Le Premier ministre vient de faire savoir que l'article 87 bis sera appliqué dès le mois d'août 2015. Avec la baisse des recettes des hydrocarbures, l'objet de cette présente contribution est d'analyser les incidences macro-sociales et macro-économiques. 1.- Selon les données officielles de l'ONS, la population active fin 2014, au sens du BIT, est de 12 millions pour une population d'environ 39,5 millions. Pour les données disponibles de 2013, selon l'ONS, la structure de l'emploi le BTPH représente 16,5%, l'industrie 12,6%, l'agriculture 9,5% et le commerce servies (micros unités) 61,4% avec une dominance du secteur privé 58,9% de l'emploi total. Le nombre de salariés est évalué à 7 393 000 dont 3 508 000 non permanents et 3 785 000 permanents. Le salariat est la forme dominante et touche 65,3% des personnes en activité, minimisant certainement le poids de la sphère informelle qui représente 50% de la superficie économique. La masse salariale, avec la dominance de la fonction publique a évolué ainsi devant toujours raisonner à prix constants entre 2000/2013. Si l'on prend un taux de change unique 79 dinars un dollar la masse salariale pour 2013 est de 54,98 milliards de dollars, exactement en dinars 4 343, 436 milliards de dinars (source ONS). Le PIB aux prix courants, toujours selon l'ONS a été de 17 771 milliards de dinars en 2013 soit 225 milliards de dollars, donnant un ratio masse salariale sur le PIB pour 2013 de 24,44% 2013. Ce taux ne serait pas inquiétant si la tertiairisation de l'économie et l'administration n'était pas dominante (emplois rente) et si existait une très forte productivité du travail ce qui n'est pas le cas pour l'Algérie. Or, la productivité globale est une des plus faible au niveau du bassin méditerranéen, l'Algérie selon un rapport de l'OCDE dépensant deux fois plus pour avoir deux fois moins d'impacts au niveau de la région MENA. Avec l'abrogation de l'article 87 bis, le risque est l'accélération du processus inflationniste qui favorisera une concentration du revenu national au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes donc salariaux. Les raisons de cette faible productivité imputable à la faiblesse d'entreprises compétitives publiques ou privées sont la bureaucratie paralysante, le foncier, le système financier et un système socio -éducatif non adapté. Car il faut différencier, pour avoir une vision opérationnelle comme l'a montré brillamment le feu grand économiste polonais Michael Kalecki salaires et traitement. Le concept de salaires s'applique au seul secteur créateur directement et indirectement de valeur-ajoutée. Pour le traitement, il y a deux sous-rubriques : ceux qui bénéficient d'un transfert direct, et ceux qui comme le recommande le PNUD, contribuent indirectement à la création de valeur à moyen terme en l'occurrence l'éducation et la santé. Or, il existe une confusion méthodologique des données de l'ONS qui inclut par exemple, dans l'administration les banques et assurances alors qu'il faille éclater cette rubrique, données brutes qui ne permettant pas une analyse opérationnelle. 2.- L'article 87 bis de la loi 90-11 d'avril 1990, modifié et complété en 1997 relatif aux relations de travail, a été élaboré par le Fonds monétaire international qui a imposé des conditionnalités draconiennes à l'Algérie, en cessation de paiement en 1994. Il stipule que le Salaire national minimum garanti (SNMG) applicable dans les secteurs d'activité est fixé par décret, après consultation des associations syndicales de travailleurs et d'employeurs les plus représentatives et en fonction de l'évolution de la productivité moyenne nationale enregistrée ; de l'indice des prix à la consommation et de la conjoncture économique générale. L'article 87 bis comprend le salaire national minimum garanti, prévu à l'article 87, le salaire de base, les indemnités et primes de toute nature à l'exclusion des indemnités versées au titre de remboursement de frais engagés par le travailleur. L'application, aura une incidence sur deux éléments majeurs. Le SNMG dans sa période active et sa pension une fois validée les années de travail dans la période de la retraite, du fait que le système de calcul applique une grille de calcul qui prend en compte le salaire soumis à cotisations à l'exclusion des prestations à caractère