La Biennale culturelle pluridisciplinaire «Djart'14», qui a débuté le 6 novembre dernier à Alger, et qui a pris fin hier, a suivi son cours malgré des conditions météo en dents de scie. Nous avons eu le loisir de rencontrer les animateurs de ce projet inédit en art urbain qui se situe dans un projet global qui consiste en un regroupement d'associations socioculturelles activant dans l'espace euro-méditerranéen sur une plateforme intitulée Trans-Cultural-Dialogues avec pour mission d'examiner les divers enjeux sociaux contemporains à travers une approche culturelle pluridisciplinaire. Djart'14 est un projet itinérant visant à laisser une trace concrète dans l'espace public et, bien qu'immatérielle, elle demeure durable dans les esprits par une initiative plantée dans l'espace urbain, un espace à reconquérir, à esthétiser et à rendre «digeste» tant il comporte des éléments de vie qui, au quotidien, restent difficiles. Rendre plus accessibles les arts, investir des lieux inédits, favoriser le lien de partage, d'échange, de discussions, tels sont quelques indices de la marche à suivre de cette biennale éclatée sur de nombreux sites de la ville qui, suite à des discussions passionnées à Istanbul en 2012, a vu l'évidence de la ville d'Alger comme départ de cette rencontre regroupant des Algériens, Espagnols, Tunisiens... avec des partenaires organisateurs formés des associations Sayra, Jiser, Chrysalide, Artikal, Mepi, Artissimo, Valle, Aria... et des soutiens plus institutionnels comme Cultural Innovator Network, Stichting Doen, Hivos People Unlimited, le ministère de la Culture algérien, Art Collaboratory, l'Onda, le Goethe Institute, l'ambassade des USA, la commune d'Alger Centre, Air Algérie, Ad Display, le Royaume des Pays-Bas et aussi Sonelgaz ou Etusa qui sont étonnamment très ouvertes au milieu artistique pour peu qu'on les sollicite. Il y a aussi en présence pour cette manifestation de nombreux chercheurs, intellectuels et artistes d'Algérie et du bassin méditerranéen. Djart'14 est donc une source d'inspiration, un moment d'expiration, le temps d'une respiration. L'art étant la nourriture de l'âme et nous voulons alimenter le plus grand nombre dans un esprit de partage sur le principe participatif de l'Art urbain le «Do it togheter», (faisons-le ensemble) avec des moyens réduits et outils divers comme les objets de récupération avec élaboration de mobilier urbain, en encourageant le public citadin à se réapproprier l'espace de vie quotidien en intégrant dans ce principe l'approche affective et effective par l'introduction d'outils artistiques et d'approches participatives par l'entremise des arts visuels, de l'architecture, la performance, les workshops, expositions et works in progress. Djart'14 qui est la contraction de Djazaïr et Art a offert jusqu'au 15 du mois un ensemble d'ateliers, de rencontres, discussions diverses, théâtre de rue, de la musique, des arts visuels, des déambulations créatives, du recyclage, des «calligraffitis», en résumé toute une panoplie d'actions culturelles à l'impact certain. L'image dans tous ses états, avec Walid Bouchouchi qui offre aussi son concept rigolo et quelque peu ironique «Akakir», la mise au point de toutes les questions à travers l'épice ou littéralement les drogues sur des expositions fondamentalement pertinentes dans des endroits à la singularité choisie comme les cages d'escaliers ou dans les bus sur les poignées exactement. Dans un autre registre el Seed franco-tunisien vient avec quelque 220 mètres carrés dans son escarcelle artistique, il élit domicile à la Villa Abdeltif, et offre à quelques jeunes graffeurs une rencontre de tous les possibles. Salim Lamari, architecte, conduira un atelier public ouvert avec pour objectif de réaménager le «siège» de cette biennale d'un genre nouveau qui a pris ses aises au sein de la place Ben-Boulaïd par des matériaux recyclés, les lieux oubliés de