Depuis le 9 juillet 2019, l'Algérie se trouve dans une situation inédite ou différents constitutionnalistes ont des vues contradictoires : pour les uns étant dans l'inconstitutionnalité, pour d'autres la prolongation du mandant de l'actuel chef de l'Etat rentrant dans le cadre d'une interprétation extensive de la Constitution afin d'éviter le vide constitutionnel. Quelque soit les postions, la situation est très grave pouvant affecter tant les relations internationales politiques et économiques de l'Algérie, qu'un divorce Etat-citoyens au niveau interne. Je considère que le dialogue avec la réelle composante de la société et non de segments de la rente, est l'outil par excellence de la bonne gouvernance. Car, pour l'Algérie avec les tensions budgétaires 2019/2020/2025, l'on devra éviter les solutions de facilité, résoudre rapidement la crise politique. Opposition, Al Hirak et Pouvoir doivent s'entendre sur un compromis raisonnable, par le dialogue productif, afin que l'Algérie ne se retrouve dans le même scénario vénézuélien, pays en faillite bien plus riche que l'Algérie, ce qu'aucun patriote ne souhaite. 1- Le constat économique en ce mois de juillet 2019 : une économie rentière Après 57 années d'indépendance politique, l'économie algérienne est dépendante à environ 98% toujours du cours des hydrocarbures. L'impact semble mitigé du récent accord de Vienne puisque le cours du pétrole dont dépend fortement l'Algérie, le 10 juillet 2019 a été coté 65,33 dollars le Brent et 59,00 le Wit avec un cours dollar /euro de 1,1228 dollar un euro (voir notre interview quotidien El Moudjahid 10/07/2019). Environ 70/80% des besoins des entreprises publiques/privées et des ménages proviennent de l'extérieur via les hydrocarbures, les exportations en grande partie en direction de l'Europe, partenaire stratégique dans le domaine énergétique, qui influent sur le taux de croissance, le taux de l'emploi, les réserves de change et indirectement le poids de l'Algérie dans les relations internationales. En n'oubliant pas qu'au rythme de la consommation intérieure, posant la problématique des subventions généralisées, le volume serait l'équivalent des exportations actuelles ne dépassant pas 55 milliards de mètres cubes gazeux et qu'environ 33% des recettes de Sonatrach entre 2018/2019 proviennent du gaz naturel liquéfié GNL et du gaz naturel à travers la grande canalisation Tranmed via Italie et la canalisation moyenne Medgaz via Espagne dont le cours a chuté étant de près de 50% depuis 2009, le cours le 06/7/2019 fluctuant entre 2,37 et 2,42 dollars le MBTU sur le marché libre, le cours prévue achat en aout 2019 étant à 2,398 dollars. Les facteurs géostratégiques sont déterminants. Imaginons la fermeture du détroit d'Ormuz par l'Iran où transitent 20/25% de la production pétrolière, le cours risque de flamber entre 90/100 dollars. Ou une guerre commerciale à outrance entre les USA/Chine entrainent une grave récession de l'économie mondiale où le cours risque de descendre en dessous de 50 dollars. Donc, dépendant du cours des hydrocarbures, pour remonter son déficit budgétaire au titre de l'exercice 2019, l'Algérie aurait besoin d'un baril de pétrole à 116,40 dollars, selon le média américain Bloomberg contre 95/100 dollars en 2017/2018, soulignant que «la production algérienne est restée relativement stable à environ 1 million de barils par jour». L'agence américaine, qui fait état «d'incertitudes politiques précise que la part de production de l'Algérie au sein de l'Opep est de 3,3%, reprenant une analyse publiée en avril 2019 qui avait averti que de dures mesures économiques s'imposaient à l'Algérie, et que la révolte populaire accélère l'urgence de la réforme économique et financière. L'analyse indiquait que même si l'impact des bouleversements économiques mondiaux ne sera pas significatif dont « l'économie est fermée», il n'en demeure pas moins que des jours difficiles s'annoncent pour l'Algérie, « qui n'a pas su prévenir une telle situation de crise», en dépit de la manne financière dont le pays disposait lors des années qui ont suivi la chute des prix du pétrole, dès la mi-juin 2014. Cette analyse contredit les propos