Dans un pays où la susceptibilité est à fleur de peau, la surenchère pratique courante, l'invective et les ragots la vertu, le député du Parti des travailleurs passe pour un empêcheur de tourner en rond. Cette fois, l'ancien secrétaire général du conseil syndical de la société ArcelorMittal cible le complexe céramique de Guelma (CCG). De quoi gêner certains indélicats. Apparemment à raison, puisque le député bien imprégné des éléments constitutifs de ce dossier dénonce l'importation de machines vétustes qui ne servent à rien car majoritairement en panne ou non installées. Comme les équipements pour l'atelier réfractaire dans le cadre d'un crédit-bail leasing à la banque BNP Paribas. Ses factures n'ayant pas été réglées, celle-ci menace de saisir le matériel et, également, de s'opposer à l'installation du deuxième four kéos de cuisson des produits réfractaires. En député, sachant les actes préjudiciables à l'économie nationale, il précise sa suspicion quant à des actes de prévarication commis et appelle le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchaoureb, à réagir pour y mettre un terme. Sur sa lancée, le député de Guelma a ajouté d'autres faits tout aussi graves. Il s'agit de la démolition des deux fours tunnel de l'atelier porcelaine qui servent à la cuisson des produits. Il a même précisé que les initiateurs de ce plan de démolition argumentent le fait que ces fours ne sont plus rentables. Et comme pour bien remuer le couteau dans la plaie, Smaïl Kouadria dénonce l'absence de tout programme de formation aux nouvelles techniques de travail au profit des agents et techniciens chargés du fonctionnement des fours. Toutes ces dénonciations contenues dans une correspondance adressée au représentant du gouvernement ressemblent à un réquisitoire sur des atteintes aux finances publiques. En termes plus clairs, le représentant de la wilaya de Guelma à l'APN met en relief ses suspicions de malversations sur la base de surfacturation, des dettes douteuses et une opération de prédation des deniers de l'Etat. «Sachez que depuis la cession du complexe céramique ECVE Guelma au profit de l'italien ETER Italie et ses associés algériens Hadji Lamine, Guadouche Zahir, Céramique Hippocompe, le cahier des charges élaboré par le conseil de participation de l'Etat (CPE) dans la perspective de pérenniser et développer l'activité du complexe «ETER Algérie spa» n'a pas été respecté à ce jour», cet autre argument massue avancé par le député devrait inciter le ministre de l'Industrie à réagir rapidement pour tenter de sauver ce qui peut l'être. D'autant que Kouadria souligne : «Tout ce laisser-aller de la part des actionnaires ou la mésentente entre eux fait que le complexe va tout droit vers la faillite et sa fermeture certaine. En conséquence, nous appelons à l'intervention rapide de l'Etat pour sauver cette usine de la banqueroute en accélérant l'entrée du FNI dans le capital dans le cadre de la règle 51/49 ou bien l'application du droit souverain de l'Etat au titre du droit de préemption pour sa renationalisation à 100%.» C'est dire que la fièvre est montée d'un cran au complexe céramique de Guelma où travailleurs et syndicalistes se sont unis pour sauver leur outil de travail. Ils sont au chômage technique depuis 2011 pour cause d'arrêt presque total de la production. Ce qui a eu pour conséquence le non-versement des salaires depuis des mois. «C'est le résultat aussi de la suspension de l'importation des matières premières et de la rupture de stock de ces dernières ainsi que la gestion catastrophique de la société», insiste le même député. Et lorsqu'il est dit que l'arrêt total des installations depuis presque deux mois est dû à une coupure de l'alimentation en gaz naturel générée par un clapet de sécurité et un régulateur que la filiale EGTRTG-Sonelgaz refuse de livrer, on entre dans le sabotage économique. Plusieurs syndicalistes interrogés ont estimé que tout a été fait pour mettre un terme à la production nationale de céramique pour inonder le marché national de produits importés de qualité douteuse. A ce niveau, l'on espère que les changements tous azimuts engagés par le président de la République devraient concerner les entreprises publiques économiques pour rompre avec le temps de la prévarication. «Il est impératif que la comptabilité publique soit nettoyée», ont estimé nos interlocuteurs. Mais il y a pire que la gestion ETER Italie et ses associés algériens. C'est le cas de le dire quand on sait qu'aucune suite n'a été réservées à ce jour à la résolution votée par le CPE concernant la prise de participation de l'Etat à travers le Fonds national de l'Investissement (FNI) à hauteur de 30% dans le capital de «ETER ALG spa». Il faut préciser que par ses activités et le savoir-faire de ses 130 salariés, le complexe céramique pourrait devenir le leader de la production nationale dans les réfractaires et produits inertes (dont il est le seul producteur en Afrique). Et dire qu'en 2013, deux membres de la SGP accompagnée de deux inspecteurs du ministère de l'Industrie ont effectué une visite d'inspection et de travail au complexe céramique de Guelma. En présence des salariés et du partenaire social, ils s'étaient engagés à trouver des solutions et à les appliquer pour sauver le complexe. Plus de deux années après cet engagement, salariés et partenaires ne voient toujours rien venir. Abdesselam Bouchareb restera-t-il insensible aux graves accusations sur des actes de dilapidation des biens publics contenus dans la correspondance que lui a adressée hier le député Smaïl Kouadria intitulée «SOS pour sauver le complexe céramique de Guelma d'une fermeture certaine» ? Telle est la question que se posent les 130 travailleurs et des milliers d'autres en amont des activités du CCG.