passage hébergeront une exposition de photos projetées de portraits de femmes algériennes sur des lieux de transit et de passage. Nicene Kossentini, artiste tunisienne fera une exposition sonore basée sur des témoignages vivants d'Algériens sur un parcours original qui slalomera entre les bâtisses et monuments riches en histoires ; il s'agit donc de quelque douze étapes inscrites dans cette biennale avec des discussions qui évoquent le délicat postulat de la mobilité artistique dans la région euro-méditerranéenne. On notera, à cet effet, la présence de personnalités culturelles comme Yasmina Reggad, commissaire d'exposition responsable d'Aria (Artist Residency In Algiers), l'artiste tunisien Mohamed Ben Soltane, la critique d'art, Nadira Laggoune-Aklouche, l'écrivain Mustapha Benfodil, en présence du Teatro Valle Occupato de Rome, de Jiser Reflexion Mediterranies d'Espagne, Chrysalide d'Alger, et Main d'œuvre de France. Democratoz et Yacine Belahcene et Oriental Groove d'Espagne assureront la partie musicale en fin de biennale dès 21 heures sur la placette Ben-Boulaïd. En résumé, «Histoire (s) en cinq haltes» a fait le tour par une installation sonore partie de Maqam Echahid, au jardin d'Essai, en passant par la Grotte de Cervantès, Dar Abdeltif et le Musée national des beaux-arts d'Alger, «Akakir Invasion» sur le concept de la magie locale, la drogue, la médication ou l'épice envahissent l'espace urbain mobile à travers les bus pour une déambulation artistique originale. Le tunnel des facultés accueillera l'exposition «Lighting the city» avec un mural géant de elSeed sur une des plus grandes façades d'Alger. Les discussions ne sont pas en reste dans l'école Artissimo pour une rencontre- débat autour de la mobilité artistique en compagnie de Xavi de Luca de Jiser, en compagnie de Yasmina Reggad, Mohamed Ben Soltane, Dani Burrows, du Royaume-Uni. «Redécouverte fortuite» est une initiative qui a donné le ton dès la station des Fusillés par l'architecte Houssem Mokeddem pour un tour en bus spécial partie visiter les lieux hantés par le souvenir, la Synagogue de Bab el Oued, la Maison hantée du Deux-Moulins, sur un nouveau regard porté autour de lieux presque oubliés. «Re (placette) est un atelier urbain préparé en compagnie de jeunes des Beaux-Arts, un atelier qui a été présent au Djart Gathering qui a eu lieu hier au même endroit. «Sticker Lab» est un workshop de détournement d'image avec des messages visuels engagés imprimés et collés un peu partout sur la ville. «Safari Typo» a transformé tous les signes de la ville en messages visuels artistiques posant la question de l'esthétique au milieu de la ville traitée cette fois sous le prisme de la jungle urbaine. «Calligrafree» est un concept de mix entre calligraphie et graffiti, un questionnement intéressant avec Street Andalusizing, avec Hamza el Fasiki, Djart Gathering en performance, et Djart Off Event sur des performances et happennings sur la Ben Boulaïd Placette. La salle El-Chabab en pleine rue Larbi-Ben-M'hidi laisse le débat sur l'art dans l'espace public avec Nadira Laggoune, critique d'art, Annalisa Cannito de Trans-Cultural Dialogues, Xavier de Luca de Jiser, Djalila Kadi Hannifi de Chrysalide, Lorena Cosimi de Teatro Valle Occupato, ou Camille de Wit de Mains d'œuvres, voilà en tout toute une série d'actions qui ont marqué le pas d'une nouvelle approche algérienne du fait culturel en accueillant la première de cette biennale spécifique à dimension humaine, hors des cadres officiels qui alourdissent l'action culturelle. Djart'14 est un événement ancré sur le plaisir de l'échange et de l'interaction, bonne virée donc dans cette urbanité aux allures fort sympathiques avec un renouvellement du bail de l'itinérance avec pourquoi pas dans deux ans à Oran, Constantine ou Annaba comme future capitale du Street Art et de l'art urbain en général. Jaoudet Gassouma Information :www.djart 2014.info