récents du ministère de l'Energie et de certains experts algériens qui avaient affirmé qu'un prix à 80 dollars permettrait à Sonatrach d'augmenter ses ressources et de réaliser ses programmes de développement. En effet, Sonatrach procure directement et indirectement 98% des recettes en devises du pays. Pour 2018, nous avons eu un total en valeur pour Sonatrach de 34,995 milliards de dollars et pour les associés 3,61 milliards de dollars au total 38,607 milliards de dollars, les associés représentant 9,35%, une stabilisation par rapport aux années passés montrant que l'Algérie n'a pas tellement attiré d'investisseurs étrangers, d'où l'importance de la révision de la loi des hydrocarbures. Ce n'est que le chiffre d'affaire et pour voir le profit net qui reste à Sonatrach, il faut retirer les bénéfices des associées et les couts d'exploitation qui sont variables assez faible pour le pétrole brut et le gaz naturel par canalisation, mais élevé pour le GNL, le condensat, le GPL et les produits raffinés pouvant tourner en moyenne autour de 30%. 33% des recettes de Sonatrach provenant du gaz, se pose cette question centrale, quel sera le prix de cession du gaz de toutes ces unités mises récemment installées notamment engrais phosphate, sidérurgie fortes consommatrices d'énergie et les subventions généralisées sans ciblage, (dans la loi de Finances 2019, les transferts sociaux budgétisés s'élèveront à 1772,5 milliards de dinars, représentant 8,2% du PIB et d'environ 21% de la totalité du budget de l'Etat en hausse de 12,5 milliards (+0,7%) par rapport à 2018), la consommation intérieure dépassant les exportations actuelles horizon 2030 ? Rappelons qu'une hausse d'un dollar en moyenne annuelle procure entre 300-500 millions de dollars supplémentaires à l'Algérie soit à 70 dollars entre 6/ 10 milliards de dollars/an en référence à la loi de finances établie à 50 dollars. C'est le chiffre d'affaires et non le profit net dont il convient de déduire les couts. Même à 70 dollars, cela ne permet pas de combler le déficit budgétaire. Qu'en sera-t-il après l'abandon par le gouvernement du financement non conventionnel restant deux solutions : l'endettement extérieur ou le dérapage accéléré du dinar. Exemple un dérapage du dinar de 20% augmente la fiscalité pétrolière en dinars et les importations également dont les taxes douanières s'appliquent à un dinar dévalué, voilant artificiellement le déficit du trésor. D'où des tensions budgétaires et la diminution des réserves change. Selon le document officiel présenté par le premier ministre à l'APN fin 2017, les programmes de développement ont nécessité de 2000/2017 une enveloppe de 531,8 milliards de dollars dont une grande partie en devises et le budget de fonctionnement et de gestion pour la même période une dépense de l'ordre de 649,9 milliards de dollars, soit au total 1187,7 milliards de dollars. Or le taux de croissance global n'a pas dépassé 3% en moyenne annuelle entre 2000/2018 : mauvaise gestion ou corruption ? La solution la plus durable est une lutte contre la corruption(surfacturations) , une plus grande rigueur budgétaire pour lutter contre les surcouts, une meilleure allocation des ressources financières supposant une planification stratégique et cibler les subventions qui doivent s'adresser qu'aux catégories et aux régions les plus défavorisées et ce afin de limiter la baisse des réserves de change. Cela a un impact sur les réserves de change ont évolué ainsi : 2012 :190,6 milliards de dollars, 2013 :194,0 milliard de dollars, 2014 :178,9 milliards de dollars, 2015 :144,1 milliards de dollars, 2016 : 114,1 milliards de dollars, 2017 : 97,3 milliards de dollars. Selon la banque d'Algérie, bilan du premier semestre 2018, par rapport à fin décembre 2017, les réserves de change se sont contractées de 8,72 milliards de dollars en passant de 97,33 milliards à fin décembre 2017 à 79,6 milliards de dollars fin 2018. Selon le PLF comme incidence, l'encours des réserves de change sera impacté et se contracterait à 62, milliards de dollars en 2019, 47.8 en 2020 et à 33.8 milliards de dollars en 2021, le FMI prévoyant 12 milliards de dollars courant 2022 et ce avant les évènements