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Les six impacts de la baisse du coursdes hydrocarbures sur l'économie algérienne
Energie
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 05 - 2020

Le cours du pétrole a été coté en clôture le 1er mai 2020, date de l'application de l'accord de réduction de 9,7 millions de barils/jour décidé par les pays Opep (environ 40% seulement de la production commercialisée mondiale) et non Opep, à 26,27 dollars le Brent (23,90 euros), le Wit 19,41 dollars (17,60 euros), et le gaz naturel sur le marché libre flutant entre 1,52 et 1,97 dollar le MBTU.
Le résultat est mitigé du fait d'une décroissance de l'économie mondiale, d'un stockage sans précédent (USA- Chine, Inde, Europe, voir nos interviews le 23/04/2020 à France 24 et à American Herald Tribune USA) qui a un coût croissant, et d'une demande mondiale en baisse entre 40/50%, certaines estimations donnant plus de 30 millions de barils jour d'excédent. Pour l'Algérie, la baisse d'un dollar des hydrocarbures lui fait perdre en moyenne annuelle entre 450/600 millions de dollars, qui a été conjuguée avec la baisse en volume de énergies primaires exportables entre 2005/2019, à dominance de pétrole et gaz brut et semi but. Dès lors, nous aurons six impacts sur l'économie algérienne dont avec les dérivées 98% de ses recettes en devises proviennent des hydrocarbures.
1- A 40 dollars le baril pour 2019, hypothèse optimiste, le chiffre d'affaire, serait de 20 milliards de dollars. A 30 dollars le baril, hypothèse médiane, le chiffre d'affaire serait de 15 milliards de dollars. Et dans une hypothèse pessimiste, à 25 dollars le chiffre d'affaire, de Sonatrach serait de près de 13 milliards de dollars et à 20 dollars le chiffre d'affaire serait de 10 milliards de dollars. Pour tous ces scénarios, il faudrait soustraire la baisse du quota entre 240 000/145 000 barils jour suivant les trois phases de réduction), 20/25% de charges et la part des associés, pour avoir le profit net. Mais n'oublions pas le gaz naturel qui en 2019 représente en valeur 33% des recettes de Sonatrach dont le prix sur le marché mondial a chuté de plus de 50% en référence à 2008/2009. En volume physique, la structure en des exportations représente en moyenne entre 2017/2018 pétrole brut 36,0%, le gaz naturel 46,9% (en volume 17/18% pour le GNL, 25% en valeur) le condensat 6,3%, et le GPL 10,8%.
Quant à la production d'électricité en dehors du pétrole et du gaz, malgré des discours depuis les années 2007 et nécessitant d'importants investissements (il était prévu en 2015 entre 80/100 milliards de dollars entre 2015/2030), la production a été selon le rapport officiel du ministère de tutelle en GWH 150 en 2017 et 188 en 2018. Ces indications corroborent les déclarations les prévisions du programme indicatif pour l'approvisionnement du marché national en gaz 2019-2028, élaboré par la CREG donne une consommation moyenne en gaz à 67 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2029/2030 avec une croissance annuelle de 4,5%, l'évolution de la consommation locale en gaz étant tirée principalement par l'industrie, dont la consommation en gaz passerait de 10 milliards de m3 en 2019 à 17 milliards de m3 en 2028, avec un taux de croissance annuel moyen de 5,9% avec l'apparition de nouveaux projets budgétivores posant la problématique des subventions généralisées et non ciblées ayant que cela pose le problème de la gestion interne de Sonatrach étant pour l'instant du fait que les activités à l'aval sont mineures (pétrochimie notamment) peut être considéré comme une banque comme source de financement.
Or, le Groupe est aussi le premier employeur public avec 120 000 personnes, la masse salariale de Sonatrach ayant été d'environ 155 milliards de dinars en 2018 contre 140 en 2017 selon le rapport Sonatrach 2018, soit au cours actuel de 128 dinars un dollar 1,21 milliard de dollars. Des compagnies internationales, pour un chiffre d'affaire similaire fonctionne avec environ moins de 40/50% d'effectifs, posant l'urgence d'un nouveau management de Sonatrach donnant le primat aux emplois productifs et non à l'administration, devant orienter ses activités vers ses métiers de base.
