Il faut éviter de fausses interprétations, ce remplacement ayant été décidé à un très haut niveau du pouvoir qui dépasse le ministre de l'Energie où un simple homme d'affaires, encore que nous avons assisté à des discours contradictoires entre les cadres du ministère et l'ancien PDG de Sonatrach, concernant notamment les réserves d'hydrocarbures. Le pouvoir est inquiet devant la détérioration de la balance des paiements qui devrait s'accélérer entre 2016/2020, l'Algérie n'étant pas à l'abri des périls notamment de la crise mondiale à travers une chute des cours des hydrocarbures, ne pouvant continuer à fonctionner sur la base de 110 dollars le baril ( subventions plus de 25 milliards de dollars en 2013, traitements de rente sans contreparties productives). Pour preuve, les importations de biens en 2013 ont été de 55 milliards de dollars plus 12 milliards de services, plus entre 5/7 milliards de dollars de rapatriements légaux de capitaux des firmes étrangères, soit 72/74 milliards de dollars de sorties de devises. Or, les exportations d'hydrocarbures sont en chute libre : 65,9 milliards de dollars, y compris les 3,2% hors hydrocarbures pour un montant de 2,16 milliards de dollars, en régression par rapport à 2011, montant de 73,5 milliards de dollars et 71,8 en 2012 Ayant passé plus de 35 années au sein de cette structure, j'arrive à la conclusion, comme je l'ai démontré le 27 juillet 2014 à la télévision internationale Africa24, que ces changements n'auront aucune répercussion sur les recettes de Sonatrach, extériorisée, dépendant totalement de l'évolution du marché international, malgré ses nombreuses compétences, n'ayant pas de véritable management stratégique interne. D'ailleurs le fonds de régulation n'a pas été approvisionné en 2013 et les recettes entre 2011/2014 sont gonflées par la hausse des prix du pétrole, ce qui voile la baisse en volume. Un cours de 90 dollars aurait donné une recette de moins de 55 milliards de dollars, ce qui aurait engendré des tensions sociales. Aussi, la question centrale, toujours posé depuis des décennies : quel est l'objectif du management de l'entreprise Sonatrach objet de cette contribution résultante d'enquêtes sur le terrain, intiment lié à la lutte pour le partage de la rente renvoyant à l'urgence de la démocratisation de sa gestion 1. Organisation actuelle de Sonatrach Créée le 31 décembre 1963, la Sonatrach a vu ses statuts modifiés à trois reprises par décrets présidentiel, dont le dernier été pris le 11 février 1998 avec pour souci de mettre en adéquation les statuts de la Sonatrach (sociétés par actions) à la suite de la création, en avril 1995, du Conseil national de l'énergie. Le chapitre III du décret du 11 février 1998 consacré à «l'organisation et au fonctionnement des organes» la dote de trois organes : l'assemblée générale, le conseil d'administration et l'exécutif. Par ailleurs, un décret présidentiel en date du 13 septembre 2000, apporte une légère modification au décret portant statuts de la Sonatrach, concernant exclusivement les aliénas 2 et 5 de l'article 11, qui stipule que «les vice-présidents et les directeurs généraux adjoints sont nommés par décret présidentiel» au même titre que le président-directeur général de la compagnie. Au niveau des prérogatives, ce n'est plus à Sonatrach d'octroyer les périmètres d'exploitation selon la nouvelle loi sur les hydrocarbures du 28 avril 2005 amendée par l'ordonnance du 29 juillet 2006(la loi de janvier 2013 étendant la règle des 49/51% et introduisant l'exploitation du gaz de schiste et reconduisant les mêmes procédures), mais à une agence dépendante du ministère de l'Energie Alnaft, entretenant donc des relations fonctionnelles avec cette structure autant qu'avec une autre agence, l'autorité de régulation chargée de suivre les mécanismes des prix. La nouvelle loi a fixé à au moins 51% la part de Sonatrach sur les périmètres octroyés par AlnAFT et moins de 49% aux compagnies pétrolières. Mais le partenariat a toujours existé même du temps du socialisme des années 1970. Car il y a lieu d'éviter la vision essentiellement négative, cette association a permis de redynamiser la production pétrolière et gazière en chute libre d'où les amendements de Ghozali des années 1990 qui en fait étendaient la loi de 1986 à un large partenariat avec les compagnies internationales. Aussi, en nous tenant à l'organisation actuelle du secteur des hydrocarbures, il y a lieu de distinguer plusieurs structures opérationnelles. Nous avons le conseil national de l'Energie, organe suprême de toute stratégie énergétique, malheureusement gelé depuis des années. Il a été créé par décret présidentiel le 19 avril 1995, qui dans son article 6, stipule que «le Conseil se réunit périodiquement sur convocation de son président», le président de la République dont le secrétariat (article 5) est assuré par le ministre de l'Energie et composé des ministres dits de souveraineté (Défense nationale, Affaires étrangères, Energie et Finances), du gouverneur de la Banque d'Algérie et du délégué à la planification. L'article 6, stipule que «le Conseil national de l'énergie est chargé d'assurer le suivi et l'évaluation de la politique énergétique nationale à long terme, notamment de la mise en œuvre d'un plan à long terme destiné à garantir l'avenir énergétique du pays; d'un modèle de consommation énergétique en fonction des ressources énergétiques nationales, des engagements extérieurs et des objectifs stratégiques à long terme du pays ; de la préservation des réserves stratégiques du pays en matière d'énergie; des stratégies à long terme de renouvellement et de développement des réserves nationales en hydrocarbures et leur valorisation ; de l'introduction et du développement des énergies renouvelables ; des schémas d'alliances stratégiques avec les partenaires étrangers intervenants dans le secteur de l'énergie et des engagements commerciaux à long terme». Nous avons ensuite