familial (allocations familiales, primes de scolarité, salaire unique...), et les primes à caractère exceptionnel (primes de départ à la retraite, indemnité de licenciement...). Pour les syndicats dans leur majorité, si pour la revalorisation des salaires, le SNMG a été révisé ces trois dernières années à deux reprises, pour atteindre, à partir de janvier 2012, 18 000 DA, cela n'a pas contribué à améliorer les conditions de vie des Algériens et donc s'impose la modification ou la suppression de cet article qui vise à faire du SNMG, un salaire expurgé de ses nombreuses primes et indemnités. La conséquence d'une telle mesure réside dans le fait que le salarié est appelé à percevoir ses 18 000 DA de SNMG dans leur totalité sans avoir à subir aucune soustraction, comme auparavant, encore que certains syndicats autonomes plaident pour que le SNMG soit calculé sur le salaire net et non brut, c'est-à-dire après défalcation des retenues. Et ce, pour rendre «palpables» les augmentations salariales arguant que ce sont les hauts cadres, indexés au SNMG, qui bénéficieront de cette augmentation. Mais il ne faut pas être utopique. L'abrogation de l'article 87 bis de la loi n°90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail aura une lourde répercussion sur le trésor public. Le gouvernement avait déjà évalué l'impact en 2006 à 500 milliards de dinars pour la fonction publique et 44 milliards de de dinars pour les entreprises publiques soit au cours de l'époque 7/8 milliards de dollars annuellement. Entre temps en 2012, certaines catégories ont eu des augmentations de salaires ce qui a permis de relever le plafond de ceux qui percevaient moins de 20 000 dinars par mois. Mais également entre temps nous avons eu une augmentation des fonctionnaires qui dépassent 2,1 millions en 2014 et ajouté aux emplois temporaires (entre 800 000 et 900 000 selon certaines sources) donnant trois millions de fonctionnaires permanents et non permanents ainsi que l'embauche au niveau du secteur économique notamment le BTPH dont la majorité perçoit moins de 20 000 dinars. Si on généralisait à tous les salariés (7,5 millions) dont les points indiciaires varient d'une catégorie, l'impact du fait des ondes de chocs avec des effets cumulatifs qui forcément s'en suivront, et ce que l'on oublie pendant toute la durée de l'activité , pourrait aller vers 9/11 milliards de dollars de traitements additionnel annuel horizon 2016/2020. Cela rejoint tant les données de mon ami le docteur Abdelhak Lamiri (20% de la masse salariale) que celles du secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'agroalimentaire (FNTA) qui dans une interview sur les ondes de la Radio chaîne III évalue les incidences à environ 30 milliards de dollars sur trois ans. Pour éviter un tel montant, le gouvernement compte appliquer cette mesure dans une première phase à 3 millions de salariés, dont le SMIG est de 18 000 DA, dont 1 million d'entre eux relèvent du secteur privé. L'incidence varierait alors pour ces catégories basses entre 2,5 à 3 milliards de dollars annuellement. Mais ces augmentations pour les basses catégories nivelle par le bas les salaires. Ainsi une femme de ménage qui percevra 20 000 dinars se rapprochera du technicien qui perçoit 25 000/30 000 dinars par mois net. Il faut donc s'attendre à moyen terme à des revendications salariales pour accroître l'écart nécessaire pour ne pas réduire la productivité du travail et cela concerne tant la fonction publique que tout le secteur économique. Par ailleurs, selon l'ONS, 83% de la superficie économique globale est constituée de petits commerce/services (tertiairisation de l'économie à très faible productivité) et 95% du tissu productif est constitué de PMI-PME. Environ 70% des PMI-PME dont le BTPH ne pourront pas supporter cette augmentation des salaires, la masse salariale dépassant souvent 50% de la valeur ajoutée. Ils inclueront forcément ces augmentations dans le prix (agriculture- industries/ BTPPH) donc inflation, ou licencieront, ou demanderont au gouvernement des dégrèvements fiscaux , taux d'intérêts bonifiés, supportés par le trésor public, ou en cas de désaccord iront se réfugier dans la sphère informelle déjà florissante accaparant plus de 50% de la superficie économique. 3.