2- L'ensemble de ces données ont un impact macro-économique et macro- social dont je recense six impacts sur la société algérienne de la baisse des recettes des hydrocarbures.
– Premièrement : sur le niveau des réserves de change qui étaient de 194 milliards de dollars fin 2013 et qui risquent d'être inférieures à 45/50 milliards de dollars fin 2020.
– Deuxièmement : sur le niveau de la balance des paiements document de référence au lieu de la balance commerciale, incluant les sorties de devises des services avec un accroissement du déficit budgétaire que l'on peut combler artificiellement par une dépréciation du dinar en référence au dollar et à l'euro (gonflé en dinars pour la fiscalité pétrolière et les importations de biens, pour ce dernier supporté en final par le consommateur.
– Troisièmement : sur la valeur du dinar corrélé à 70% aux réserves de change via les hydrocarbures, voilant l'importance réelle du déficit budgétaire et gonflant artificiellement le fonds de régulation des recettes. Avec des réserves de change de 10/20 milliards de dollars le cours officiel du dinar algérien dépasserait 200 dinars un euro, en cas d'une non dynamisation des sections hors rente, la valeur d'une monnaie reposant avant tout sur la production et la productivité.
– Quatrièmement : nous aurons un impact sur le rythme de la dépense publique qui détermine fondamentalement le taux de croissance avec les effets indirects à 80%, 97% des exportations provenant des hydrocarbures et important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%. Environ 83% de la superficie économique est constituée de petits services/commerce, et secteur industriel pesant moins de 5% du PIB).
– Cinquièmement : sur le niveau d'inflation qui est actuellement compressé par les subventions et les transferts sociaux.
– Sixièmement : l'impact sur le niveau de création d'emplois pouvant conduire à d'importantes tensions sociales, voire politiques ayant privilégié jusqu'à présent non les emplois productifs et mais les emplois rentes, gonflant d'ailleurs artificiellement le taux de chômage officiel : pléthore dans les administrations, sureffectifs dans les entreprises publiques, emplois temporaires en partie improductifs comme faire et refaire des trottoirs, etc., En résumé le taux d'emploi étant fonction du taux de croissance et des structures de productivité, il faut s'attendre à un accroissement du taux de chômage en tenant compte que sur plus de 12 millions de la population active en avril 2020, plus de 40% de l'emploi est dans la sphère informelle souvent sans protection sociale, devant créer plus de 300 000 emplois par an qui s'ajoute au taux de chômage actuel nécessitant annuellement sur au moins cinq années un taux de croissance de 88/9%.
La crise mondiale actuelle n'est pas la seule explication de la léthargie de l'appareil productif algérien, 07% de croissance du PB en 2019, selon le FMI, 0,8% selon le gouvernement, avec une prévision négative moins de 5% pour 2020, selon le FMI, le secteur industriel représentant moins de 6% du PIB avec la dominance du commerce-services-administration peu performants.
Les raisons essentielles sont le manque de vision stratégique, de visibilité dans la démarche de la politique économique à travers, le mauvais choix dans l'allocation des ressources, sur entrée de devises de plus de 1 000 milliards de dollars, une importation de 935 milliards de dollars de biens et services entre 2000/2019 pour avoir un taux de croissance dérisoire entre 2/3%, une instabilité juridique perpétuelle couplé au système bureaucratique sclérosant de l'inadaptation du système financier et du système socio-éducatif à l'évolution du monde sans oublier l'épineux problème du foncier. D'où l'importance de changer la trajectoire économique pour une véritable transition économique et énergétique dans le cadre des valeurs internationales supposant une refonte de l'Etat sur la base d'une gouvernance renouvelée avec le primat du savoir sur les relations de clientèles.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul


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