La délégation égyptienne des Amazighs de l'Oasis de Siwa (Egypte), prenant part au Festival du film amazigh de Tizi Ouzou, a animé lundi une rencontre-débat à Alger sur le film documentaire Les Amazighs de Siwa, en compétition au festival. Le documentaire de 23 mn, réalisé par Hassan Daoud, affirme que les Amazighs de Siwa, une oasis dans l'extrême ouest de l'Egypte sont originaires d'Afrique du Nord qu'ils avaient fuie, il y a 3 000 ans à la suite d'une sécheresse qui les a amenés à s'installer à Siwa, une région propice aux activités agricoles. Vers la fin de la période romaine, une autre catastrophe, le choléra, les décimera entièrement avant qu'ils ne réapparaissent dans cette partie d'Egypte durant la période des conquêtes islamiques. Alors qu'ils n'étaient qu'une quarantaine, les Amazighs de Siwa sont actuellement au nombre de 30 000 et ont cette particularité d'avoir toujours été «apolitiques», apprend-on à travers le documentaire. «Du temps des Pharaons, nous étions au nombre de 5 millions et ce n'est que depuis 25 ans environ que l'Etat a reconnu officiellement notre existence, ce qui n'avait pas manqué de nous étonner nous-même et les autres Egyptiens qui n'avaient pas entendu parler de nous !», explique Omar Raleh, le Cheikh de Ouled Moussa, l'une des onze tribus qui composent l'oasis de Siwa. De nombreuses similitudes existent entre ces Amazighs et ceux des pays du Maghreb aussi bien sur le plan de la langue, des traditions vestimentaires, du mode de vie, des coutumes, etc. «Lorsque j'ai entendu parler des Amazighs d'Algérie, j'ai constaté que de nombreux mots nous sont communs, même si nous ne pouvons pas comprendre entièrement les phrases», explique le chef de la tribu. Les habitants de Siwa sont très attachés à leur culture et il serait mal venu de parler une autre langue que la leur, ajoute le membre de la délégation qui précise que le parler local est transmis de génération en génération grâce, entre autres, aux proverbes qui le véhiculent. Le chef de cette tribu, dont les fonctions sont similaires à Tajemâath (l'assemblée) en Kabylie s'agissant de la régulation de la vie sociale du village, revient sur le traitement qui leur a été réservé par les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir en Egypte. «Avant Djamal Abdennasser, Siwa s'est autogérée et ce n'est qu'après la révolution de 1952 que les autorités se sont rendues à l'oasis et ont décidé de nous approvisionner en électricité, de doter l'oasis de certaines structures publiques pour nous faire sentir qu'il y a un changement», explique-t-il. Le règne de Hosni Moubarak a été «quelque peu bénéfique au début», avant que la région ne soit complètement délaissée avec l'affaiblissement de ce régime. Omar Raleh affirme, en outre, que les Amazighs de Siwa n'ont jamais eu de conflit avec le pouvoir central. «Une marginalisation qui ne disait pas son nom» L'un des membres de cette délégation, le traducteur du film en tamazight, Khaled Muslim, nuance ces propos et soutient : «En réalité, nous avons subi une marginalisation qui ne disait pas son nom, au même titre que les Nubiens d'Assouan. Néanmoins, cela n'était pas évident étant donné que cela était dilué dans le reste des problèmes politiques et socio-économiques que nous partagions avec le reste de la population égyptienne». Les avis sont également partagés s'agissant des «velléités» de dominance linguistique en Egypte pour des raisons idéologiques. «Les Amazighs de Siwa» a été réalisé pour le compte d'une chaîne arabe internationale et avec lequel, ce réalisateur égyptien est en compétition dans le festival de Tizi Ouzou, en sus de trois autres courts métrages inhérents au même thème. Produit en 2008 en langue arabe, il s'agit du premier film traduit en dialecte siwa et n'a pu être projeté et médiatisé qu'en 2011, après la chute du régime Moubarek. Cette minorité n'a pu connaître les autres Amazighs du monde qu'à la faveur de la participation de leurs représentants aux manifestations culturelles, à l'instar du festival international du film amazigh de Tizi-Ouzou.