- Ainsi le gouvernement est sur un fil de rasoir avec la chute des recettes de Sonatrach d'environ de 45% du cours es hydrocarbures depuis juin 2014. La balance courante a accusé un solde positif d'un milliard de dollars en 2013 mais un solide négatif de 9,11 milliards de dollars fin 2014 et un solde global de la balance des paiements qui a été de 130 millions de dollars en 2013 et négatif de 5,88 milliards de dollars fin 2014 et durant les cinq premiers mois de l'année 2015, par rapport à la même période de 2014, la balance commerciale a enregistré un déficit de 6,38 milliards de dollars. L'Algérie a puisé entre juin 2014 et mars 2015 32 milliards de dollars dans ses réserves de change qui se sont établies à 160 milliards de dollars s fin mars 2015 et un dérapage du dinar par rapport au dollar qui est passé de 76 dinars un dollar à 99,25 100 dinars un dollar le 07 juillet 2015 favorisant l'accroissement de l'inflation importée. Pour atténuer l'impact négatif sur le trésor public, éviter une austérité qui toucherait les couches sociales les plus défavorisées, il faudra à la fois avoir une vision « juste » de la justice sociale, ne pouvant demander des sacrifices aux plus catégories les vulnérables sans une solidarité collective et de mieux gérer l'allocation des ressources par des économies de gestions, lutter contre les surcoûts exorbitants, diminuer le train de vie de l'Etat qui doit donner l'exemple, renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la Cité. Ce sont les conditions fondamentales pour lutter contre les inégalités , atténuer le processus inflationniste et forcément relever le niveau de production et de productivité impliquant une nouvelle politique socio-économique axée sur la production et exportation hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Le programme 2004/2014 a été consacré aux infrastructures qui ne sont qu'un moyen expliquant malgré une dépense colossale L'Algérie a eu un taux de croissance relativement faible de 3% durant cette période alors qu'il faut 8/9% de taux de croissance pendant au moins 5/7 ans pour éviter des remous sociaux et améliorer le pouvoir d'achat des Algériens. Certes, dans le pouvoir d'achat, il faut inclure les transferts sociaux et les subventions (60 milliards de dollars soit 27/28% du PIB) pour acheter la paix sociale et cela n'es pas tenable dans le temps. Dans un pays normal, l'on ne distribue que ce que l'on a préalablement produit. Le taux d'inflation officiel à hauteur de 4% est artificiel car compressé a par les subventions sans lesquelles il approcherait les 10%. Aussi, un débat national sur les subventions généralisées, non ciblées devient urgent. 4.- Je mets en garde le gouvernement contre une dérive inflationniste qui pénaliserait les catégories les plus vulnérables, lui demande d'agir avec pondération en évitant les populismes et de tenir pour compte de l'actuelle crise grecque qui peut être une leçon à retenir afin d'éviter de retourner au FMI. Je rappelle les sept conclusions de l'audit sur les salaires et l'emploi (1), que j'ai eu à diriger pour les pouvoirs publics entre 2007/2008, toujours d'une brûlante actualité avec une équipe pluridisciplinaire composée d'économistes, de sociologues et de démographes Dommage que les conclusions de cette étude, réalisée uniquement par des Algériens, n'aient pas été appliquées où l'on aurait éviter cette situation actuelle produit de la mentalité bureaucratique rentière toujours présente. Premièrement, il n'existe pas de politique salariale encourageant les créateurs de richesses mais des versements de traitements de rente, souvent sans contreparties productives. Il existe une loi en économie : seule la sphère économique et indirectement comme le postule le PNUD par l'indice du développement humain IRH, la santé et l'éducation qui produisent de la valeur-ajoutée. Deuxièmement, l'étude avait mis en relief l'urgence pour une véritable politique salariale cohérente, une vision claire de la répartition du revenu national et du modèle de consommation spécifique par couches sociales afin de favoriser les producteurs de richesses et de lutter, parallèlement grâce à nouvelle politique fiscale ciblée contre une concentration excessive du revenu national, une plus grande citoyenneté se mesurant à la progression de l'impôt direct, l'impôt indirect étant injuste par définition.