le passé qu'ils ont acceptés», a indiqué l'analyste-écrivain, Samir Amine. Celui qui a soutenu qu'il «ne fera pas parler le disparu» en référence à Frantz Fanon, précise «mais je n'ai pas le moindre doute que vivant, il (F .Fanon) aurait poursuivi son combat pour la libération des peuples opprimés et le socialisme, seule alternative à la barbarie capitaliste». Pour Aijaz Ahmed «Fanon n'était pas seulement un révolutionnaire anti-colonialiste, mais aussi, philosophiquement, un humaniste cosmopolite». Il souligne que Fanon «ainsi qu'un petit nombre de ses contemporains, tels Nkrumah et Cabr» a été pour Aijaz Ahmed parmi les tout premiers en mesure de prévoir au moment même de la décolonisation au milieu de toute l'euphorie historique du démantèlement du colonialisme désuet, ce à quoi un système néocolonial mondial pourrait ressembler à l'ère d'un nouveau type d'impérialisme sans colonies à sa disposition».