l' Assemblée générale composée du ministre de l'Energie et des Mines, du Ministre des Finances, du gouverneur de la Banque d'Algérie, du délégué à la Planification, d'un représentant de la présidence de la République. L'article 9.3 précise que l'assemblée générale est tenue de se réunir «au moins deux fois par an en session ordinaire» et en «session extraordinaire à l'initiative de son président ou à la demande d'au moins trois de ses membres, du ou des commissaires aux comptes ou du président directeur général de la Sonatrach». Au terme de chaque session, l'assemblée générale est tenue d'adresser son rapport au président du Conseil national de l'énergie qui est le président de la République. Ensuite, le Conseil d'Administration qui est composé du président directeur général de Sonatrach, du président directeur général de Sonelgaz, du vice-président Amont, du vice président Aval, du vice-président transport par canalisation, du vice-président de la commercialisation, du directeur général des hydrocarbures du ministère, un autre représentant du ministère, de deux représentants du syndicat de Sonatrach. Enfin, vient la cheville ouvrière, le comité exécutif composé qui est la véritable cheville ouvrière de Sonatrach, du président directeur général de Sonatrach, du secrétaire général de Sonatrach, des vices-présidents amont, aval, canalisation et commercialisation, du directeur exécutif des finances, du directeur exécutif des ressources humaines, du directeur exécutif des activités centrales (DAG), du directeur stratégie, planification-économie, du directeur exécutif santé, sécurité, environnement, et sans oublier les holdings qui sont annexés au vice présidents. Ainsi à l'amont est rattaché le holding services pétroliers et parapétroliers ; pour l'aval, le holding raffinage, chimie hydrocarbures (exemple Naftec ) ; pour la commercialisation le holding Sonatrach, il lui est rattaché le holding Sonatrach/ valorisation des hydrocarbures ( exemple Naftal ). Au niveau international, le Groupe Sonatrach a mis en place un système de réorganisation de ses activités par le regroupement des compagnies filiales à l'étranger autour d'un Holding international (S.I.H.C) crée en juillet 1999 qui opère dans différents pays. C'est que l'organisation de Sonatrach est une organisation qui combine à la fois l'organisation hiérarchique et l'organisation divisionnelle, ce qui ne lui acquiert pas la souplesse de ses concurrents au niveau international sans compter la rigidité du système bancaire, et surtout, les interférences politiques, ce qui est propre à toute entreprise publique même dans les pays développés où comme en France les PDG des grandes compagnies publiques sont nommés par le président de la république en conseil des ministres, mais à la différence notable qu'il est lié à un contrat de performance avec l'Etat actionnaire, ce qui n'est pas le cas, souvent, pour notre pays, la loi sur l'autonomie des entreprises publiques en 1990 ayant peu d'application. Cela est d'autant plus vrai pour l'Algérie avec le retour à une économie administrée qui touche toutes les entreprises confondant Etat régulateur en économie de marché pouvant détenir des minorités de blocage pour certains segments jugés stratégiques, cette notion étant historiquement datée, avec le Tout Etat (Etat gestionnaire). C'est qu'il y a lieu de tenir compte de l'environnement international et la problématique de la nouvelle stratégie gazière mondiale. Sur le plan des résultats financiers, faute d'une clarté dans la gouvernance de Sonatrach, on ne discerne pas nettement ce qui est imputable à une bonne gestion interne et ce qui est imputable aux aléas internationaux qui sont déterminants. C'est que la croissance ou pas de l'économie mondiale joue comme un vecteur essentiel dans l'accroissement ou la diminution des recettes de Sonatrach. Aussi, l'analyse du fonctionnement de Sonatrach ne peut se comprendre sans la replacer à la fois dans la nouvelle configuration de la stratégie énergétique mondiale , tenant compte des coûts, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement ces recherches ayant occasionné des coûts entre temps non amortis, du nouveau défi écologique avec un changement notable du modèle de consommation énergétique qui se dessine entre 2015/2020. Le management d'entreprise est inséparable de la gouvernance interne d'un pays lui même inséparable des mutations mondiales devant donc éviter d'isoler la micro- gouvernance de la macro gouvernance qui sont inextricablement liées. Car la situation actuelle rend de plus en plus urgent le management stratégique et une transparence de la gestion de Sonatrach devant reposer pour toute démarche scientifique et opératoire du général au particulier, afin de saisir les interactions et pouvoir procéder à des actions par touches successives. Rendre plus efficiente Sonatrach suppose plusieurs actions stratégiques : la replacer dans le contexte international et national; un système d'organisation au temps réel se fondant sur des réseaux et non plus sur l'actuelle organisation marquée essentiellement sur une vision hiérarchique, des centres de coûts transparents incluant la gestion du partenariat ; une gestion rationnelle des ressources humaines et élément essentiel du management stratégique impliquer les cadres et être à l'écoute du collectif des travailleurs par un dialogue constructif permanent. L'ensemble de ces actions renvoie en fait à l'instauration de l'Etat de droit et de l'urgence d'une gouvernance renouvelée. Comme démontré tout au cours de cette analyse opérationnelle, Sonatrach s'assimile pour l'instant, à toute l'économie algérienne exportant pour 98% et important à plus de 75% de nos besoins. La sécurité du pays étant posée, cela implique l'urgence de la volonté politique d'amorcer une production et exportation hors hydrocarbures loin de la logique rentière, supposant un réaménagement profond de la logique du pouvoir. (A suivre)