Les autorités intérimaires égyptiennes ont avancé dimanche dans leur calendrier de transition en réunissant pour la première fois la commission de révision de la Constitution et le nouveau gouvernement, malgré les protestations des Frères musulmans exigeant le retour du président destitué Mohamed Morsi. Par ailleurs, trois soldats et un policier ont été tués dans le Sinaï, portant le nombre à 19 depuis la déposition par l'armée de M. Morsi le 3 juillet. La commission d'experts désignée samedi par le président intérimaire Adly Mansour pour réviser la Constitution a lancé lors de sa première réunion un appel public aux propositions d'amendements pendant une semaine. La commission restera en session toute la semaine pour «finaliser la révision de l'ensemble des articles de la Constitution et examiner les propositions», a précisé Ali Awad Saleh, conseiller de M. Mansour pour les affaires constitutionnelles. La Constitution a été suspendue par la «déclaration constitutionnelle» publiée le 9 juillet par le chef de l'Etat par intérim fixant le cadre de la transition politique et des échéances électorales. Elle avait été adoptée par référendum en décembre, avec 64% des voix, mais seulement 33% de participation, après des travaux préparatoires houleux. L'opposition et les représentants de l'Eglise s'étaient retirés de la constituante, invoquant la domination des délégués islamistes. La commission d'experts aura 30 jours pour élaborer des amendements, qui seront présentés à une commission de 50 personnalités représentant les diverses composantes de la société (partis, syndicats, dignitaires religieux, armée...) disposant de 60 jours pour remettre la version finale de la Constitution au président par intérim. Il reviendra alors à M. Mansour d'annoncer dans les 30 jours la date d'un référendum constitutionnel. Au même moment, le gouvernement provisoire dirigé par Hazem Beblawi tenait également sa première réunion, dominée par la sécurité et l'économie. Il a appelé «tous les partis politiques à exprimer leurs opinions de manière pacifique», alors que se succèdent depuis plusieurs semaines des manifestations massives - parfois ensanglantées par des heurts qui ont fait plus de 100 morts - de partisans et d'adversaires de M. Morsi, renversé à la suite d'une mobilisation monstre pour son départ. Après la mort vendredi de trois manifestantes pro-Morsi, tuées dans la ville de Mansoura (nord), des centaines de femmes brandissant des portraits de M. Morsi ont marché vers le ministère de la Défense, dont les militaires leur ont barré l'accès au moyen de barbelés. Les Frères musulmans ont une nouvelle fois appelé l'armée à «respecter la volonté du peuple» en rétablissant dans ses fonctions le président islamiste, assurant qu'il prendrait alors «l'initiative de réformes qu'il s'est engagé à mener selon la Constitution décidée par le peuple». Parallèlement au lancement du processus institutionnel, le ministre des Affaires étrangères Nabil Fahmy a affirmé que sa priorité serait d'«expliquer clairement et honnêtement» la situation dans le monde. Les arrestations de nombreux dirigeants des Frères musulmans, la mise au secret par l'armée de M. Morsi, le bilan des tués et les incertitudes du calendrier politique provoquent de nombreuses inquiétudes à l'étranger. L'Union africaine a suspendu l'Egypte alors que le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a exhorté à «la reprise du processus démocratique en Egypte». Le Royaume-Uni a suspendu des exportations d'équipements militaires vers l'Egypte, de crainte qu'ils ne puissent être utilisés contre les manifestants. A contrario, trois monarchies du Golfe - l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït - ont annoncé des aides s'élevant à 12 milliards de dollars et le roi Abdallah II de Jordanie a été samedi le premier chef d'Etat étranger à se rendre en Egypte depuis la chute de M. Morsi. M. Fahmy a réaffirmé au terme d'une rencontre avec le nouveau chef de la Coalition de l'opposition syrienne, Ahmad al-Assi, que son pays était favorable à une «solution politique» en Syrie, tout en assurant que «l'Egypte soutient la révolution syrienne et le peuple syrien dans ses aspirations». La veille, il avait annoncé que l'Egypte allait «réexaminer» ses relations diplomatiques avec la Syrie, rompues en juin, tout en soulignant que «cela ne signifie pas forcément qu'elles vont reprendre».