Le Front de libération nationale (FLN) a chargé, en 1958, la première compagnie théâtrale d'artistes algériens, à partir du pays voisin, la Tunisie, de présenter la cause nationale à l'opinion internationale, selon Fatma-Zohra Agabi, du Ballet national algérien. La mission des membres de cette compagnie artistique était de véhiculer et de transmettre, à travers le monde, le message de la liberté et la souveraineté de l'Algérie, alors en guerre contre l'occupant pour le recouvrement de l'indépendance nationale, a-t-elle dit. Elle s'exprimait lors d'un colloque sur le thème «Quand les danses du patrimoine célèbrent la liberté», organisé à Tizi Ouzou, en marge de la 7e édition du Festival culturel arabo-africain de danse folklorique qui se tient du 4 au 10 juillet 2012. Créée en 1947 à l'Opéra d'Alger par Mustapha Kateb et Mahieddine Bachtarzi, cette compagnie théâtrale d'artistes nationaux, s'est surtout distinguée par deux chorégraphies intitulées «Vers la lumière» et «Danses populaires», primée à la première représentation, à Tunis (Tunisie), en 1951, au Festival des arts populaires, a rappelé l'intervenante. «A travers ces chorégraphies, les artistes dénonçaient, par le geste, le mouvement et le pas chorégraphique traditionnel, l'impérialisme en criant liberté de la patrie», a-t-elle indiqué. «Les chorégraphies exécutées par cette compagnie artistique algérienne ont grandement contribué à porter hors des frontières (internationaliser) la cause nationale. Les artistes se faisaient le porte-voix de la Révolution à l'extérieur», a estimé Mme Agabi dans une communication intitulée «Message de la liberté dans la danse». Durant les années du colonialisme, la population, hommes et femmes, a combattu, à sang et à chair, ce qu'elle a qualifié de «gangrène malicieuse impériale», déterminée (population, ndlr) à «irradier le mal» sanglant de ses racines, croyant (l'occupant, ndlr) avoir enraciné les préjugés et les difficultés de la différence pour pouvoir régner à jamais dans le berceau. Où, la graine stérile ne verra jamais l'aube des seigneurs turbans, en blanc, couleurs folkloriques, diversités, colombes voilées à trois couleurs pivotantes, battant des ailes, douceur, et la liberté d'un peuple déterminé à jamais à recouvrer sa souveraineté, donc sa liberté. Abordant les danses traditionnelles nationales, l'intervenante a indiqué que celles-ci «sont riches d'expressions, nuancées, a-t-elle précisé, d'une étonnante diversité de genres et de rythmes». Citant les danseuses citadines chargées d'or et de bijoux, les Touaregs voilés de leur litham, les femmes kabyles aux robes bariolées, les danseuses de Tindouf aux mains vivantes drapées de voiles bleus, évoluant aux rythmes des battements des mains. Ou encore, les rythmes, plus frénétiques encore du Hoggar ou du Touat en gandouras blanches terminant leur danse par une salve de fusils, les Targuis armés d'épées mimant les combats au son des bendirs et les baroudeurs de la ville d'El Oued. Mme Agabi a défini la danse comme étant un art qui a accompagné l'évolution de l'homme depuis longtemps. D'autant plus, a-t-elle poursuivi, que cet art a constitué un des moyens d'expression corporelle que l'homme a utilisé pour faire passer un message donné à son entourage. Malgré les difficultés et les visions négatives qui entourent cet art, résultant des idées reçues des traditions populaires, a encore ajouté Mme Agabi, la pratique de cet art est toujours permise et interdite, selon le patrimoine culturel acquis de génération en génération. «Certains considèrent la danse comme un aspect essentiel reflétant la civilisation d'un peuple conservateur et qui doit être interprété suivant les règles et les principes traditionnels, d'autres, par contre, des sociétés évoluées qui y appliquent des principes différents, y voient un des points noirs». Pour sa part, Maître Adepo Yapo, compositeur et musicologue ivoirien, a soutenu que la danse, geste à la fois volontaire et involontaire, dès lors qu'elle jaillit spontanément d'un individu, ne peut qu'«être l'expression d'une liberté» manifestée dans sa totalité. «Quand les danses du patrimoine célèbrent la liberté des peuples, nos nations, en formation, devraient se réjouir de la vitalité de ces populations au travers desquelles transpire une culture partagée et sur laquelle devraient se fonder toutes les stratégies de développement durable où l'homme est au centre», a-t-il relevé dans sa communication intitulée «Danser libre pour célébrer la liberté». L'intervenant a estimé que les hommes et les femmes, disposés de part et d'autre, aux extrémités ou au centre d'un espace scénique circulaire, rectangulaire ou carré, dansent leurs joies, leurs peines pour «créer une catharsis que les bons sentiments partagés au cours d'une expression chorégraphique exécutée collectivement pour mettre en commun ce sentiment de liberté partagé que procure cet art, la danse». Pour M. Yapo, la danse folklorique dans les pays africains, au-delà de sa dimension esthétique, constitue «un mode d'expression corporelle reflétant la beauté intérieure (invisible)». Pour exprimer leurs sentiments mais aussi leur manière de vivre au quotidien, les Africains s'adonnent à la danse et à la musique, considérées comme étant un moyen de communication, a-t-il dit. Chaque peuple de la planète, a-t-il dit, danse pour exprimer des motifs qui lui sont propres, et de façon différente, révélatrice de leur mode de vie. Le mouvement, le geste et la beauté du corps sont considérés comme un outil et un moyen d'expression socioculturelle, revêtant une forte charge symbolique, exprimant le rapport de l'homme à la terre, à Dieu, à la communauté des vivants et à celle des morts. «Aucun geste n'est gratuit mais symbolise toujours quelque chose et véhiculant un message».