L'auteur présumé de l'attentat suicide de Suruç, qui a fait 32 morts lundi dans le sud-est de la Turquie, est un ressortissant turc de 20 ans appartenant à la minorité kurde, qui s'est rendu clandestinement en Syrie l'an dernier avec l'aide d'un groupe lié à l'Etat islamique (EI), a déclaré hier un haut responsable du gouvernement à Reuters. Le suspect, originaire de la ville d'Adiyaman (sud-est), avait des liens avec l'auteur présumé d'un autre attentat qui a fait deux morts et 200 blessés le 5 juin lors d'un rassemblement du parti d'opposition pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple), deux jours avant les élections législatives, a ajouté ce responsable qui a requis l'anonymat. L'attentat de Suruç, qui a également fait une centaine de blessés, a visé des étudiants et militants pro-kurdes en partance pour la ville syrienne de Kobani. «Le suspect était actif au sein d'un groupe soutenant l'Etat islamique en Syrie et nous savons qu'il s'est rendu illégalement dans ce pays, où nous n'avons pas été en mesure de suivre ses déplacements», a précisé le responsable turc. Le journal turc Radikal cite le témoignage de la mère du kamikaze présumé, qui dit que son fils avait été étudiant à l'université d'Adiyaman et avait travaillé comme peintre avec son frère de 25 ans avant de partir avec lui à l'étranger. «Je ne sais pas ce qu'ils faisaient, ils ne me l'ont jamais dit. Ils faisaient juste savoir qu'ils allaient bien», a dit à Radikal Semure Alagoz. «Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, ni s'ils ont rejoint l'EI pour faire le djihad...» Deux députés du parti HDP ont déposé hier deux motions au Parlement turc, citant comme possible responsable de l'attentat de lundi une jeune femme de 20 ans, comme l'avaient rapporté plusieurs médias, et demandant pourquoi celle-ci avait été relâchée par la police le mois dernier. Deux policiers ont par ailleurs été retrouvés morts, tués d'une balle dans la tête, hier matin dans leur maison de Ceylanpinar, ville située à 160 km de Suruç. Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a revendiqué sur l'un de ses sites internet ce double meurtre, affirmant avoir voulu «venger» les victimes de Suruç. Les deux policiers ont été tués «en raison de leur collaboration avec les bandes de Daech», dit le PKK en utilisant l'acronyme désignant l'EI. Ankara a entamé en 2012 des discussions de paix avec les séparatistes du PKK pour tenter de mettre fin à un conflit qui a fait plus de 40 000 morts en trente ans mais les pourparlers sont dans l'impasse depuis plusieurs mois. De nombreux Kurdes de Turquie et des opposants soupçonnent l'AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan, de soutenir en secret les djihadistes contre les combattants séparatistes kurdes en Syrie, ce qu'Ankara dément fermement. Mardi, pour la deuxième soirée consécutive, des manifestations ont été organisées dans plusieurs quartiers d'Istanbul, à Ankara et dans des villes du sud-est du pays peuplées majoritairement de Kurdes. A Istanbul, la police a arrêté 49 personnes, rapportent les médias. Les protestataires ont défilé notamment sur une avenue commerçante d'Istanbul, dans le quartier de Kadikoy, aux cris de «Etat islamique meurtrier, Erdogan et AKP complices !», avant que la police ne les disperse à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Un rassemblement nocturne a également eu lieu à Ankara, la capitale, où les participants brandissaient des photos des victimes de l'attentat de Suruç ainsi que des banderoles de l'organisation de jeunesse à laquelle elles appartenaient pour la plupart. L'attentat suicide a visé des étudiants rassemblés par la Fédération des associations de jeunes socialistes avec l'objectif de rejoindre la ville syrienne de Kobani pour y apporter des jouets et reconstruire une bibliothèque détruite durant le siège de la ville par l'EI. Le HDP a appelé à un grand rassemblement samedi à Istanbul. Les peshmergas (combattants kurdes) syriens ont mis fin au siège de Kobani en début d'année mais la ville-frontière, devenue un symbole pour les Kurdes, a de nouveau été attaquée par les djihadistes le mois dernier. Le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, a rejeté mardi les accusations selon lesquelles Ankara aurait tacitement soutenu par le passé l'EI.