d'Al Hirak. D'où l'importance de plus de rigueur budgétaire et lutte contre les transferts illicites de devises pour éviter la cessation de paiement 2021/2022. Pour les transferts illégaux de devises, l'objectif stratégique est d'établir la connexion entre ceux qui opèrent dans le commerce extérieur soit légalement ou à travers les surfacturations et les montants provenant essentiellement d'agents possédant des sommes en dinars au niveau local légalement ou illégalement, non connectés aux réseaux internationaux. Il ne faut pas se tromper de cibles, devant différencier stratégie et tactiques pour paraphraser le langage des stratèges militaires, existant souvent une confusion entre les sorties de devises résultant des importations de biens et services d'environ 600 milliards de dollars entre 2000/2018 selon les statistiques du gouvernement et le total des dépenses d'environ 1100 milliards de dollars( document officiel du FMI, budget équipement et fonctionnement (constitué en grande partie de salaires). Il s ‘git de différencier les surfacturations en dinars (pour des projets ne nécessitant pas ou peu de devises) des surfacturations en devises, existant deux sphères d'agents ceux reliés uniquement au marché interne (dinars) et ceux opérant dans le commerce extérieur (devises), ce processus se faisant en complicité avec les étrangers, bien que certains agents économiques opèrent sur ces deux sphères. Prenons l'hypothèse d'un taux de 10% de surfacturation, ce n'est qu'une hypothèse, étant plus facile pour les services où certaines surfacturations peuvent atteindre plus de 15%. Les sorties de devises de biens et services entre 2000/2018, étant estimées à environ 600 milliards de dollars, cela donnerait un montant total de sorties de devises de 60 milliards de dollars soit plus de 70% des réserves de change clôturé à 79 milliards de dollars au 31/12/2018. Si l'on applique un taux de 20% cela faisait 120 milliards de dollars soit une moyenne annuelle de 7,8 milliards de dollars entre 2000/2018, plus que les réserves de change actuelles, une véritable dérive. Ces transferts illégaux de devises ne datent pas d'aujourd'hui devant ramener pour des comparaisons sérieuses la valeur du dinar qui est coté en mars 2019 à 118 dinars un dollar et en 1974 nous avions 5 dinars pour un dollar( fixation administrative), 45 dinars un dollar vers les années 1974/1975, avec un dérapage accéléré entre 2009/2018 afin de combler artificiellement, le déficit budgétaire et accélérant l'inflation importée compressée partiellement par les subventions, notamment pour le carburant et les produits de première nécessité.Ayant eu à diriger le dossier du bilan de l'industrialisation entre 1965 et 1978 pour le gouvernement de l'époque ayant quantifié d'importants surcouts par rapport aux normes internationales, et le dossier des surestaries en 1983 en tant que directeur général es études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes, pour la présidence de l'époque au moment du programme anti-pénurie, au vu des importants montants illégaux détectées à travers des échantillons, j'avais conseillé à la présidence de l'époque d'établir un tableau de la valeur en temps réel, reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité), tableau qui malheureusement n'a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s'attaquait à de puissants intérêts occultes. Ces pratiques condamnables qui portent atteinte à la sécurité nationale et au développement futur du pays, existant des liens entre trafic de devises, de drogue et terrorisme. (Conférence du professeur Abderrahmane Mebtoul le 19 mars 2019 –Ministère de la Défense Nationale - Ecole Supérieure de Guerre –ESG «les déterminants du cours du pétrole et son leurs impacts sur l'économie algérienne :entre les fondamentaux et les enjeux géostratégiques» - Intervention du Pr Abderrahmane Mebtoul «l'Algérie face aux trafics et au terrorisme au niveau de la région sahélienne»-Ministère de la Défense Nationale -Institut de Documentation, d'Evaluation et de Prospective trafic des frontières et la sécurité au Sahel 27 mars 2018). (A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international